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Maison carrée, Nîmes.

Maison carrée, Nîmes.

Pont du Gard.

Pont du Gard.

Porte de l'Aude et tour de l'Eveque de la cité de Carcassonne.

Porte de l'Aude et tour de l'Eveque de la cité de Carcassonne.

Château de Chenonceau.

Château de Chenonceau.

Maison carrée, Nîmes.

Maison carrée, Nîmes.

Date de création : 1851

Date représentée :

H. : 26,8

L. : 35,4

Domaine : Photographies

© Photo RMN - Grand Palais - R. G. Ojeda

http://www.photo.rmn.fr

94-000336 / PH.6088

La Mission héliographique de 1851, un voyage pittoresque et romantique à travers l’ancienne France

Date de publication : Décembre 2011

Auteur : Charlotte DENOËL

La redécouverte du patrimoine monumental français

En gestation sous l’Ancien Régime, la notion de patrimoine émerge véritablement à la faveur de la mise à disposition de la Nation des biens du clergé décrétée par la Constituante le 2 novembre 1789, puis des actes de vandalisme qui se multiplient au lendemain de la chute de la monarchie le 10 août 1792. Les excès commis par les révolutionnaires à l’encontre des monuments symboliques de la féodalité contraignent le gouvernement à prendre des mesures pour protéger ce patrimoine désormais national. La création du dépôt des Petits-Augustins placé sous la garde d’Alexandre Lenoir le 6 juin 1791 puis sa transformation en musée des Monuments français quatre ans plus tard constituent l’acte fondateur de cette prise de conscience patrimoniale. Durant la première moitié du XIXe siècle, les pouvoirs publics mettent en place des institutions officielles destinées à conserver et à restaurer les monuments de la France. En 1851, l’une d’entre elles, la Commission des monuments historiques, créée en 1837, charge cinq photographes de documenter le patrimoine afin de faciliter le travail des architectes de la Commission chargés de leur restauration : la Mission héliographique était née.

Une histoire monumentale de la nation française

Les cinq photographes sélectionnés par la Commission des monuments historiques, Le Secq, Le Gray, Baldus, Mestral et Bayard, sont tous membres de la toute jeune Société héliographique. Fondée en 1851, la première société savante de photographie a pour but de promouvoir le développement de cette invention, née en 1839. Cette commande publique consacre l’utilité de la photographie dans la reproduction fidèle des ouvrages et édifices. Pour dresser un panorama de l’architecture française, 175 monuments précieux et en ruine dispersés à travers la France sont attribués aux cinq photographes suivant une répartition géographique.

Parmi eux, Édouard Baldus, peintre qui n’a guère pratiqué la photographie avant 1851 hormis quelques vues d’Arles, est chargé d’une série de monuments situés entre Fontainebleau et le sud-est de la France, où sont recensés de nombreux vestiges antiques. Très vite, il se distingue par ses vues d’architecture qui restituent toute la monumentalité de l’édifice, comme dans cette image de la Maison carrée de Nîmes, un temple romain édifié au Ier siècle, où une prise de vue rapprochée met en valeur sa colonnade classique tout en accentuant la dimension monumentale de l’ensemble. Autre célèbre édifice romain photographié par Baldus dans la même région, le pont du Gard est quant à lui représenté dans un format panoramique. Le paysage rocheux au premier plan a été ajouté par le photographe au moyen d’un montage complexe, technique dans laquelle il était passé maître, afin de donner de la profondeur à la vue d’ensemble.

Gustave Le Grayet Auguste Mestral, qui ont pour leur part sillonné ensemble une large zone comprise entre la Loire et le Sud-Ouest, ont surtout rapporté des photographies de monuments du Moyen Âge et de la Renaissance. À Carcassonne, où ils séjournent onze jours, ils prennent une grande quantité de vues qui comptent parmi les plus achevées de leur œuvre commune. L’une d’entre elles représente la tour de l’Évêque vue depuis la porte de l’Aude. Plutôt que de restituer en perspective les imposantes fortifications médiévales de la cité, Le Gray et Mestral s’en sont rapprochés afin de souligner l’enchevêtrement de masses géométriques qu’elles offrent aux regards et de capter les jeux de lumière sur la pierre brute. À Chenonceau, au contraire, c’est la silhouette élégante et longiligne du château bâti à la Renaissance qui a retenu leur attention dans une composition d’ensemble au cadrage classique. La part belle que cette image fait au ciel donne de l’ampleur à l’édifice et à ses célèbres galeries superposées qui enjambent le Cher.

La vogue du Moyen Âge

Les monuments choisis traduisent les priorités de la Commission chargée d’octroyer des subventions aux édifices classés nécessitant des restaurations urgentes. Ainsi Carcassonne qui fit l’objet d’abondants travaux dirigés par Viollet-le-Duc et très controversés. Ils reflètent aussi ses préférences artistiques. Celles-ci vont plutôt aux époques gallo-romaine et, surtout, médiévale, qui offrent les témoignages les plus remarquables de l’art français. La Renaissance, si elle est pourtant représentée dans la Mission héliographique avec les châteaux de la Loire, est loin d’être au cœur des préoccupations de la Commission, de même que les édifices des XVIIe et XVIIIe siècles.

Cet engouement pour les monuments du Moyen Âge s’inscrit dans un large mouvement d’invention fantasmée de cette période, qui s’est développé dans le sillage du Génie du christianisme de Chateaubriand, paru en 1802, et du courant romantique. Tandis que les historiens s’intéressent à cette période fondatrice pour la nation française, l’essor de l’archéologie autour d’Arcisse de Caumont et la multiplication des sociétés savantes favorisent l’étude et la sauvegarde des monuments médiévaux. À la même époque, la publication du monumental ouvrage du baron Taylor, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, attire l’attention sur les ruines médiévales de la France à travers ses lithographies signées par de grands artistes dont l’approche romantique des monuments a influencé des générations de photographes, à commencer par ceux de la Mission héliographique. Comme Taylor, ces derniers privilégient les œuvres de l’art roman et gothique, créations par excellence du génie national français.

Christian AMALVI, Le Goût du Moyen Âge, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2002.Sylvie AUBENAS (dir.), Gustave Le Gray, 1820-1884, catalogue de l’exposition organisée par la B.N.F., 19 mars-6 juin 2002, Paris, B.N.F.-Gallimard, 2002.Françoise BERCÉ, Des monuments historiques au patrimoine, du XVIIIe siècle à nos jours ou les Égarements du cœur et de l’esprit, Paris, Flammarion, 2000.Ilaria CISERI, Le Romantisme : 1780-1860, la naissance d’une nouvelle sensibilité, Paris, Gründ, 2004.Isabelle DURAND-LE GUERN, Le Moyen Âge des romantiques, Presses universitaires de Rennes, 2001.Maïté BOUYSSY (dir.), « Puissance du néogothique », in Sociétés & Représentations, n° 20, déc. 2005.Louis GRODECKI, Le Moyen Âge retrouvé, tome II « De Saint Louis à Viollet-le-Duc », Paris, Flammarion, 1991.Jean-Michel LENIAUD, Les Archipels du passé : le patrimoine et son histoire, Paris, Fayard, 2002.Anne de MONDENARD, La Mission héliographique. Cinq photographes parcourent la France en 1851, Paris, Monum, Éditions du patrimoine, 2002.Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire. La nation. Le territoire. L’Etat. Le patrimoine, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 3 vol., 1986.

Charlotte DENOËL, « La Mission héliographique de 1851, un voyage pittoresque et romantique à travers l’ancienne France », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/mission-heliographique-1851-voyage-pittoresque-romantique-travers-ancienne-france

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