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La Colonne Morris

La Colonne Morris

Date de création : vers 1885

Date représentée :

H. : 37,5 cm

L. : 56 cm

Angle de la rue Laffite et du boulevard des Italiens. À droite, le restaurant de la Maison dorée.

Huile sur bois.

Domaine : Peintures

© CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet

Lien vers l'image

P 1663

Le Mobilier urbain, un symbole de Paris

Date de publication : Février 2006

Auteur : Béatrice MÉON-VINGTRINIER

Des colonnes dans la rue

La multiplication des lieux de divertissement tels que les théâtres ou les cirques sur les boulevards au cours du XIXe siècle entraîne une accumulation d’affiches publicitaires faites pour vanter ces spectacles.

Dès 1839, le préfet de police Gabriel Delessert autorise l’installation des « colonnes moresques », supports d’affiches à l’extérieur et urinoirs à l’intérieur. Ces colonnes seront améliorées sous Napoléon III par le Service des promenades et plantations dirigé depuis 1854 par l’ingénieur Jean-Charles Adolphe Alphand : un écran placé devant la colonne isole partiellement l’intérieur de la vespasienne du regard des promeneurs tandis que

l’ensemble est désormais éclairé par un bec de gaz. L’architecte Gabriel Davioud redessine le toit et remplace la maçonnerie par une structure de fonte et de verre, plus légère.

Dès l’origine, ce sont les compagnies d’affichage qui prennent en charge les frais de construction contre l’autorisation de poser leurs affiches, mais c’est le service d’Alphand qui imposera au concessionnaire l’obligation d’alignement et d’entretien.

Ces « colonnes urinoirs » seront démolies en 1877, mais, dès les années 1860, leur double fonction soulève des critiques tandis que les embellissements de Paris provoquent la disparition des surfaces d’affichage traditionnelles. Un concours est lancé pour trouver un nouveau support : une colonne exclusivement réservée à l’affichage des programmes de théâtre. Une commission présidée par le comte Baciochi, ministre d’État et surintendant général des Théâtres parisiens, auditionne les deux candidats potentiels : la maison Morris, imprimeur des affiches de théâtre, et l’entreprise Drouart et Cie.

Le 1er août 1868, M. Morris remporte le marché : 150 colonnes avec un monopole sur quinze ans. La société Morris couvre les frais de construction et s’occupe des affiches. L’entreprise Lacarrière, qui gère tous les becs de gaz de la ville, est en charge des appareils d’éclairage. Les employés municipaux en assurent l’entretien contre la possibilité d’entreposer leurs balais, brouettes et autres outils de jardinage dans certaines colonnes dont ils détiennent les clés.

Comme un portrait

Peintre-témoin de la vie parisienne à la Belle Époque, Jean Béraud s’est beaucoup attaché à décrire l’effervescence des Grands Boulevards.

Peu sensible aux recherches esthétiques des peintres de son temps, il adopte ici une technique impressionniste. La touche apparente et lâchée reflète l’expérience des citadins immergés dans la foule et permet au spectateur de saisir le caractère instantané et éphémère des rencontres faites dans la ville.

Dans ce petit panneau à l’huile sur bois, l’artiste brosse un véritable portrait de la colonne Morris qui se trouvait à l’angle de la rue Laffitte et du boulevard des Italiens. Le choix d’un format vertical, historiquement réservé au genre du portrait, confirme cette intention. L’écho plastique entre le chapeau du personnage masculin au premier plan et le toit de la colonne achève la personnalisation de l’édicule. L’adoption d’un point de vue en légère contre-plongée confère à ce nouvel élément du mobilier urbain une taille presque équivalente à celle des immeubles de l’arrière-plan. Cette monumentalité est accentuée par les troncs d’arbres grêles et dénudés qui bordent le boulevard. Seuls éléments colorés sur un fond en camaïeu de bruns et de noirs, les affiches réservées à la publicité des spectacles semblent irradier dans la grisaille de ce jour d’hiver humide. Cette intensité lumineuse des affiches montre combien les taches de couleur sont désormais inséparables du paysage urbain pour les peintres.

Le premier mobilier urbain standardisé

Le premier programme concerté de mobilier urbain à Paris est mis en place dans la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque Haussmann décide, pour la sécurité et le confort du piéton, de meubler les jardins, squares et trottoirs nouvellement créés. Outre leur fonction utilitaire, ils ont aussi un rôle esthétique, et le préfet confie à l’architecte Gabriel Davioud le soin de dessiner et de réaliser en série les kiosques, vespasiennes, colonnes Morris, bancs, lampadaires, grilles d’arbres. Le décor de ce mobilier, le plus souvent inspiré du monde végétal, fait entrer la nature dans la ville, comme un prolongement des espaces verts chers à Napoléon III. On note également une influence orientale dans les bulbes, clochetons et dômes à écailles. Fonte, pierre, ardoise, bois et verre s’unissent pour créer une polychromie typique du Second Empire.

En règle générale, ce mobilier prend place, comme les arbres, sur une ligne en léger retrait de la bordure du trottoir, laissant toutefois un espace suffisant du côté des immeubles et créant une séparation entre les véhicules et les piétons. Par ailleurs, ces éléments sont disposés de manière régulière – par exemple, un intervalle de 42 mètres séparait chacun des 96 kiosques destinés à la vente des journaux, de fleurs ou de rafraîchissements qui se trouvaient sur les Grands Boulevards – et constituent une ligne de fuite qui dirige le regard du promeneur vers la place ou le monument ponctuant la voie.

L’homogénéité de style, de matériau et de couleur ainsi que la régularité de l’implantation du mobilier dessiné par Davioud apportaient une nouvelle unité à la ville, tandis que la légèreté de ses formes s’inscrivait comme un contrepoint ludique à la masse minérale des immeubles.

Le candélabre et la colonne Morris deviennent rapidement des symboles de Paris, et leur installation à partir de 1860 dans les communes limitrophes marquera l’annexion de ces dernières à la capitale.

Bernard LANDAU (dir.), Les Grands Boulevards. Un parcours d’innovation et de modernité, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, 2000.

Pierre PINON, Atlas du Paris haussmannien, Paris, Éditions Parigramme, 2002.

Les Grands Boulevards, catalogue de l’exposition du musée Carnavalet, 25 juin-20 octobre 1985, Paris, Éd. Paris-Musées, 1985.

1- Vespasienne : mobilier urbain qui sert d'urinoir pour les hommes sur la voie publique.

Béatrice MÉON-VINGTRINIER, « Le Mobilier urbain, un symbole de Paris », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/mobilier-urbain-symbole-paris

Anonyme (non vérifié)

Bonjours.
je vous remercie de vos informations sur le mobilier urbain en France.
je suis en tarins de prepare un article sur "l' histoire de mobiler urbain en FRANCE et en ITALI". je vous serai reconnaissance si vous me donner plus d' information sur ces themes.
je vous prie d'agreer ' Monsieur, Madame' l'expression de mes sentiments les meilleurs.

R. HASHEMPOUR
Pr. de l' Universite

jeu 11/08/2011 - 20:41 Permalien

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