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Allégorie à la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV en 1685

Allégorie à la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV en 1685

Date de création : 1685

Date représentée : 18 octobre 1685

H. : 143,2 cm

L. : 179,7 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Château de Versailles, Dist. RMN - Grand Palais / Christophe Fouin

Lien vers l'image

MV 6892 -  15-601764

  • Allégorie à la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV en 1685

L'édit de Fontainebleau

Date de publication : Juin 2017

Auteur : Jean HUBAC

Révoquer l’édit de Nantes

Le 18 octobre 1685, Louis XIV scelle l’édit de Fontainebleau, par lequel il met fin à près de quatre-vingt-dix ans d’exception française et de tolérance de la religion réformée au sein du royaume des Lys. En révoquant l’édit de Nantes accordé par son aïeul Henri IV en 1598, il prétend acter le fait que les conversions au catholicisme – pour une partie forcées par les dragonnades – ont réduit le protestantisme français à une réalité résiduelle. Le nouvel édit contraint la pratique protestante au for intérieur et favorise les conversions forcées. Cet acte autant politique que religieux est célébré en France par un concert de louange en faveur du rétablissement de l’unité de foi, même s’il contribue fortement à l’édification de la légende noire de Louis XIV dans l’Europe du Nord, où affluent plusieurs dizaines de milliers de réfugiés huguenots durant la décennie 1680.

Guy Louis Vernansal choisit de célébrer la révocation de l’édit de Nantes dans son morceau de réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1687. Âgé de près de quarante ans, Vernansal s’est spécialisé dans la peinture d’histoire et dans la peinture religieuse. Élève de Charles Le Brun, il met son art au service de la gloire royale. Par son choix, il participe à la mise en image allégorique de la révocation de l’édit de Nantes.

Vaincre le chaos et rétablir la religion

Trois groupes organisent la structure de la toile. À droite – donc dans la partie la plus noble de la composition –, trône un Louis XIV cuirassé à l’antique et perruqué. Adossé à une architecture massive (colonnes et volée de marches), dans une pose auguste et drapé d’une toge pourpre, il siège sur un trône et dresse un doigt péremptoire en direction de l’édit de Fontainebleau. Il est entouré de la Piété, qui porte sa main à sa poitrine et inspire la foi sincère du roi, et de la Justice, qui brandit le glaive tout en étant absorbée par la surveillance d’un portefaix qui jette les livres hérétiques.

Éclairée par une gloire dont profite aussi le roi, la Vérité présente le texte de l’édit de Fontainebleau et brandit le soleil (unique comme la vérité), alors que la Foi voilée porte la croix. Elles occupent le centre de la composition, dans une relation à la fois complémentaire et symétrique de part et d’autre de la croix. La Religion, coiffée de la tiare pontificale, élève le calice et l’hostie, rappelant ainsi le miracle de l’eucharistie, dogme central de la foi catholique. Ce groupe symbolique impose une atmosphère hallucinatoire nimbée de sacré, dans laquelle Louis XIV est le seul être qui ne soit pas allégorique. Il oriente le regard vers l’élévation de l’âme inspirant la révocation de l’édit de Nantes et confortée par elle.

Les « hérétiques » vaincus sont symbolisés par des allégories des vices et représentés dans la partie la moins honorable de la toile, en bas et à gauche. Ils sont plongés dans une obscurité et un mouvement désordonné apparenté à l’antichambre de l’enfer. L’Hypocrisie enlève son masque, la Discorde, torche éteinte dans sa main gauche, se tord de douleur, tandis que la Rébellion, casquée et équipée d’un glaive, est précipitée vers les flammes.

Le contraste de luminosité et la juxtaposition tranchée des trois scènes (les deux premières communiquant entre elles, tandis que la troisième est close par une nuée) accentuent l’opposition marquée entre deux univers : l’interprétation iconographique de Vernansal propose donc une image de Louis XIV qui redonne un ordre au chaos, qui dissipe les ténèbres de l’hérésie et célèbre une Foi triomphante parce que jointe à la Vérité.

Peindre l’orthodoxie pour dire l’ordre et le droit

La « religion prétendue réformée », ainsi que la nomment les catholiques, est assimilée à une rébellion contre l’autorité royale et contre la majesté divine. Cette thématique est largement répandue dans le discours anti-protestant, en dépit des protestations loyalistes des huguenots. D’un côté, celui du roi, la foi et la piété soutiennent et justifient la révocation ; de l’autre, celui des protestants, le crime de rébellion contraint le Prince à agir contre une partie de ses sujets mal pensants. De quelque point de vue qu’on se place, il semble que la cause de la révocation soit entendue et que le rétablissement de l’ordre et du droit témoigne en faveur d’une action royale pleinement légitime et nécessaire.

En révoquant l’édit de Nantes, Louis XIV réaffirmait sa place de « Roi Très-Chrétien » et illustrait le rôle conféré au Prince par Bossuet, à savoir « employer son autorité pour détruire dans son État les fausses religions ». Il concluait une période de restriction progressive des libertés de ses sujets réformés (depuis les années 1660), puis de franche persécution depuis la fin des années 1679, et prétendait renouer avec des temps antérieurs aux guerres de religion. Pourtant, les effets de la révocation furent plus néfastes que bénéfiques pour le royaume : les conversions forcées n’empêchèrent pas les pratiques religieuses clandestines, voire les prises d’armes au début du XVIIIe siècle (la fameuse guerre des camisards) ; l’exil hors du royaume aurait concerné 200 000 huguenots et alimenta les discours de Vauban ou d’Ancillon sur le dépeuplement et le désastre économique dus à la révocation (sans réel fondement pourtant) ; la coalition européenne antifrançaise se renforça… Derrière les lumières dorées de la toile de Vernansal poignait l’image noire du Roi-Soleil.

Mathieu DA VINHA, Alexandre MARAL et Nicolas MILOVANOVIC (dir.), Louis XIV, l’image et le mythe, Presses universitaires de Rennes, 2014.

Janine GARRISSON, L’Édit de Nantes et sa révocation. Histoire d’une intolérance, Seuil, 1985.

Élisabeth LABROUSSE, « Une foi, une loi, un roi ? » La révocation de l’édit de Nantes, Payot/Labor et Fides, 1985.

Alexandre MARAL, Le Roi-Soleil et Dieu, Tempus, Perrin, 2015.

Jean HUBAC, « L'édit de Fontainebleau », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 18/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/edit-fontainebleau

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