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Second emprunt de la Défense nationale

Second emprunt de la Défense nationale

Souscrivez à l'Emprunt national Société Générale

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Second emprunt de la Défense nationale

Second emprunt de la Défense nationale

Date de création : 1916

Date représentée : 1916

Domaine : Affiches

© Collections La Contemporaine

Les emprunts nationaux de 1916 et 1917

Date de publication : Juin 2006

Auteur : Alexandre SUMPF

La Grande Guerre, une mise à l’épreuve des nations et des populations

Dès les premières semaines de la guerre, à l’automne 1914, les réserves de munitions et d’approvisionnement des armées belligérantes sont épuisées. Le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position s’incarne dans les 800 kilomètres de tranchées qui balafrent le nord et l’est de la France, régions capitales de l’industrie nationale. Rapidement se pose la question de la gestion économique d’une guerre qui s’annonce plus longue que prévu. Les prêts de la Banque de France ou des alliés britanniques, l’augmentation de la monnaie en circulation, ne suffisent pas. L’État lance donc quatre grands emprunts, chaque année, entre 1915 et 1918. Mais les Français sont durement mis à l’épreuve : les hommes en âge de travailler sont au front, les morts et les blessés se multiplient, les privations nuisent au moral de l’arrière. Comment, dans ces conditions, solliciter la solidarité nationale ?

L’argent, nerf de la guerre

L’affiche, dessinée par l’illustrateur pour enfants Robaudi (1850-1928) en 1916, représente le peuple français qui, en procession, vient déposer aux pieds de Marianne l’argent nécessaire à la poursuite de la guerre. Le défilé est mené par un paysan en blouse bleue, suivi d’une ouvrière économe, d’un employé coiffé d’un melon et d’un bourgeois au canotier. Mais c’est le centre de la composition qui est impressionnant : Marianne, immobile, ceinte du drapeau tricolore, les paumes ouvertes, est assimilée à une madone. En surplomb, la statue La Marseillaise de François Rude orne le pilier aisément reconnaissable de l’Arc de triomphe et donne le signal du départ vers les combats. Le petit garçon, nu comme un ange mais armé d’un glaive et casqué comme un poilu, complète cette Sainte Trinité patriotique.

La seconde affiche, dessinée par Georges Redon (1869-1943) en 1917, joue sur un tout autre registre, plus intimiste et moins ouvertement guerrier. La composition, frappante, oppose personnages vivants, présents, et figures symboliques, reléguées à distance. La poupée alsacienne, jouet d’enfant et emblème de la France perdue, sourit de face et ouvre les bras, confiante dans la Revanche. De même, le poilu barbu et médaillé qui apparaît dans le cadre au mur regarde le spectateur, déterminé et serein. Au contraire, la mère détourne la tête vers sa fille : son attitude exprime à la fois la vulnérabilité et le désir de protection. Le slogan enfin – « pour que vos enfants ne connaissent plus les horreurs de la guerre, souscrivez à l’emprunt national Société Générale » –, teinté des couleurs nationales, vient conclure cette image par un thème patriotique.

Du patriotisme guerrier à la dénonciation des « horreurs de la guerre »

La première affiche annonce l’emprunt de la Défense nationale lancé en octobre 1916, alors que la bataille de Verdun et l’offensive de la Somme, meurtrières, s’achèvent. On y insiste sur la notion de sacrifice, qui s’avère également économique : la mobilisation est totale. Les symboles de la Révolution et de la conquête napoléonienne doivent lever une « armée de l’épargne » censée faire couler l’argent en abondance. Les principaux contributeurs visés sont les paysans, auxquels reste attaché le préjugé de l’économie du « bas de laine », de l’épargne improductive – mais qui représentent aussi les racines de la nation. Ce deuxième emprunt ne rapporte toutefois que 10 milliards de francs et est le moins fructueux des quatre lancés – preuve, sans doute, que la coupure entre la société de l’arrière et le front est réelle et qu’un intense effort de propagande est nécessaire.

Dans l’affiche de G. Redon, le lit vide, à la courtepointe d’un rouge légèrement passé, occupe la place centrale et exprime l’absence, la privation, l’incertitude, qui rongent alors les Français. Cette dénonciation de la guerre est pourtant utilisée par une banque, la Société Générale, pour garantir le succès du troisième emprunt de la Défense nationale en octobre 1917. Il rapporte d’ailleurs un peu plus que le précédent (10,2 milliards de francs). Ce dessin offre un changement complet de dynamique : le front des combattants et des provinces perdues semble soutenir l’arrière plongé dans l’affliction, où chacun est désormais susceptible d’être touché par les « horreurs de la guerre ». Ici, l’œuvre, plus ambiguë que l’affiche de 1916, se situe à la frontière de la propagande et du témoignage.

Jean-Jacques BECKER, Les Français dans la Grande Guerre, Paris, Robert Laffont, 1980.

Jean-Jacques BECKER, Serge BERSTEIN, Victoires et frustrations, Paris, Le Seuil, 1990.

Jean-Baptiste DUROSELLE, Histoire de la Grande Guerre.La France et les Français (1914-1920), Paris, Richelieu, 1972.

Laurent GERVEREAU, "La propagande par l’image en France", 1914-1918.

Laurent GERVEREAU et Christophe PROCHASSON,  "Thèmes et modes de représentation" in Images de 1917, Nanterre, B.D.I.C., 1987.

Alexandre SUMPF, « Les emprunts nationaux de 1916 et 1917 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/emprunts-nationaux-1916-1917

Anonyme (non vérifié)

je trouve cette approche extremement interressante, merci beaucoup. c' est un site tres enrichissant.

mar 13/09/2011 - 17:12 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bientôt, il suffira juste de changer les dates pour remettre cet ouvrage au goût du jour...
L'argent et les emprunt, le moteur et l'essence de nos économies...

lun 12/12/2011 - 20:41 Permalien

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