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Rue Guérin-Boisseau

Rue Guérin-Boisseau

Cour Greneta

Cour Greneta

Rue Guérin-Boisseau

Rue Guérin-Boisseau

Date de création : 1907

Date représentée : 1907

Domaine : Photographies

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

Est. Eo 109b bte 4 ; n micr. T039621

Le Vieux Paris

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Ivan JABLONKA

Si les travaux effectués sous le Second Empire à l’instigation du baron Haussmann ont donné à Paris son aspect moderne, ils ont aussi conduit à la destruction de quartiers entiers et de milliers de maisons anciennes. Le Vieux Paris a reçu sous Napoléon III une blessure irrémédiable. L’empereur et son préfet de la Seine souhaitaient en particulier améliorer l’hygiène et la salubrité des habitations de la capitale ; or, au milieu du XIXe siècle, la moitié des maisons de Paris sont insalubres et bon nombre d’entre elles sont situées dans les venelles du Vieux Paris.

En 1849, l’épidémie de choléra à Paris est favorisée par l’enchevêtrement des ruelles, l’exiguïté des maisons, l’entassement de la population et les insuffisances de la voirie. « Le caractère le plus frappant de toutes ces maisons est une excessive malpropreté qui en fait des vrais foyers d’infection », écrit en 1840 Frégier, employé de bureau à la préfecture, à propos des garnis de Paris. « […] La plus grande malpropreté règne partout ; les fenêtres n’ont au lieu de vitres que du papier huilé. Les chambres sont infectes ; à chaque étage, les ordures qu’on jette sur les lieux d’aisance refluent sur l’escalier ; en un mot, c’est le séjour le plus repoussant du vice et de la misère » (H. A. FREGIER, Des classes dangereuses de la population dans les grandes villes, et des moyens de les rendre meilleures, J. B. Baillière, 1840, 2 vol., t. 1).

Au risque sanitaire s’ajoutent des considérations d’ordre public. Haussmann décrit le Vieux Paris, « dédale presque impraticable », comme le « quartier des émeutes, des barricades » (HAUSSMANN, Mémoires, t. 3, Grands travaux de Paris, Victor Havard, 1893, p. 54). Il ne restera plus rien de la rue Transnonain ou de l’ancien quartier des Arcis et de Grève, près de l’Hôtel de Ville.

Un demi-siècle plus tard, Atget commence à arpenter les rues de la capitale pour immortaliser ce qui a échappé à la destruction. Ces photographies offrent des vues de la rue Guérin-Boisseau et de la cour Greneta, toutes deux situées dans le quartier Bonne-Nouvelle du IIe arrondissement.

La rue Guérin-Boisseau, qui remonte au XIIIe siècle, a perdu une cinquantaine de ses maisons avec la percée du boulevard de Sébastopol dans les années 1850.

La rue des Arts, la rue des Métiers et le passage Saint-Denis, lesquels débouchaient tous dans la rue Greneta, ont disparu pour la même raison. Dans César Birotteau, Balzac décrit la rue Greneta en ces termes : « Toutes les maisons, envahies par une multitude de commerces, offrent un spectacle repoussant. Les constructions y ont un caractère horrible. L’ignoble malpropreté des fabriques y domine. »

Ces deux rues appartiennent donc au Vieux Paris que les travaux d’Haussmann ont abattu. Dans les photographies d’Atget, la rue et la cour sont presque désertes : les hôtels de la première ne semblent pas accueillir beaucoup de clients, tandis que la deuxième est le territoire d’objets – un landau, une chaise – posés là sans raison. Ce dénuement et ce vide s’expliquent aisément dans la mesure où Atget travaillait tôt le matin ; mais ils donnent l’impression que les bâtiments, abandonnés, vides, nus, sont déjà promis à la mort.

C’est à partir de 1897-1898 qu’Atget a commencé à photographier systématiquement les rues de Paris. Il consigne méticuleusement les façades, les boutiques, les devantures, les intérieurs, il enregistre les usages, il immortalise les petits métiers. Ses vues topographiques sont rassemblées dans la série Le Vieux Paris ; le recueil L’Art dans le Vieux Paris est consacré aux arts décoratifs tels que balcons, enseignes et grilles.

À la même époque est créée la Commission du Vieux Paris, preuve que les contemporains, nourrissant un intérêt croissant pour le patrimoine de la capitale, ont une conscience aiguë des ravages de l’haussmannisation, mais aussi du temps qui passe. À la fois pièces documentaires et œuvres d’art, les photographies d’Atget témoignent de cet attachement sentimental au Paris du premier XIXe siècle. Certes, celui-ci a des précurseurs : le baron Taylor, avec ses lithographies, Martial Potémont peignant ses eaux-fortes, et Marville, dont les photographies justifient l’œuvre d’Haussmann, ont tous à leur manière contribué à en conserver le souvenir. Mais, plus que toute autre œuvre, les photographies présentées ici perpétuent la poésie austère et tragique de bâtisses vouées à disparaître, au désespoir de celui qui écrivait encore en 1920 : « Je puis dire que je possède tout le Vieux Paris. »

Georges DUBY (dir.), Histoire de la France urbaine, t. 4, La Ville de l’âge industriel, Paris, Seuil, 1983.

HAUSSMANN, Mémoires, t. 3, Grands travaux de Paris, Victor Havard, 1893.

Jean LEROY, Atget magicien du Vieux Paris en son époque, Joinville-le-Pont, P.-J. Balbo, 1975.

Bernard MARCHAND, Paris, histoire d’une ville (XIXe-XXe siècle), Paris, Seuil, 1993.

Patrice de MONCAN, Christian MAHOUT, Le Paris du baron Haussmann. Paris sous le Second Empire, Paris, Éditions SEESAM-RCI, 1991.

Ivan JABLONKA, « Le Vieux Paris », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/vieux-paris

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