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Gaston Doumergue (1863-1937), président de la République Française.

Gaston Doumergue (1863-1937), président de la République Française.

Paul Doumer (1857-1932) président de la République Française.

Paul Doumer (1857-1932) président de la République Française.

Albert Lebrun (1871-1950) président de la République Française.

Albert Lebrun (1871-1950) président de la République Française.

Gaston Doumergue (1863-1937), président de la République Française.

Gaston Doumergue (1863-1937), président de la République Française.

Date de création : 1926

Date représentée : 1926

H. : 122 cm

L. : 95 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Lien vers l'image

MV 6245 - 95-003441

Portraits de présidents de la République

Date de publication : Janvier 2006

Auteur : Jérémie BENOÎT

Dans les années 1920, les mouvements les plus novateurs de l’art, cubisme et art abstrait, semblaient perdre un peu de terrain au profit d’un art figuratif plus traditionnel, révélé à l’Exposition des arts décoratifs de 1925. C’est dans ce contexte qu’on vit paraître les derniers portraits officiels des présidents de la République, avant que la photographie ne supplante définitivement la peinture après la Seconde Guerre mondiale. À la manière de Léon Bonnat, solide portraitiste de la fin du XIXe siècle (Victor Hugo, Versailles), Baschet reprit le genre du portrait bourgeois issu à la fois de David (M. Pécoul, Louvre) et d’Ingres (M. Bertin, Louvre). De ces portraits intimistes et privés, il fit toutefois des portraits officiels des premiers magistrats de la France où s’exprime nettement le processus de démocratisation inexorable depuis la Révolution.

Pour comprendre la facture de ces portraits, il convient de préciser que la fonction de président est longtemps restée suspecte aux yeux des républicains. Le souvenir des deux coups d’État, celui du président Louis Napoléon Bonaparte en 1851 et celui du président Mac-Mahon le 16 mai 1877, explique cette suspicion et la décision prise à compter de Jules Grévy (la fameuse « constitution Grévy » de 1879) de ne pas utiliser les pouvoirs que les lois constitutionnelles de 1875 donnaient pourtant au président de la République. Cette méfiance (réactivée par l’affaire Boulanger) s’accompagne d’un rejet de toute personnification de la République, à la fois dangereuse sur le plan politique (risque de « césarisme ») et inacceptable sur le plan conceptuel puisque la République ne peut s’incarner que dans la nation ou ses symboles.

En étudiant les circonstances dans lesquelles ces tableaux ont été réalisés, on remarque qu’ils se trouvent parfois aux limites entre commande officielle et commande privée : le portrait de Lebrun fut acheté à la Société des artistes français peu après son achèvement. Dès les années 1930, ils étaient envoyés dans les musées, comme si la République ne souhaitait pas les transformer en effigies officielles, mais voulait elle aussi rapidement entrer dans l’Histoire. Ces tableaux des trois derniers présidents ne devaient connaître aucune suite, et l’on peut bien dire qu’ils sont les derniers feux d’un art qui ne se relèvera plus après la Seconde Guerre mondiale, qu’ils traduisent encore l’esprit d’une bourgeoisie du XIXe siècle qui conserva le pouvoir jusqu’aux alentours de 1940. C’est une autre génération ayant d’autres idées qui émergera à partir de la Libération.

Il ne s’agit pas ici de portraiturer des présidents en grande tenue d’apparat, comme l’étaient les rois (Louis XIV par Rigaud, Louis XVI par Duplessis) ou les deux empereurs français (Napoléon Ier par Gérard ou Lefèvre, Napoléon III par Flandrin). Avec la république, la société s’est définitivement démocratisée, et Baschet représente ces trois hommes dans des costumes sombres de bourgeois surpris à leur bureau en plein travail, ou bien à la tribune prononçant un discours (Doumer).

Il ne s’agit plus d’hommes qui en imposent au peuple, véritables symboles du pouvoir qu’ils incarnent, d’hommes qui règnent sur des sujets, ils ne sont que les premiers dignitaires des Français et, comme eux, ils travaillent. D’ailleurs, la présidence, sous la IIIe République, est une dignité, non une fonction. Le président est élu par la Chambre réunie en congrès à Versailles, non par le peuple. Celui-ci, par l’intermédiaire des députés, est seul dépositaire du pouvoir et le président n’est que son représentant. Ce qui explique aussi la simplicité de ces portraits, particulièrement sensible dans la figure de Gaston Doumergue, dont la bonhomie s’accorde bien avec la popularité dont il fit l’objet. Profitant d’ailleurs de celle-ci et alors qu’il était redevenu député depuis 1932, il fut nommé, suite à la journée du 6 février 1934, président du Conseil, mais après avoir vainement tenté de renforcer l’exécutif, dut se démettre au mois de novembre suivant.

Gaston Doumergue avait été remplacé à la présidence de la République par Paul Doumer, dont le rigide portrait resté inachevé révèle le destin tragique – il sera assassiné par un Russe blanc, Gorgoulov, en mai 1932. Albert Lebrun, dernier président de la IIIe République, lui succéda de 1932 jusqu’à la formation du gouvernement de Vichy en 1940.

Chez Lebrun s’exprime l’intellectuel – il fut élève de l’École polytechnique –, tant dans la pose plus altière que celle de ses prédécesseurs que dans la façon élégante de croiser les mains. En lui s’incarne une nouvelle génération de républicains : le temps des combats idéologiques des Doumergue et Doumer est révolu, la république est définitivement installée et, malgré les attaques de la droite nationaliste dans les années 1930, elle semble ne plus devoir être remise en cause. Comme le révèle le portrait de Lebrun, elle suscite une élite assez hautaine, à laquelle il ne manque plus que d’asseoir définitivement sa réussite, ce qui explique sa volonté de faire entrer rapidement ces œuvres au musée de Versailles.

Ces portraits des trois derniers présidents de la IIIe République, œuvres du même artiste, apparaissent comme les ultimes manifestations d’un art figuratif traditionnel que viendra aussi ponctuer le portrait du maréchal Pétain, le vainqueur de Verdun, peint en 1932 par André Devambez (musée de Versailles). Ces effigies officielles, sans fantaisie, montrent l’effacement de l’art du portrait qui, dans son discours social, n’a désormais plus rien à apporter à la peinture. Baschet ne chercha même pas à traduire la personnalité de ses modèles, sinon au sein de leur fonction. Ce ne sont pas véritablement des hommes qu’il peint, mais les plus hauts magistrats de la France républicaine, saisis dans leur vie quotidienne. D’un point de vue politique, la photographie fera bientôt aussi bien l’affaire que ces représentations pour diffuser l’image du chef de l’État.

Maurice AGULHON, Marianne au pouvoir. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989.

Maurice AGULHON, Les Métamorphoses de Marianne. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1914 à nos jours, Paris, Flammarion, 2001.

Jérémie BENOÎT, « Portraits de présidents de la République », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/portraits-presidents-republique

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