Aller au contenu principal
Le bourgeois et l'ouvrier. 1848.

Le bourgeois et l'ouvrier. 1848.

Date de création : 1848

Date représentée : 1848

H. : 0

L. : 0

© Photo RMN - Grand Palais - Bulloz

http://www.photo.rmn.fr

01-000724

Ouvrier et bourgeois

Date de publication : Février 2010

Auteur : Alexandre SUMPF

D’une révolution à l’autre : 1830 et 1848

Si elle possède de multiples causes et connaît divers acteurs, la révolution de juillet 1830 est aussi un mouvement populaire et ouvrier. En effet, lors des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830), c’est bien l’insurrection du peuple parisien, composé d’artisans, de boutiquiers, d’ouvriers saisonniers, d’exclus et de chômeurs, qui précipite la fin du règne de Charles X et de la Restauration. Mais la montée sur le trône de Louis-Philippe et l’instauration de la monarchie de Juillet (1830-1848) apparaissent vite comme le triomphe de la bourgeoisie, qui a su confisquer la révolution à son profit, ne répondant pas vraiment aux revendications politiques et sociales des insurgés radicaux. Alors que les républicains sont marginalisés, les conditions de travail et d’existence des classes populaires ne s’améliorent pas durant la période. Les mouvements, grèves et insurrections se multiplient dans les années 1830, mais le régime se maintient jusqu’à la révolution de 1848 (23, 24 et 25 février). Encore une fois, les travailleurs et les prolétaires jouent un rôle déterminant dans le succès du mouvement, qui conduit à l’établissement de la IIe République. L’estampe a été réalisée au lendemain de cette révolution, dans une période d’hésitations et de contradictions politiques, d’ambiguïtés et d’amertume pour les ouvriers : victorieux, ils craignent de voir leurs revendications encore une fois oubliées par la classe dirigeante. D’où un fort sentiment de la nécessité de se montrer vigilant et exigeant.

Ouvrier et bourgeois : l’union des contrastes ?


Le bourgeois et l’ouvrier, 1848 est une estampe de Jean-Pierre Moynet, peintre de genre et d’architecture, dessinateur et illustrateur. Elle a probablement été réalisée peu après la révolution de 1848. Ce type d’image est à l’époque largement diffusé, notamment parmi les ouvriers, dont beaucoup ne lisent pas ou peu. Elle représente un « dialogue » entre un ouvrier et un bourgeois. La scène se déroule dans ce qui semble être une carrière, au milieu des blocs de pierre. Debout au centre de la composition, un ouvrier en vêtement de travail, par ailleurs typique de la mode « quarante-huitarde » avec son foulard noué autour du cou, a momentanément posé sa pioche. Bras croisés, bien campé sur ses jambes, l’homme robuste et barbu a l’air revendicatif et déterminé. Il semble attendre une réponse du bourgeois auquel il adresse les mots inscrits en légende : « Voyons Bourgeois… Vous avez confisqué deux révolutions à votre profit seulement. – Nous recommençons la besogne en 1848 pour que tout le monde y gagne VOUS et NOUS… Vous appelez ça être exigeants, là franchement C’EST-Y JUSTE. » Assis sur un bloc de pierre, l’élégant bourgeois s’appuie des deux mains sur sa canne, son « outil » à lui qui porte cravate au lieu de foulard, souliers et non sabots. Au second plan, un travailleur tourne le dos à la scène, courbé sur son travail, les manches retroussées, attestant à la fois la multitude ouvrière et sa capacité au travail physique comme à la discussion politique.

Conscience et détermination ouvrières


Destinée à un large public, l’estampe transmet de manière simple, claire et directe un message politique et historique qui se veut général. L’ouvrier comme le bourgeois (désigné d’ailleurs comme « bourgeois » sans autre particularisation) sont ici des types. De même, le chantier n’a pas d’importance en lui-même (d’où le fond à peine esquissé). Par ses propos, l’ouvrier montre une conscience de classe structurée par l’opposition entre « NOUS » et « VOUS ». Il présente aussi la version ouvrière, populaire de l’histoire récente : lors des « deux révolutions » de 1789 et de 1830, le peuple aurait assuré la « besogne », c’est-à-dire l’insurrection, mais seuls les bourgeois en auraient tiré profit, trahissant les aspirations politiques et sociales des travailleurs. Si cette analyse peut être nuancée, elle est en tout cas développée dans les années 1830 et 1840 par les milieux républicains les plus radicaux, et diffusée parmi les ouvriers.

L’estampe de Moynet pousse les ouvriers à rester vigilants, à maintenir la pression sur les bourgeois et les dirigeants pour obtenir leur juste dû. L’attitude de l’ouvrier atteste cette méfiance : plus politisé, moins docile et moins naïf, il a interrompu son travail pour « discuter » fermement avec le bourgeois. L’image exprime même une tension voilée : la carrure de l’ouvrier, son air tranquille, sa déférence sans servilité, la pioche (opposée à la canne), suggèrent une capacité d’insurrection qui ne manquerait pas de se mobiliser en cas de nouvelle injustice. Les bras, la pioche et les pierres peuvent soit servir à construire la nouvelle société française, soit se muer en armes et en barricades. Toutefois, le « VOUS » et le « NOUS » peuvent encore être réunis par un « ET » : il est possible que « tout le monde y gagne ». Une telle affirmation de la nécessité et de la possibilité d’une collaboration entre ces deux classes est typique des « illusions » de 1848. La suite des événements voit d’ailleurs les travailleurs échouer à défendre leurs droits, notamment lors des journées de juin qui suivent la fermeture des ateliers nationaux. « Guerre de classes » selon Tocqueville, ces journées marquent la fin brutale de ce rêve de partage et d’entente.

Jean-Claude CARON, La France de 1815 à 1848, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 1996.Gérard NOIRIEL, Les Ouvriers dans la société française (XIXe-XXe siècle), Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1986.Philippe VIGIER, La Seconde République, Paris, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », 1996.

Alexandre SUMPF, « Ouvrier et bourgeois », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/ouvrier-bourgeois

Anonyme (non vérifié)

Bonjour,

je souhaiterais utiliser ces photos dans un cadre scolaire mais je ne peux pas les copier: Pourquoi?
Reine-Claude Grondin
IUFM de Nouvelle Calédonie

mar 01/02/2011 - 19:43 Permalien
Anonyme (non vérifié)

En réponse à votre demande, le site L’histoire par l’image ne dispose pas des droits d'utilisation des images hors du site. Nous ne sommes donc pas habilités à fournir d’éventuelles utilisations tierces des ressources iconographiques. Dans ce cas, vous devez vous adresser directement propriétaires de l'image et éventuellement aux ayants-droits dont vous trouverez les coordonnées sous les images dans les pages d’étude.

En revanche vous pouvez présenter l'image en classe, en restant dans le cadre du site.
La page portant sur l'utilisation des études et des reproductions des œuvres est accessible ici :
http://www.histoire-image.org/site/static/mentions-legales.php#propriete_intellectuelle

Cordialement,
L'équipe de L'Histoire par l'image

mer 02/02/2011 - 10:19 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Albums liés

Découvrez nos études

Les caisses d’épargne

Les caisses d’épargne

La question sociale et le livret de caisse d’épargne

Les caisses d’épargne apparaissent dans divers pays européens à la fin du XVIIIe

Bijou utilitaire

Bijou utilitaire

La spécialité bijoutière de la chaîne ne cesse de croître tout au long du XIXe siècle, notamment sous le Second Empire. Les chaînes d’…

Bijou utilitaire
Bijou utilitaire
L’Argent de Zola

L’Argent de Zola

La finance a pignon sur rue

Le XIXe siècle est pour la France celui de la révolution industrielle, dont une des composantes est le…

Le Déjeuner

Le Déjeuner

Un artiste en vogue

Avec Le Déjeuner, François Boucher produit une œuvre qui s’inscrit dans le registre des scènes de genre, un domaine qu’il…

Ouvrier et bourgeois

Ouvrier et bourgeois

D’une révolution à l’autre : 1830 et 1848

Si elle possède de multiples causes et connaît divers acteurs, la révolution de juillet 1830 est aussi un…

La naissance de l’alpinisme

La naissance de l’alpinisme

Quel est l’intérêt de la montagne, terroir non agricole au climat si rude ?

Pendant longtemps, les sommets demeurent un territoire interdit, où…

La naissance de l’alpinisme
La naissance de l’alpinisme
La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle

La sociabilité urbaine au début du XIXe siècle

La civilisation urbaine au début du XIXe siècle

Si le monde citadin, durant le premier tiers du XIXe siècle, reste encore…

La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle
La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle
Parcs et jardins parisiens

Parcs et jardins parisiens

La « végétalisation » de la ville

Les grands travaux menés à Paris par le baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, ont modelé un…

Parcs et jardins parisiens
Parcs et jardins parisiens
Parcs et jardins parisiens
Les plaisirs de la plage au XIX<sup>e</sup> siècle

Les plaisirs de la plage au XIXe siècle

Les rivages de la Manche, « territoires du vide » jusque dans les années 1820-1830, attirent à partir de cette période une clientèle de plus en plus…
Les plaisirs de la plage au XIX<sup>e</sup> siècle
Les plaisirs de la plage au XIX<sup>e</sup> siècle
Les plaisirs de la plage au XIX<sup>e</sup> siècle
Isaac Pereire, créateur de la banque moderne

Isaac Pereire, créateur de la banque moderne

Un des créateurs de la banque moderne

Homme d’affaires parmi les plus actifs du Second Empire, Isaac Péreire s’associa toute sa vie à son frère…

Isaac Pereire, créateur de la banque moderne
Isaac Pereire, créateur de la banque moderne