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Portrait du comte Emilien de Nieuwerkerke.

Portrait du comte Emilien de Nieuwerkerke.

La ménagerie impériale, portrait-charge n°26 de Nieuwerkerke,

La ménagerie impériale, portrait-charge n°26 de Nieuwerkerke, "le caniche".

Portrait du comte Emilien de Nieuwerkerke.

Portrait du comte Emilien de Nieuwerkerke.

Date de création : 1856

Date représentée : 1856-1857

H. : 38 cm

L. : 26 cm

Aquarelle

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - D. Arnaudet

http://www.photo.rmn.fr

97-017642 / C.55.121

Portrait du comte de Nieuwerkerke

Date de publication : mai 2005

Auteur : Alain GALOIN

La brillante carrière du comte Émilien de Nieuwerkerke accompagne les années fastueuses du Second Empire : elle commence en 1849, sous l’éphémère présidence de la République de Louis Napoléon Bonaparte, et s’achève à la chute du régime, le 4 septembre 1870. Figure emblématique de la « fête impériale », le « bel Émilien » assume pendant plus de vingt ans la gestion active et efficace des musées impériaux.

Dans l’exercice de ses hautes fonctions, Nieuwerkerke s’occupe d’abord du Louvre. Il termine l’éclairage zénithal des salles, commencé au salon Carré (1789) et dans la Grande Galerie (1798) sur les projets d’Hubert Robert et de Fragonard, et poursuivi par Percier et Fontaine de 1805 à 1810. Il augmente le nombre des salles d’exposition : il y en avait 19 sous Napoléon Ier, 89 sous Louis-Philippe; il y en a 132 sous Napoléon III. À partir de 1855, le Louvre, qui n’ouvrait jusque-là que le dimanche, est désormais accessible aux visiteurs tous les jours, à l’exception du lundi, réservé au nettoyage. Pour que les collections soient constamment visibles par le public, les Salons ne se tiennent plus au Louvre : ils se déroulent d’abord aux Tuileries, puis au Palais-Royal, puis dans la salle des Menus-Plaisirs, jusqu’à ce que Napoléon III fasse construire le Palais des Beaux-Arts à partir de 1855. Avec l’appui de l’empereur, le comte de Nieuwerkerke s’engage dans une active politique d’acquisition d’œuvres d’art, contribuant ainsi à l’enrichissement du patrimoine national. Les autres musées n’échappent pas pour autant à ses préoccupations. Le musée du Luxembourg et le château de Versailles sont l’objet de tous ses soins. Le 8 mars 1862 est créé le musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. En 1854, la construction du musée Napoléon III – aujourd’hui musée de Picardie – est entreprise à Amiens. C’est le premier bâtiment à être édifié pour servir de musée en tant que tel.

En matière artistique, les goûts du comte de Nieuwerkerke sont empreints d’un net conservatisme. Il pèse de toute son influence sur le jury des Salons et impose le style « pompier ». S’il protège Rude, Carpeaux, Frémiet ou Ribot, il nourrit des préventions à l’encontre de Delacroix, Corot ou Millet. Il n’apprécie pas le réalisme, et le conservatisme qu’il manifeste au poste important qu’il occupe freine l’innovation esthétique et la nécessaire évolution de l’art. En revanche, il est un adepte déterminé du courant néomédiéval qui triomphe.

Émilien de Nieuwerkerke devait incontestablement sa fulgurante ascension dans l’administration impériale à la princesse Mathilde, cousine germaine de l’empereur. En 1845, elle l’avait accueilli à Florence, au palais San Donato, alors qu’elle était encore l’épouse malheureuse du prince Demidoff. Le « beau Batave » l’avait immédiatement séduite. Leur liaison ouvertement affichée était mal vue à la cour impériale. Bien que marié lui-même, le comte se conduisait en véritable maître de maison chez la princesse Mathilde, que ce soit dans son hôtel particulier de la rue de Courcelles ou dans sa villa de Saint-Gratien. Quant à la princesse, Horace de Viel-Castel constate qu’elle « ne dissimule en aucune circonstance sa liaison. Elle parle de Nieuwerkerke comme une femme parlerait de son mari. Tout le monde sait qu’ils logent dans le même corps de logis, et quand la Princesse reçoit, Nieuwerkerke paraît dans le salon sans son chapeau ». Quoi qu’il en soit, à la fin du Second Empire, les nombreux succès féminins du comte eurent raison de cette longue liaison extraconjugale qui avait contribué à le conduire à de hautes responsabilités.

Protectrice des écrivains et des artistes qu’elle recevait dans son salon, la princesse Mathilde – qu’on appelait Notre-Dame-des-Arts – avait elle-même de réels dons artistiques. Sous la direction du peintre Eugène Giraud (1806-1881), elle avait acquis un véritable talent d’aquarelliste et d’aquafortiste, mais n’appréciait guère la peinture à l’huile. À partir de 1859, elle exposa chaque année au Salon de très belles copies de chefs-d’œuvre du Louvre. Elle y obtint une mention honorable du jury en 1861 et une médaille en 1865.

Cette étude à l’aquarelle s’inspire manifestement, pour le visage et la pose, d’un portrait au pastel du comte de Nieuwerkerke exécuté par Eugène Giraud en 1851 et conservé aujourd’hui à Boston dans une collection particulière.

La princesse a représenté le comte à mi-corps, assis dans un fauteuil, vu de trois quarts. La main gauche est en partie engagée dans le gilet et le bras droit repose sur l’accoudoir du siège. Il est dans le plein éclat de la maturité, altier et sûr de lui, conscient du pouvoir qu’il exerce.

Peu après la chute du Second Empire, une série de trente et une caricatures extrêmement féroces, qui stigmatisaient les principales personnalités du régime impérial, furent imprimées chez Coulbœuf à Paris. À cette époque, la caricature figure parmi les armes et les langages politiques les plus dynamiques. Ces trente et une lithographies en couleur étaient simplement signées « H ». L’ensemble porte un titre significatif : La Ménagerie impériale composée des ruminants, amphibies, carnivores et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans.

La caricature n° 26 est consacrée au comte Émilien de Nieuwerkerke. Il y est figuré sous les traits d’un caniche apprêté, allusion à sa fidélité servile au monarque déchu et probable référence aux nombreux petits chiens que possédait sa maîtresse, la princesse Mathilde, dont le monogramme est d’ailleurs tatoué sur la cuisse de l’animal. Les œuvres d’art – tableaux, statuette – attachées à sa queue figurent les erreurs et malversations qu’il a commises dans l’exercice de ses hautes fonctions. L’un de ces tableaux représente un « poisson couronné », à l'évidence un maquereau, évocation triviale et sans équivoque de la façon dont il aurait utilisé la cousine de l’empereur pour satisfaire ses ambitions personnelles.

Éminente personnalité du régime impérial, Émilien de Nieuwerkerke a nourri l’inspiration des artistes de l’époque. Nombre d’entre eux ont réalisé son portrait : Édouard Dubufe (1820-1883), Henri Lehmann (1814-1882), Ernest Boetzel (1830-vers 1920), François-Joseph Heim (1787-1865), Eugène Giraud (1806-1881), François Dien (1787-1865)… La plupart de ces peintres n’ont vu en lui que le personnage officiel, investi de hautes responsabilités et généreusement décoré.

Le portrait qu’en a fait la princesse Mathilde met plutôt en lumière le pouvoir de séduction que d’aucuns s’accordent à reconnaître au « bel Émilien » dont le magnétisme s’exerce aussi bien sur les femmes que sur les hommes. « Il a les épaules de l’Hercule Farnèse et le torse d’un Michel-Ange », constate Louis Hautecœur. Pour le sculpteur Marcello – pseudonyme d’Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione-Colonna –, le comte est « beau comme Léonard de Vinci, intelligent ».

Les caricaturistes l’ont croqué à l’envi, mais ils ont été moins tendres. Si le portrait-charge qu’en brosse Eugène Giraud au cours de l’un des célèbres « vendredis du Louvre » est relativement complaisant, celui de Paul Hadol est empreint d’une férocité qui lui aurait attiré les foudres de la censure impériale, mais, après le Second l’Empire, il est de bon ton de stigmatiser les erreurs d’un régime jugé responsable de la défaite française face à la Prusse et unanimement honni. Le caricaturiste présente ainsi Émilien de Nieuwerkerke comme un directeur régnant sans partage sur une administration des Musées impériaux au fonctionnement oligarchique, et usant à sa guise du patrimoine national. Effectivement, en août 1855, à la demande de l’impératrice Eugénie, il a envoyé des tableaux du Louvre au château de Saint-Cloud, afin d’orner les appartements de la reine Victoria et du prince Albert, venus visiter l’Exposition universelle. De même, en 1866, il a prêté des toiles de Van der Meulen au Cercle impérial dont il était le vice-président. Cependant, à l’époque, le sénatus-consulte du 12 novembre 1852 plaçait les collections des musées impériaux dans la dotation de la Couronne, et la limite entre patrimoine public et propriété impériale n’était pas clairement définie. Par ailleurs, on a pu reprocher à Nieuwerkerke certaines acquisitions hasardeuses, comme en 1867 celle d’un buste présumé de la Renaissance italienne qui se révéla être un faux réalisé par le sculpteur Giovanni Bastianini. Cette supercherie rapidement découverte valut au comte les sarcasmes d’une presse indignée. Ces erreurs malencontreuses soulignées par la caricature ne peuvent cependant oblitérer un bilan de vingt ans d’activités globalement positif.

Philippe CHENNEVIERES, Souvenirs d’un directeur des Beaux-Arts, Paris, Athena, réédition 1979.Marguerite CASTILLON DU PERRON, La Princesse Mathilde, un règne féminin sous le Second Empire, Paris, Amiot Dumont, 1953.Fernande GOLDSCHMIDT, Nieuwerkerke, le bel Émilien.Prestigieux directeur du Louvre sous Napoléon III, Paris, Art International Publishers, 1997.Jean TULARD (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995.Le comte de Nieuwerkerke. Art et pouvoir sous Napoléon III, catalogue de l’exposition du musée national du Château de Compiègne, Paris, RMN, 2000.

Alain GALOIN, « Portrait du comte de Nieuwerkerke », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/portrait-comte-nieuwerkerke

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