Aller au contenu principal
Mort du général républicain Beaupuy.

Mort du général républicain Beaupuy.

Auteur : BLOCH Alexandre

Lieu de conservation : musée des Beaux-Arts (Rennes)
site web

Date de création : 1888

Date représentée : 1793

H. : 200 cm

L. : 160 cm

huile sur toile. Prise du Château-Gontier (Mayenne) par l'armée de Vendée le 25 octobre 1793,

Domaine : Peintures

© Musée des beaux-Arts de Rennes, Dist. RMN - Grand Palais / Adélaïde Beaudoin

Lien vers l'image

INV 1888 41 1 - 09-521010

La chouannerie sous le regard de la IIIe République

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Patrick DAUM

La chouannerie

La chouannerie est un vaste soulèvement de paysans hostiles à la politique des assemblées révolutionnaires et aux patriotes locaux qui l’imposent. Le refus d’abandonner les valeurs religieuses est un élément décisif de leurs motivations. Les chouans se regroupent en bandes pour livrer une guérilla à la nation en 1793-1794, qui se transforme rapidement en guerre civile. L’insurrection touche la Bretagne, la Vendée et une partie de l’Ouest de la France. Les paysans s’allient à la noblesse locale qui va les encadrer et constituer avec eux l’armée catholique et royale de Vendée. La première chouannerie de 1793-1794 s’accompagne de violences, de haines et de rancœurs.

L’épisode immortalisé par Alexandre Bloch fait référence au passage de la Loire par les Vendéens en octobre 1793, avant d’atteindre Granville. Le 25 octobre, la ville de Château-Gontier, en Mayenne, est prise par l’armée vendéenne. Cette journée voit périr le général républicain Beaupuy qui aurait déclaré en tombant : « Je n’ai pu vaincre pour la République, je meurs pour elle. » Le général, qui s’est barricadé avec ses hommes dans une maison, s’écroule sous le feu d’un des assaillants qui viennent de forcer la porte. Au général de la République en uniforme, qui tombe théâtralement au milieu de ses hommes, s’oppose le meneur des assaillants-paysans à droite qui brandit déjà son sabre en signe de victoire.

Une peinture d’histoire parfois fantaisiste

Encouragé par l’État républicain, Alexandre Bloch se spécialise dans la peinture d’histoire évoquant la répression de la chouannerie.

Le peintre est peu soucieux de vérité historique : le général Beaupuy, seulement blessé au cours du combat, mourra en 1796 au cours d’une offensive sur le Rhin lors de la campagne d’Emmendingen. C’est Blosse, un autre général, qui est tué à Château-Gontier. De plus, les combats de Château-Gontier eurent lieu de nuit, aux alentours de 23 heures.

Ces erreurs historiques démontrent l’aspect parfois fantaisiste que revêt la peinture d’histoire officielle. L’essentiel réside dans l’intensité dramatique et pathétique de la scène. La Mort du général Beaupuy est prétexte à montrer l’héroïsme des républicains assiégés, qui préfèrent combattre jusqu’à la mort plutôt que de se rendre. Ce type de peinture ne pouvait rester sans résonance dans l’esprit « revanchard » consécutif à la défaite de 1870, qui entraîna la perte de l’Alsace-Lorraine.

Le peintre n’échappe pas au goût pour l’anecdote qui caractérise la peinture d’histoire académique de la IIIe République. Les uniformes et attitudes des républicains tranchent avec les tenues et mines patibulaires des chouans, vainqueurs grâce à leur supériorité en nombre.

Comme Marat et le jeune Bara, Beaupuy est un martyr de la République.

Art et politique

La peinture républicaine participe par le biais du chouan à la construction d’une mémoire nationale. À partir des années 1880, à la veille de la célébration du centenaire de la Révolution, les peintres reproduisent par dizaines des épisodes relatifs à la chouannerie. Cette appropriation de la Révolution française par la toute jeune IIIe République devient un enjeu politique majeur, destiné à asseoir sa légitimité encore fragile face au fanatisme religieux. Par ses commandes de thèmes historiques empruntés à l’histoire nationale, la IIIe République se fait grande consommatrice d’images évoquant le courage des héros révolutionnaires.

Une vision fantaisiste et folkloriste des guerres de Vendée illustre le regard que portent les peintres « parisiens » sur des événements qui leur permettent de laisser libre cours à leur imagination et à leur goût marqué pour « l’exotisme » d’une province alors encore reculée. Alexandre Bloch obéit à un devoir pédagogique dicté par la République et à ce goût du culte des héros martyrs de la Révolution, dont David avait inauguré le genre avec son Marat assassiné (1793, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique).

La sculpture du XIXe siècle est traversée par ce même engouement. Peu de villes échappent alors à cette « statuomanie » qui envahit les places publiques. Dans l’Ouest de la France, Rennes inaugure en 1892 la statue de Leperdit, qui fut maire de la ville sous la Terreur et devint le symbole de la Révolution tolérante. La Ville de Saint-Brieuc fait ériger en 1889 une statue représentant Poulain Corbion, ancien maire et député aux états généraux de 1789 (détruite en 1942).

François FURET, « Vendée », « Chouannerie », in François FURET et Mona OZOUF (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, rééd. coll. « Champs », 1992.

Jean-Clément MARTIN, « La Vendée région mémoire » in Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire, t. 1, La République, Paris, Gallimard, 1984, rééd. coll. « Quarto », 1997.

Jean-Clément MARTIN, Blancs et Bleus dans la Vendée déchirée, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », nouv. édition, 2001.

COLLECTIF, Bretons ou Chouans… les paysans bretons dans la peinture d’histoire d’inspiration révolutionnaire au XIXe siècle, catalogue de l’exposition Quimper – Saint-Brieuc, musée des Beaux-Arts, musée d’Histoire, 1985-1990.

Patrick DAUM, « La chouannerie sous le regard de la IIIe République », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/chouannerie-regard-iiie-republique

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Un titre de baron sous l'Empire

Un titre de baron sous l'Empire

La récompense d’un « brave »

Napoléon devenu empereur réintroduit progressivement les titres et les codifie par deux statuts du 1er

Un titre de baron sous l'Empire
Un titre de baron sous l'Empire
Un titre de baron sous l'Empire
Un titre de baron sous l'Empire
Devenir <em>le</em> maréchal

Devenir le maréchal

Une figure militaire majeure

À la fin du premier conflit mondial, Philippe Pétain (1856-1951) n’est plus seulement l’un des plus hauts gradés de l…

Devenir <em>le</em> maréchal
Devenir <em>le</em> maréchal
La campagne de France, 1814

La campagne de France, 1814

Après la désastreuse campagne de Russie, l’armée française, exsangue, connut encore de beaux succès lors de la campagne de Saxe du printemps 1813…

1870 : de la défaite au désir de revanche

1870 : de la défaite au désir de revanche

Les défaites françaises de 1870

La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Durant les semaines suivantes, l’armée française…

1870 : de la défaite au désir de revanche
1870 : de la défaite au désir de revanche
Philippe Pétain, Maréchal de France

Philippe Pétain, Maréchal de France

Pétain est promu général en août 1914 – il a alors 58 ans. En février 1916, il prend la direction du secteur défensif de Verdun et parvient à…

L’intervention des États-Unis dans la Première Guerre mondiale

L’intervention des États-Unis dans la Première Guerre mondiale

L’intervention des Américains

Les Etats-Unis, qui avaient d’abord résolu de rester neutres, en 1914, sont entrés en guerre, le 6 avril 1917, aux…

Le corps des morts

Le corps des morts

Les eaux-fortes présentées ici appartiennent à un cycle de gravures intitulé « La Guerre » et réalisé par Otto Dix en 1924. Il s’agit de cinq…

Le corps des morts
Le corps des morts
Le corps des morts
La mutinerie de Nancy, août 1790

La mutinerie de Nancy, août 1790

L’affaire de Nancy : un épisode marquant de la Révolution française

Le 31 août 1790, le marquis de Bouillé, gouverneur des Trois-Évêchés à Metz,…

L’hôtel des Invalides

L’hôtel des Invalides

Une pièce d’un programme iconographique politique

Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est…

L’hôtel des Invalides
L’hôtel des Invalides
Une Rue de village pendant la révolution mexicaine

Une Rue de village pendant la révolution mexicaine

Les débuts d’une longue révolution

Après le soulèvement dirigé par Madero, en novembre 1910, pour contester une nouvelle réélection du vieux…