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En classe, le travail des petits.

En classe, le travail des petits.

Date de création : 1889

Date représentée : 1889

H. : 0

L. : 0

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - J.-G. Berizzi

http://www.photo.rmn.fr

98-014597

Un modèle de l'Instruction républicaine

Date de publication : Février 2009

Auteur : Alban SUMPF

Les débuts de l'école de la IIIe République

Le tableau En classe, le travail des petits a été réalisé par Jean Geoffroy en 1889. L’application des lois Ferry de 1881-1882, qui accélèrent le mouvement engagé par la loi Guizot de 1833 et rendent l’enseignement primaire obligatoire, gratuit et laïc pour les enfants de six à treize ans, donne alors ses premiers résultats. Grâce à un budget conséquent, le nombre d’écoles élémentaires croît rapidement en France, et de plus en plus d’enfants y sont scolarisés. La volonté de préparer les plus jeunes à l’enseignement primaire conduit, en 1885, à la création des écoles maternelles, destinées aux enfants de deux à cinq ans. L’effort porte aussi sur le recrutement des instituteurs, que l’on développe et encadre mieux, ainsi que sur les méthodes d’apprentissage (notamment celle de la lecture pour les premières classes) qui se voient théorisées et perfectionnées. L’école, ses instituteurs et ses écoliers devenant peu à peu familiers au plus grand nombre, la fin des années 1880 est marquée de fait par un intérêt croissant pour la question de l’enfance : émergence de la puériculture ; constitution d’une médecine de l’enfant ; débats autour de l’instruction et de l’éducation ; développement du traitement de ce thème dans les différents arts.

Dans l'espace ordonné de la classe, des « petits » appliqués, sérieux et concentrés

La toile est signée par Jean Geoffroy (1853-1924), qui s’est rendu célèbre pour ses peintures d’enfants : nourrissons, gamins du peuple et écoliers. En 1893, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts lui commande cinq scènes de la vie scolaire, faisant de lui un des peintres officiels de l’école de la IIIe République. Le tableau se trouve d’ailleurs au ministère de l’Éducation nationale. Avec un réalisme saisissant, au point qu’on se demande d’abord s’il ne s’agit pas d’une photographie, il peint ici une scène de travail en classe. Quatre rangées d’élèves, parfois coupées (la première et la dernière notamment), structurent et remplissent un espace clos (la porte sur la droite, source de lumière, reste fermée), constituant des lignes de fuite qui convergent vers un syllabaire accroché à un mur brun et vert. Au sein de cet espace géométriquement construit et cadré, ordonné et cohérent, où tout s’organise à partir du travail et de sa répartition (travail sur l’ardoise pour la rangée du fond, sur papier pour les autres), tout n’est cependant pas uniforme. En effet, comme pour jouer de sa maîtrise, Geoffroy décline ici largement les expressions, les gestes et les postures des enfants : chacun d’eux est soigneusement caractérisé, et aucun n’est pareil aux autres. Cela lui permet aussi de montrer plusieurs ustensiles propres au travail en classe : ardoises, règles, crayons, livres et cahiers ponctuent la représentation qu’enrichit par ailleurs la diversité des attitudes. Au premier plan, se détache un élève debout, qui retourne s’asseoir. Il nous fait face, mais ne nous regarde pas, absorbé qu’il est dans sa lecture : l’espace clos où il évolue, tout entier consacré à l’étude, est celui de l’application et de la concentration, et la distraction n’y a pas sa place. Au second plan, l’institutrice assise dépasse aussi les autres têtes. Elle dessine avec l’enfant debout une diagonale qui vient couper régulièrement le centre de la scène, structurant encore un peu plus la scène. Elle semble dévouée, attentive et même bienveillante, se penchant sur le travail d’un élève qu’elle a fait venir auprès d’elle, peut-être même sur ses genoux.

Un modèle de l'instruction républicaine

Peintre assez reconnu à l’époque, Geoffroy célèbre ici l’école de la République, ses progrès et les effets bénéfiques de l’instruction qu’elle dispense. Comme nombre de ses œuvres, cette toile vise un large public, entre autres ceux qui, nombreux en 1889, ne l’ont pas fréquentée. Le réalisme du trait permet une précision et une objectivité rendues nécessaires par cette fonction d’information. Montrant l’espace réservé, stable et rassurant de la classe, ainsi que des élèves bien traités, sages et épanouis, ce tableau s’adresse aux parents de France, dont tous les enfants doivent être dans une salle de classe telle que celle-ci. L’étude est préférable à la déscolarisation et au travail « salarié ». Le côté « maternel » de l’institutrice peut même rassurer les mères d’enfants encore jeunes. La classe est un espace ordonné, cohérent, où chacun est occupé avec sérieux et application à son travail. Elle constitue un milieu protecteur (clos et isolé de l’extérieur), organisé et tranquille : un sanctuaire dédié à l’instruction, avec ses ustensiles et signes propres. L’ordre scolaire a transformé des « petits » en « petits élèves », plongés dans l’étude sous l’autorité bienveillante – mais bien réelle – de l’institutrice. Dans ce lieu règne l’égalité républicaine : les blouses nivellent les différences d’origine sociale, chaque enfant dispose du même espace, tous bénéficient du même enseignement dont les méthodes (syllabaire) et l’efficacité sont ici rappelées – malgré leur jeune âge, les « petits » savent déjà lire (plusieurs d’entre eux sont ainsi représentés) et écrire. La toile renvoie ainsi indirectement à la méritocratie républicaine : avec une telle discipline (la leur et celle de l’institution), les élèves, même les plus modestes, ont toutes les chances de s’élever dans la société.

Jean-Pierre AZEMA et Michel WINOCK, La IIIème République, Paris, Calmann-Levy, 1970.Christiane HUBERT, Un peintre de l'enfance au début de la IIIe république : Jean Geoffroy in Carrefours de l'éducation, CAIRN, 2006.Jean-Noël LUC et Gilbert NICOLAS, Le temps de l’école.De la maternelle au lycée, 1880-1960, Paris, éditions du chêne-hachette livre, 2006.Françoise MAYEUR, Histoire de l'enseignement et de l'éducation tome III, 1789-1930, Paris, Tempus, 2004.Mona OZOUF, L'Ecole, l'Eglise et la République 1871-1914, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire »,1982.

Alban SUMPF, « Un modèle de l'Instruction républicaine », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/modele-instruction-republicaine

Anonyme (non vérifié)

C'est intéressant, merci. Néanmoins,c'est étonnant qu'il n'y ait pas d'analyse sur ce qui saute aux yeux : l'absence d'élève de sexe féminin. Cela nous rappelle que l'éducation prônée par la IIIème République reste orientée vers les hommes. Un point là-dessus n'aurait pas été de trop...

lun 28/10/2013 - 13:46 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,

Ce tableau se trouve aujourd'hui dans un des salons de réception du ministère de l'éducation nationale. Voir la visite virtuelle du ministère(page 9)
Pour plus d'informations sur le tableau, je vous invite à contacter le ministère de l'éducation nationale.

A bientôt,

Anne-Lise

mer 07/05/2014 - 12:24 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
Je recherche également les dimensions de ce tableau.
J'ai déjà consulté le site du Ministère de l'éducation nationale mais n'ai pu trouvé de réponse à ma question !
Merci de votre réponse
C.G.

dim 28/09/2014 - 23:36 Permalien
Anonyme (non vérifié)

L'école de cette époque, soit après les lois Jules Ferry de 1881 et 1882, est obligatoire pour les garçons ET pour les filles. Il n'y a pas de filles sur ce tableau ? C'est tout à fait normal, les écoles ne sont pas mixtes en 1889. Ce n'est qu'en 1965 que la mixité à l'école devient la norme...

ven 06/09/2019 - 13:50 Permalien

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