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L'effet du mélodrame.

L'effet du mélodrame.

Une loge, un jour de spectacle gratuit.

Une loge, un jour de spectacle gratuit.

L'effet du mélodrame.

L'effet du mélodrame.

Date de création : 1830

Date représentée : 1830

H. : 32 cm

L. : 41 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - P. Bernard

http://www.photo.rmn.fr

96-017050 / Inv. 83.2.1

Les loges au théâtre

Date de publication : Juillet 2005

Auteur : Nathalie de LA PERRIÈRE-ALFSEN

Apparu durant la Révolution, le mélodrame a conquis la scène populaire et s’est imposé au début du XIXe siècle comme un genre phare. Avec des pièces comme Victor ou l’Enfant de la forêt (1799), Coelina ou l’Enfant du mystère (1800) ou La Femme à deux maris, R. C Guilbert de Pixérécourt a créé l’archétype du genre grâce à des personnages manichéens, à un recours permanent à l’emphase, au pathétique, et à l’utilisation d’effets de scène pour souligner l’intensité dramatique ; les dialogues sont grandiloquents et la mise en scène ne recule devant aucune outrance. Tout est fait pour procurer au public de fortes émotions. En 1823, le célèbre comédien Frédérick Lemaître, que l’on peut voir sous les traits de Pierre Brasseur dans Les Enfants du paradis, révolutionne la conception du mélodrame en parodiant la pièce L’Auberge des Adrets : les figures traditionnelles de la vertu ne sont plus les seules à susciter l’admiration ; désormais les humbles et les marginaux peuvent acquérir une stature de héros à l’exemple de Robert Macaire, bandit de grand chemin, mais surtout truculent baladin qui ne craint pas de tourner en dérision les convenances sociales. Même si cette forme de théâtre connaît un relatif déclin après la monarchie de Juillet, à Paris, le boulevard du Temple rassemble de nombreux théâtres spécialisés dans le genre, ce qui lui vaut le surnom de « boulevard du crime ».

Chroniques de la vie parisienne qui se déroulent dans une loge de théâtre à l’époque de Louis-Philippe, ces deux tableaux, de petit format, ont été conçus en pendant. Dans L’Effet du mélodrame, la scène est organisée autour d’une femme qui s’est évanouie, en réaction à la pièce qui se joue devant elle. Tout le monde l’entoure, préoccupé, voire effrayé comme l’enfant au premier plan. Dans Une loge, un jour de spectacle gratuit, c’est tout le contraire ; pas de sollicitude mais un intérêt hilare devant cette faiblesse. La foule entassée dans l’espace réduit se moque et commente avec force rires et regards appuyés cette femme qui fait bien des manières. Les traits sont grossiers, les visages rougeauds et grimaçants. Le spectacle n’est plus sur la scène du théâtre, mais bien dans l’autre loge. Les personnages se penchent, sortent du tableau et nous engagent dans le spectacle de leur spectacle. L’œil passe d’un tableau à l’autre, d’une moyenne bourgeoisie peinte dans une matière « porcelainée », aux subtils accords de couleur, à la description d’un peuple traité de façon quasi caricaturale, à la manière de William Hogarth (1697-1764), à l’aide une technique plus rapide et fluide.

On a là une idée de l’ambiance qui régnait dans les salles de théâtre : atmosphère survoltée, mondanités, échanges entre les spectateurs, interruptions et adresses aux acteurs, manifestation bruyante du plaisir ou de la désapprobation quant à la pièce qui se joue. Le public s’exprime, le spectacle se déroule autant dans la salle que sur la scène.

Méprisé par les élites, le mélodrame apparaît aujourd’hui comme précurseur des formes d’industries culturelles qui émergent dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le tableau de Boilly témoigne de son immense succès, qui s’est décliné dans une multitude de genres au gré de l’air du temps : mélodrame policier, d’aventure, de mœurs, mais aussi mélodrame patriotique dans les années 1880-1890. Selon Gérard Gengembre : « Plus que tout autre genre théâtral, le mélodrame a su refléter les enjeux du siècle et incorporer les représentations et fantasmes que pouvaient se faire les classes populaires de leur condition et des autres composantes de la société. S’il pratique souvent une morale conventionnelle, il sait aussi véhiculer les idées socialistes et humanitaires. Il fut une école de rêve et une forme de communion par le spectacle bien plus réussie et efficace que le drame romantique, lequel ne parvint jamais à constituer le public organique auquel il aspirait. Le XIXe siècle peut être appelé à bon droit le siècle du mélodrame. »

Gérard GENGEMBRE, Le Théâtre français au 19e siècle, Paris, A.Colin, 1999.Susan SIEGFRIED, The Art of Louis Léopold Boilly, New Haven-Londres, Yale University Press, 1995.Jean-Marie THOMASSEAU, Le Mélodrame, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1984.

Nathalie de LA PERRIÈRE-ALFSEN, « Les loges au théâtre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/loges-theatre

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