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Les Débauches d'un confesseur

Les Débauches d'un confesseur

La Danse combiste

La Danse combiste

Les Débauches d'un confesseur

Les Débauches d'un confesseur

Auteur : HOPE

Date de création : 1884

Date représentée : 1884

H. : 112 cm

L. : 78 cm

Illustration du livre de Léo Taxil et Karl Milo.

Lithographie

Domaine : Affiches

Domaine Public © CC0 Collections La Contemporaine, Nanterre

Lien vers l'image

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L'immoralité au cœur de la lutte religieuse pendant la IIIe République

Date de publication : Février 2007

Auteur : Vincent DOUMERC

Une querelle longue de plus de 20 ans

Vingt ans séparent la date de réalisation de ces deux affiches. En 1884, l’ouvrage de Léo Taxil publié par la Librairie anticléricale s’inscrit dans les prémices du conflit religieux qui va marquer la France de la IIIe République. A cette époque, les Républicains, même s’ils viennent d’affaiblir le rôle scolaire de l’Eglise Catholique par les Lois Ferry de 1881-1882, sont encore marqués par la force du mouvement monarchiste et clérical majoritaire à la Chambre des Députés jusqu’en 1877 et représenté jusqu’à cette même date par le Maréchal Mac-Mahon. La carte postale intitulée la Danse Combiste évoque en revanche l’apogée de la crise religieuse puisque le débat sur la Loi de Séparation est engagé.

Le parti radical, violemment anticlérical, est au pouvoir et le Président du Conseil Emile Combes souhaite parvenir à la séparation officielle de l’Eglise et de l’Etat.

Des idéologies opposées mais des critiques similaires

L’affiche de Hodé illustre l’ouvrage de Léo Taxi et Kar Milo de manière explicite : un homme d’Eglise reçoit dans une chambre, la sienne certainement, une jeune femme venue se confesser. Pour expier ses fautes, cette dernière accepte un châtiment corporel violent, la flagellation. Sur cette image, les deux personnages y prennent un certain plaisir. L’évocation de « la débauche » et du péché de chair sont bien plus que suggérées. Les références aux pratiques décrites un siècle plus tôt par le Marquis de Sade renforcent ce sentiment d’immoralité. Aucun élément appartenant à la symbolique religieuse (une croix, une image du Christ, d’un Saint…) n’est présente : l’ennemi est clairement désigné, il s’agit des hommes d’Eglise et non pas de la religion. C’est une constante dans la politique anticléricale qui était destinée à rassembler le plus de personnes possible et qui se devait donc d’éviter les attaques frontales contre des personnages sacrés.


C’est le même angle d’attaque qu’adopte l’auteur de la carte postale La Danse Combiste. Les principaux dirigeants du Bloc des Gauches : André (ministre de la Guerre), Brisson (chef du parti radical), Pelletan (ministre de la Marine), Vallé (membre du parti radical), Combes (Président du Conseil) et Jaurès (socialiste engagé dans le combat anticlérical) sont représentés dans des positions suggestives, presque entièrement dénudés. Cette image est une reprise de la sculpture La Danse de Carpeaux (du nom de son auteur) qui orne l’Opéra Garnier à Paris depuis 1869. Cette œuvre avait suscité une violente polémique puisqu’elle représentait une ronde de femmes nues et de bacchantes ivres qui tournoyaient autour du génie de la Danse. Zola avait vu dans cette sculpture les signes de la décadence morale du Second Empire, quelques mois avant sa chute. Combes est représenté à la place du génie de la Danse, il est donc l’instigateur de la politique anticléricale, un des personnages les plus haïs par les catholiques.

La mise en cause morale de l’adversaire

Dans les deux affiches, le camp adverse est désigné comme ne répondant pas aux bonnes mœurs. Le confesseur violent, prenant du plaisir dans la souffrance physique de ses ouailles fait écho dans la carte postale à Emile Combes et ses acolytes qui maltraitent les hommes d’Eglise.
Combes est d’ailleurs en lévitation au-dessus d’un moine en perdition, comme englouti par ses adversaires, et il tient dans ses mains une bonne sœur et un prêtre dont la petite taille évoque leur fragilité et leur impuissance face à l’immoralité du gouvernement radical. L’impression finale se résume à deux êtres abandonnés, livrés en sacrifice et en pâture à un groupe de personnages aux pratiques douteuses et équivoques, proches de l’homosexualité. Le ministère Combes tombera d’ailleurs à l’issue d’une campagne de dénigrement moral puisque le ministère de la Guerre André (présent sur cette image) sera convaincu d’avoir fait réaliser grâce à ses relations maçonniques une enquête sur les opinions religieuses des officiers républicains : cette carte postale est d’ailleurs contemporaine de ce scandale.


La violence et la perversion symbolisées par les souillures rouges sont omniprésentes sur l’affiche du livre de Taxil et Milo : le dos lacéré de la jeune fille, le chemisier blanc, la robe et le jupon, les semelles mais également le terme « débauches » et l’encart au bas de la page. Grâce à cette image, on comprend pourquoi l’anticléricalisme fut pendant longtemps porteur d’une idéologie misogyne, la femme étant supposée proche de l’Eglise, influençable. On y voit une des causes du suffrage universel masculin en application à cette époque : pour beaucoup d’anticléricaux, la femme ne pouvait voter que pour « le parti du curé ». En outre, le sourire satisfait de la jeune fille en fait une créature ambiguë, suscitant toutes les perversions : l’image de la femme tentatrice, évocation du péché originel, d’Eve dans la Bible, se retrouve donc de manière curieuse dans cet ouvrage anticlérical. Paradoxe dans la vie de Léo Taxil qui ne sera pas le seul puisque, après une œuvre souvent violente et outrancière, il demandera l’absolution au Pape Léon XIII en 1885 et deviendra un pamphlétaire au service de la cause de l’Eglise.

Jacqueline LALOUETTELa République anticléricale, XIXe-XXe sièclesParis, Seuil, « L’Univers historique », 2002.

Jean-Marie MAYEURLa vie politique sous la IIIe RépubliqueParis, Le Seuil, 1984.Gabriel MERLEEmile CombesParis, Fayard, 1995.

Madeleine REBÉRIOUXLa République radicale (1898-1914)Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1975.René RÉMONDL'Anticléricalisme en France de 1815 à nos joursParis, Fayard, 1976.

Vincent DOUMERC, « L'immoralité au cœur de la lutte religieuse pendant la IIIe République », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/immoralite-coeur-lutte-religieuse-iiie-republique

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