Aller au contenu principal
Portrait de Claude Debussy.

Portrait de Claude Debussy.

Claude Debussy au piano dans la propriété d' Ernest Chausson à Luzancy.

Claude Debussy au piano dans la propriété d' Ernest Chausson à Luzancy.

Portrait de Claude Debussy.

Portrait de Claude Debussy.

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1884

Date représentée : 1884

H. : 24,5 cm

L. : 21,5 cm

Huile sur bois

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski

http://www.photo.rmn.fr

99DE15641/ RF1996-13

Debussy et le renouveau musical

Date de publication : Janvier 2005

Auteur : Hermine VIDEAU

Nombreux sont ceux pour qui Achille-Claude Debussy (1862-1918) est le plus grand compositeur du XXe siècle. D’origine très modeste, il a la chance d’être remarqué enfant par la belle-mère de Verlaine, pianiste de talent, qui décèle en lui de grandes qualités musicales. Une fois entré au Conservatoire en 1872, où il suit les cours de piano du professeur Marmontel, Debussy manifeste d'emblée de profondes réticences envers le type d’enseignement délivré par l’institution : son impatience à l’égard de la théorie, son refus de se plier à des règles autres que celles que lui dicte son « bon plaisir », notamment en matière d'harmonie, son précoce désir d’indépendance sont le sujet de heurts continus avec ses professeurs et dessinent déjà les principaux traits de sa personnalité musicale. En 1884, il remporte néanmoins le prestigieux prix de Rome avec sa cantate L’Enfant prodigue. Le malaise et l'infécondité qui dominent ses deux années de séjour à la Villa Médicis achèvent de convaincre Debussy de l'exigence vitale que représente l'indépendance dans son processus de création. De retour à Paris, ce sentiment se confirme : Debussy rompt tout lien avec le Conservatoire et fuit le milieu musical. Il fréquente en revanche régulièrement les poètes symbolistes et le milieu littéraire d’avant-garde, notamment Mallarmé et Pierre Louÿs, duquel il devient l’ami intime. Il se lie également avec le compositeur Ernest Chausson, fervent admirateur de Wagner.

Ce portrait au pastel de Debussy a été réalisé par Marcel Baschet (1862-1941) en 1885, lors du séjour à Rome du jeune compositeur. La sobriété de la composition et la sévérité des teintes choisies par l'artiste exaltent à merveille l’intensité de l’expression du jeune lauréat : la maturité, la gravité un brin revêche et l’assurance à la fois mélancolique et hautaine qui se dessinent ici étonnent chez un jeune homme de vingt-trois ans. Elles semblent vouloir témoigner du surnom donné à Debussy par ses camarades du Conservatoire, le « Prince des Ténèbres », surnom qui en dit long sur l’impression produite par le jeune compositeur sur ses congénères ! Le portrait ne paraît-il pas également faire une sorte d'écho pictural aux paroles du musicien qui, parlant de sa musique, disait « Je voudrais qu’elle eût l’air de sortir de l’ombre et que, par moment, elle y rentrât » ?
La photographie montre Debussy au piano à Luzancy, propriété louée par Ernest Chausson sur les bords de la Marne en 1893. Debussy fréquenta régulièrement le salon de ce fervent « wagnériste », tout en s'éloignant peu à peu de ce courant artistique. Il se livra à cette époque avec Chausson et l'entourage de ce dernier au déchiffrage passionné de la musique russe, notamment au Boris Godounov de Moussorgski. C'est également en cette même année 1893 qu'il commença à travailler à sa plus grande œuvre, Pelléas et Mélisande, opéra composé d'après la pièce symboliste de Maeterlinck et créé à l'Opéra-Comique en 1912.

Peu de compositeurs peuvent se targuer d’avoir, comme Debussy, autant renouvelé le langage musical de leur temps. On parle même souvent à son propos de réinvention, tant furent profondes et fécondes les innovations harmoniques et rythmiques qu’il introduisit dans l'écriture musicale. Sa conception d'une musique pareille au « vent qui passe », affranchie des règles conventionnelles et seulement en recherche de sa propre harmonie intérieure, est la pierre fondatrice de la musique du XXe siècle. La profonde fascination qu’il éprouva, à l’instar de toute sa génération, pour Wagner, puis sa prise de distance vis-à-vis du maître de Bayreuth sont exemplaires à cet égard : pour Debussy, si la musique de Wagner libère des puissances inexprimées jusqu’alors, elle demeure essentiellement tributaire d’un message extérieur et d’une métaphysique ; en cela, elle reste un support et ne peut être cette « musique pure » à laquelle lui-même aspire. L’intérêt profond de Debussy pour les mouvements picturaux de son temps – l’impressionnisme, les nabis –, mais aussi pour le symbolisme et les recherches poétiques d’un Mallarmé est d'ailleurs significatif de sa conception de l’art, tout entière tournée vers la libération de la forme et l’expression de l’ineffable : « Je crois que je ne pourrai jamais enfermer ma musique dans un monde trop correct... J’aimerais mieux une chose où, en quelque sorte, l’action soit sacrifiée à l’expression longuement poursuivie des sentiments de l’âme. »

Jean BARRAQUE, Debussy,  Le Seuil, coll. « Solfèges », Paris, 1994.Claude DEBUSSY, Correspondance -1884-1918, présentée par F.Lesure, Hermann, Paris, 1993.François LESURE, Claude Debussy avant Pelléas ou les Années symbolistes, Klincksieck, Paris, 1992.Gilles MACASSAR et Bernard MERIGAUD, Claude Debussy, le plaisir et la passion, Gallimard, coll. « Découvertes », Paris, 1992.

Hermine VIDEAU, « Debussy et le renouveau musical », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/debussy-renouveau-musical

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Compositeur italien né en 1760, Cherubini s’établit à Paris en 1788 et se fait naturaliser français. Il traverse les gouvernements : porte-parole…

Franz Liszt, de la gloire aux ténèbres

Franz Liszt, de la gloire aux ténèbres

Prodige et renoncement

Pianiste hors norme et compositeur novateur, Franz Liszt (1811-1886) est l’un des plus grands musiciens du XIXe…

Franz Liszt, de la gloire aux ténèbres
Franz Liszt, de la gloire aux ténèbres
Franz Liszt, de la gloire aux ténèbres
Jour de fête

Jour de fête

La France des fanfares

Au début du XXe siècle, il n’est pas rare que les photographes professionnels comme Henri Lemoine (1848-1924)…

Jour de fête
Jour de fête
Les petits métiers et la musique populaire

Les petits métiers et la musique populaire

Petits métiers des villes, petits métiers des champs

Dans son opéra naturaliste Louise, créé en 1900, le compositeur Gustave Charpentier rendait…

Les petits métiers et la musique populaire
Les petits métiers et la musique populaire
Giuditta Pasta et le travestissement à l'opéra

Giuditta Pasta et le travestissement à l'opéra

Au début du XIXe siècle, Paris est un des principaux pôles d’attraction d’Europe, et les étrangers affluent dans la capitale de la culture…
Une des premières divas de l'opéra : Maria Malibran

Une des premières divas de l'opéra : Maria Malibran

La cantatrice Maria Malibran est sans doute l’une des plus célèbres chanteuses de l’histoire de l’opéra. D’origine espagnole, elle naît à Paris le…

L’Opéra de Charles Garnier

L’Opéra de Charles Garnier

La construction du nouvel Opéra de Paris

Décidée en 1858 pour remédier à la vétusté et à l’incommodité de la salle de la rue Le Pelletier, la…

L’Opéra de Charles Garnier
L’Opéra de Charles Garnier
Chopin, musicien romantique

Chopin, musicien romantique

En 1834, dans son atelier du 15, quai Voltaire à Paris, Delacroix fait de George Sand, juste après sa rupture avec Alfred de Musset, un portrait…

La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration

La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration

Lorsque Rossini arrive à Paris en novembre 1823, ce n’est pas un inconnu car douze de ses œuvres ont déjà été montées au Théâtre-Italien, dont quatre…
La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration
La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration
Le Printemps de Bourges

Le Printemps de Bourges

Une affiche pour la chanson

L’affiche annonçant la troisième édition du « Printemps de Bourges » inscrit nettement les…