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Eleonora Duse

Eleonora Duse

Duse

Duse

Eleonora Duse

Eleonora Duse

Auteur : ANONYME

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : Vers 1900

Date représentée :

H. : 7,4 cm

L. : 4,2 cm

Épreuve argentique contrecollée sur carton.

Domaine : Photographies

© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt

Lien vers l'image

PHO 1983 165 546 496 - 14-588094

La « divina » Eleonora Duse et la naissance du théâtre du XXe siècle

Date de publication : Décembre 2011

Auteur : Gabriella ASARO

La photographie, forme artistique et outil commercial

Dès sa diffusion, à la fin du XIXe siècle, la photographie se révèle une fascinante forme d'art, ainsi qu'une puissante alliée dans les stratégies commerciales. Félix Potin, précurseur de la grande distribution à Paris, depuis 1855 fidélise ses clients en leur offrant des cartes reproduisant des célébrités politiques, littéraires, scientifiques, artistiques, théâtrales et sportives.

Ce sont surtout les femmes de spectacle à profiter des avantages offerts par la photographie : on assiste à une véritable prolifération de portraits des vedettes de l'époque : Cléo de Mérode, la Belle Otero, Liane de Pougy, Émilienne d'Alençon, Réjane, Cécile Sorel, Mata-Hari. Si le succès iconographique est souvent dû davantage à l'attrait physique qu'au talent artistique, il y a aussi de nombreux cas de femmes de théâtre qui deviennent des icônes par leur charisme d'artistes, comme Sarah Bernhardt et sa jeune rivale, l'italienne Eleonora Duse.

Enfant de la balle, Eleonora Duse naît le 3 octobre 1858 à Vigevano, en Lombardie. Autodidacte, elle développe très jeune un amour profond pour la littérature. Le répertoire de la troupe familiale itinérante comprend des adaptations de romans français, et c'est dans le rôle de Cosette, dans les Misérables de Victor Hugo, qu'Eleonora débute, âgée seulement de quatre ans. Dans une autre adaptation d'un roman français, Thérèse Raquin d'Émile Zola, la jeune Duse obtient son premier succès en 1879. En 1881 Eleonora épouse un collègue de sa compagnie, Tebaldo Checchi, dont elle a une fille, Enrichetta ; mais le couple se sépare assez rapidement. Femme libre, la Duse fuit les liaisons intéressées : ses amants sont des artistes et des hommes de lettres, comme l'écrivain, librettiste et compositeur Arrigo Boito, avec lequel elle noue une liaison secrète entre 1884 et 1894, et le poète et romancier Gabriele D'Annunzio, son amant de 1894 à 1904, auquel elle reproche d'avoir raconté leur relation dans le roman Il Fuoco (Le Feu, 1900). On lui attribue également des liaisons avec la femme écrivain et féministe italienne Lina Poletti et la danseuse Isadora Duncan, mais la Duse demeure, comme d'habitude, très discrète.

Son talent et sa forte personnalité lui gagnent le succès international : aussi bonne comédienne que tragédienne, la Duse ne dédaigne pas les classiques, mais elle est particulièrement attirée par le théâtre contemporain français, Dumas fils et Sardou. Elle défie même Sarah Bernhardt sur son propre terrain, jouant avec succès La Dame aux Camélias et d'autres pièces du répertoire de l'actrice française. Dès son arrivée à Paris, en 1897, la Duse est accueillie avec enthousiasme et admiration, comme l'atteste, peu de temps après, son apparition sur l'album Félix Potin.

Une beauté non conventionnelle

Prise vers 1900, la photo d'Eleonora Duse est la n° 496 de l'album ; la notice correspondante rappelle aux collectionneurs les qualités de l'actrice : « La mobilité de sa physionomie [sic], son jeu simple et naturel donnent au plus haut point le sens de la vie ». Le cliché montre une jeune femme qui ne se soucie point de plaire à tout prix : dans une tenue élégante mais simple, coiffée sans prétention, sans fard ni bijoux, la tête inclinée sur le côté gauche, le regard doux et mélancolique accentué par les yeux tombants, la comédienne semble à la fois accessible et mystérieuse ; sa beauté échappe aux canons esthétiques de l'époque.

Encore moins conventionnel est le deuxième cliché, réalisé par Edward Steichen (1879-1973), photographe et peintre américain d'origine luxembourgeoise. Arrivé à Paris en 1902, Steichen rencontre Auguste Rodin, qui l'accueille dans son atelier. Partisan et maître du mouvement pictorialiste, Steichen profite du cosmopolitisme culturel parisien et fait découvrir aux Américains les photographes français d'avant-garde.
Refusant, une fois de plus, toute concession à une esthétique figée par des canons qu'elle trouve inacceptables, dans le théâtre comme dans la vie, la Duse apparaît ici dans une expression de souffrance, voire d'angoisse, surlignée par la célèbre asymétrie de ses sourcils qui rend son regard encore plus expressif. La ligne d'ombre du pan du manteau fait pendant avec l'auréole des cheveux : l'une et l'autre font saillir la silhouette de la comédienne sur la couleur sépia du cliché.

Une comédienne en avance sur son époque

La « Divina », comme la surnomme D'Annunzio, défie les conventions théâtrales et sociales qui pèsent sur la plupart des pièces écrites et jouées à l'époque ; à la scène comme à la ville, elle donne l'image d'une femme passionnée mais pudique, tourmentée, mais sûre d'elle-même et décidée à préserver son indépendance. Nullement assujettie à l’« obligation de la beauté » qui hante quasiment toutes ses collègues, la Duse déclare fièrement : « Je suis belle quand je veux », refusant même le maquillage de scène, qui nuirait au naturel de sa mimique. Pareillement son jeu, étonnant de vérité, refuse tout artifice rhétorique. Cohéremment à son idéal théâtral et esthétique, la Duse dans sa vieillesse ne teint pas ses cheveux, mais elle regrette de ne pas avoir pu faire du cinéma dans son jeune âge ; elle tourne un seul film, Cenere (Cendres), réalisé par Febo Mari en 1916 et tiré d'un sombre roman de Grazia Deledda, future Prix Nobel de la Littérature en 1926.
Née pendant une tournée, c'est aussi lors d'une tournée qu'Eleonora Duse s'éteint, le 21 avril 1924, à Pittsburgh. Par la nouveauté de son jeu, la « Divina » a montré le chemin aux artistes du théâtre du XXe siècle.

BRÉCOURT-VILLARS, Claudine, D'Annunzio et la Duse, les amants de Venise, Paris, Stock, 1994.

MOLINARI, Cesare, L'attrice divina : Eleonora Duse nel teatro italiano fra i due secoli, Roma, Bulzoni, 1985.

SCHINO, Mirella, Il teatro di Eleonora Duse, Bologna, Il Mulino, 1992.

SHEEHY, Helen, Eleonora Duse : a biography, New York, Alfred A.Knopf, 2003.

WEAVER, William, La Duse, traduit en français par Jean Clem, Paris, Éditions Balland, 1986. 

Eleonora Duse joue dans le film muet Cenere (1916), réalisé par Febo Mari. Vidéo avec un accompagnement musical moderne pour sax ténor (Marcello Allulli) et piano (Giovanni Ceccarelli) :

Gabriella ASARO, « La « divina » Eleonora Duse et la naissance du théâtre du XXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/divina-eleonora-duse-naissance-theatre-xxe-siecle

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