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Rue Transnonain, le 15 avril 1834.

Rue Transnonain, le 15 avril 1834.

Etat nominatif des douze personnes décédées [... des événements d'avril 1834, rue Transnonain.

Etat nominatif des douze personnes décédées [... des événements d'avril 1834, rue Transnonain.

Mémoire sur les événements de la rue Transnonain, par Ledru-Rollin.

Mémoire sur les événements de la rue Transnonain, par Ledru-Rollin.

Rue Transnonain, le 15 avril 1834.

Rue Transnonain, le 15 avril 1834.

Date de création : 1834

Date représentée : 15 avril 1834

H. : 44,5

L. : 29

Lithographie parue dans l'association mensuelle, juillet 1834.

Domaine : Estampes-Gravures

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

L'Association mensuelle, juillet 1834

Rue transnonain, le 15 avril 1834

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Robert FOHR

Les premières années du règne de Louis-Philippe (1830-1848) sont marquées par divers mouvements populaires dont la répression fait rapidement retourner à l’opposition les républicains d’abord favorables au régime. Le malaise économique favorise l’agitation, entretenue par les sociétés secrètes, telle la Société des Droits de l’homme, qui voient dans la République le seul régime capable de fonder une vraie justice sociale. Pour juguler la propagande républicaine, le gouvernement fait alors voter une série de lois qui soumettent la profession des crieurs publics et marchands de journaux ambulants à une autorisation toujours révocable, interdisent les associations politiques et défèrent devant la chambre de Paris les complots contre l’Etat. Le journaliste Armand Carrel invite alors ses lecteurs du National à « répondre à la suspension de la légalité par la suspension de l’ordre public ». Le 9 avril 1834, une manifestation est organisée à Lyon par la Société des Droits de l’homme et le Conseil exécutif des sociétés ouvrières de secours mutuel. L’émeute des ouvriers soyeux qui s’ensuit (9-12 avril) s’étend dès le 13 avril à la capitale, où Thiers la laisse se développer pour mieux l’écraser. Elle s’achève à Paris, le 14 avril, par le massacre des habitants d’une maison de la rue Transnonain (actuelle rue Beaubourg). Bien que la relation de l’événement varie selon les sources, il semble que, le 14 avril, un capitaine d’infanterie ait été blessé sur une barricade de la rue Transnonain d’un coup de feu tiré d’une maison voisine et que son détachement ait alors reçu l’ordre de massacrer tous les hommes parmi les occupants de l’immeuble.

Pour retracer ce fait divers, Daumier se référa selon toute vraisemblance à une description fournie par l’un des témoins du drame et rapportée dans le pamphlet que le leader radical Ledru-Rollin rédigea à cette occasion : « Dans une seule maison de la rue Transnonain, douze cadavres furent affreusement mutilés ; quatre personnes ont été dangereusement blessées : femmes, enfants, vieillards, n’ont pas trouvé grâce. » Baudelaire, qui tenait la lithographie de Daumier pour l’un des sommets de son œuvre, en donne en 1857, dans Quelques caricaturistes français, cette description terrible : « Dans une chambre pauvre et triste, la chambre traditionnelle du prolétaire, aux meubles banals et indispensables, le corps d’un ouvrier nu, en chemise et bonnet de coton, gît sur le dos, tout de son long, les jambes et les bras écartés. Il y a eu sans doute dans la chambre une grande lutte et un grand tapage, car les chaises sont renversées, ainsi que la table de nuit et le pot de chambre. Sous le poids de son cadavre, le père écrase entre son dos et le carreau le cadavre de son petit enfant. Dans cette mansarde froide il n’y a que silence et mort. » La composition de Daumier montre, dans une chambre semblable à l’une des trois pièces où les habitants de la maison se regroupèrent, quatre personnages représentatifs des types de victimes du massacre : l’homme dans la force de l’âge, principale cible, mais aussi l’enfant, la femme et le vieillard. Les deux derniers pourraient même évoquer des victimes réelles : Annette Besson, 49 ans, et Jean-François Breffort, 58 ans, fabricants de papier peint, ont succombé à la tuerie comme d’ailleurs leur fils de 22 ans, Louis Breffort.

En juillet 1834 paraissent simultanément le manifeste de Ledru-Rollin (23 juillet 1834) et la lithographie de Daumier, publiée dans L’Association mensuelle. Le texte et l’image s’élèvent contre le silence du pouvoir, au lendemain du massacre, dont témoigne l’adresse de Charles Breffort, proche parent de victimes, en tête du manifeste. Les deux publications, probablement concertées, semblent avoir été les véritables déclencheurs de l’enquête de la Cour des pairs : un mois plus tard commencera l’enregistrement des dépositions des témoins et le recueil de pièces, comme l’état nominatif des douze personnes décédées. L’énorme procès des événements d’avril 1834 se tient en 1835 et donne lieu à une publication officielle de la Cour des pairs, d’ampleur exceptionnelle (11 tomes).

Célèbre entre toutes, cette lithographie de Daumier paraît accompagnée d’un commentaire explicatif du directeur de la publication, Charles Philipon, qui établit à tout jamais la réputation de l’artiste comme dessinateur politique. Sa portée, tant artistique qu’historique, excède de très loin le cadre strict du reportage sur un fait divers. L’implacable réalisme de la scène, qui tient du procès-verbal d’enquête policière ou du constat de médecin légiste, est accusé par la crudité de la lumière et par la puissance de la composition. Cette image de la répression aveugle exercée contre de probables innocents surpris dans leur sommeil (Daumier met intentionnellement en évidence le costume de nuit de ses personnages) vise d’abord à provoquer la stupeur et l’indignation, et c’est a contrario qu’elle s’impose comme un manifeste pour les idées républicaines de justice et de liberté. En concluant sa description par ces mots laconiques : « Dans cette mansarde froide il n’y a que silence et mort », Baudelaire a implicitement souligné tout ce par quoi l’évocation triviale et terrifiante née sous le crayon de Daumier se rapproche et se distingue de la représentation héroïsée que David donna de l’assassinat du républicain Marat, à propos de laquelle il avait écrit dix ans plus tôt : « Il y a dans cette œuvre quelque chose de tendre et de poignant à la fois ; dans l’air froid de cette chambre, sur ces murs froids, autour de cette froide et funèbre baignoire, une âme voltige. » (« Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » in Curiosités esthétiques, 1846)

Daumier 1808-1879 catalogue de l’exposition au Grand Palais, 1999-2000.

Robert FOHR, « Rue transnonain, le 15 avril 1834 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/rue-transnonain-15-avril-1834

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