Aller au contenu principal

"Maître et valet !"

Le plan de Trochu

Le plan de Trochu

"Maître et valet !"

Date de création : 1871

Date représentée :

H. : 55.8 cm

L. : 45,1 cm

Napoléon III et Trochu, en costume de religieux, sont attachés à un pieu.

Dessinateur : Faustin.

Éditeur : Saillant, Paris.

Imprimeur : Lemaire et fils.

LitHographie coloriée.

 

Domaine : Presse

© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Gérard Blot

Lien vers l'image

1996.4.69 - 04-509851

Napoléon III et le général Trochu

Date de publication : Août 2008

Auteur : François BOULOC

Après la défaite de Sedan, la défense de Paris

En août 1870, une inéluctable succession de défaites mettent à terre le second Empire. La situation politique en France étant plutôt confuse à l’automne 1870, la proclamation de la république le 4 septembre à Paris installe de fait un pouvoir aux assises précaires. Ce gouvernement de défense nationale compte pourtant dans ses rangs certains grands noms de ceux qui feront la IIIe République, tels Favre, Ferry ou Gambetta. Mais les nouveaux dirigeants doivent pallier leur déficit de crédibilité auprès d’une population française qui, en mai 1870 encore, a plébiscité Napoléon III : un homme d’ordre est absolument nécessaire. De là s’impose « l’idée de faire entrer Trochu dans la combinaison gouvernementale [car] en dépit de ses convictions catholiques et orléanistes, ce dernier bénéficiait de son image d’opposant à l’Empire et de sa popularité dans la capitale » (S. Audoin-Rouzeau, 1870, la France dans la guerre, p. 147).

Le général Trochu (1815-1896) est un saint-cyrien qui s’est fait une réputation en Crimée (1853-1856) puis en Afrique. « Breton, catholique et soldat », comme il se définit lui-même, c’est un homme de convictions comme en témoigne son retentissant ouvrage d’avant-guerre, L’Armée française en 1867, où il pointe sans aménité l’étendue des carences de l’institution à laquelle il appartient. Cette publication lui vaut d’être « mis au placard » par le pouvoir impérial, mais elle se révèle payante lors de l’effondrement du régime de Napoléon III.

La défaite, source d’inspiration pour la caricature

Le dessin intitulé « Maître et valet » est l’œuvre de Faustin, diminutif de Faustin Betbeder (1847-1914), un des grands noms de la caricature, qui compte, outre Napoléon III, la reine Victoria et Disraeli parmi ses victimes les plus connues. Il se caractérise par un trait précis et une figuration détaillée des personnages contrefaits. Napoléon III et Trochu sont ici solidement ligotés tels des condamnés, en un lieu morne que l’on devine caillouteux, au ciel peuplé de nuées de corbeaux. L’empereur déchu apparaît vieilli, la paupière tombante, affublé d’une moustache gominée qui l’est tout autant. Vêtu d’une sorte de toile de bure, « l’homme de Sedan » fait clairement figure de proscrit. Selon un procédé classique d’exagération, le très catholique Trochu est, quant à lui, accoutré d’une soutane. La mine moins apathique que son comparse, le « valet » donne l’impression de vouloir se défaire de ses liens. Il doit son sobriquet « l’homme de Paris » à son rôle de gouverneur militaire de la capitale, responsabilité que son « maître » Napoléon III lui a confiée le 17 août 1870 et qu’il a conservée jusqu’en janvier 1871.

Il semble que cette fonction de gouverneur militaire de la capitale attire à Trochu bien d’autres quolibets. « Sa Tactique », comme le surnomme ironiquement un journal parisien, brandit sans cesse un « plan », dont il disposerait pour affronter les difficultés, plan au demeurant jamais dévoilé. C’est là pain bénit pour les chansonniers, comme le montre la lithographie ainsi intitulée, publication du journal Le Combat dirigé par un révolutionnaire rentré d’exil, Félix Pyat. Le texte est sarcastique à souhait (feignant l’assurance, Trochu énumère tous les revers et infortunes subis par la France en en faisant les éléments du fameux « Plan » prévu pour sauver le pays…). Notons que Le Combat s’était déjà signalé dans le même registre en publiant le 27 octobre 1870 un article sur le « Plan Bazaine », virulente dénonciation des pourparlers en vue de la reddition de Metz. Figuré au centre de la page sous les traits d’un comploteur loufoque, Trochu se frotte les mains, les pieds posés sur une assiette où courent des rats, symbole du quotidien des Parisiens pendant le siège. En bas à gauche, le caricaturiste ironise sur ses infructueuses tentatives de « sortie » de la capitale. De l’autre côté, il fait référence à la plus fameuse d’entre elles, dite bataille de Champigny (30 novembre-2 décembre 1870). Ces journées ont en effet vu les troupes françaises franchir la Marne à la rencontre des uhlans, pour la « repasser » (jeu de mots à l’origine de l’illustration) contraints et forcés trois jours plus tard.

Des hommes enchaînés à l’événement

L’effondrement subit et inattendu, du moins sous cette forme, du second Empire ouvre un espace politique neuf et suscite les regards caustiques. Les personnages emblématiques de cette queue de poisson historique font l’objet de railleries, qui reflètent la destinée des protagonistes. Prisonnier de l’ennemi après Sedan, Napoléon III vit dès lors un exil sans retour, à peine agrémenté de quelques velléités de complot. Trochu démissionne le 22 janvier 1871, après l’échec d’une autre « sortie », en direction de Versailles cette fois (bataille de Buzenval). La fin de ses fonctions est marquée par un discours retentissant dans lequel il pointe sans équivoque la réalité de la défaite française face aux Prussiens. Le général désavoué se retire ensuite rapidement de la vie politique.

À l’instar du général Boulanger quelques années plus tard, son parcours est caractéristique d’une popularité assise sur une réputation d’inflexibilité, mais vite dissipée : « Trochu, participe passé du verbe trop choir », dira ainsi de façon cinglante Victor Hugo. Sur un autre plan, le ton très libre des documents analysés ici renvoie à une question adjacente, celle de la liberté d’expression. Le règne de Napoléon III s’est en effet singularisé par une pesante censure. Une fois achevé, il est certain qu’un souffle de liberté anime les publications critiques ou satiriques, qui font florès dès 1871. La IIIe République infléchira bien sûr les pratiques répressives impériales, avec notamment la promulgation de la loi de 1881 sur la presse et l’édition. Toutefois, la création en 1874 par le caricaturiste Gill de l’increvable mégère Anastasie, incarnation de la censure avec ses longs ciseaux, vient rappeler que les auteurs n’auront jamais toute licence de pasticher la réalité pour la faire mieux apparaître.

Aimé DUPUY, 1870-1871, La guerre, la Commune et la presse, Paris, Armand Colin, coll. « Kiosque », 1959.

Bertrand TILLIER, La Républicature, la caricature politique en France. 1870-1914, Paris, Éditions du C.N.R.S., 1997.

Robert TOMBS, La Guerre contre Paris, 1871, Paris, Aubier, 1997.

François BOULOC, « Napoléon III et le général Trochu », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/napoleon-iii-general-trochu

Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
A toutes fins utiles, voici un lien concernant ce "fameux plan".

http://musee.trochu.perso.neuf.fr/le_plan_trochu.htm

Cordialement

mer 03/11/2010 - 16:28 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le Mouvement anticlérical à la veille de 1905

Le Mouvement anticlérical à la veille de 1905

La France à la veille de la loi de séparation de 1905

La France de la première décennie du XXe siècle est en proie à de nombreuses…

Thérésa, la première vedette de café-concert

Thérésa, la première vedette de café-concert

Thérésa « la diva du ruisseau »

Le Second Empire voit s’épanouir un nouveau type de divertissement qui séduit le public populaire comme bourgeois…

Thérésa, la première vedette de café-concert
Thérésa, la première vedette de café-concert
Thérésa, la première vedette de café-concert
Gargantua

Gargantua

Alors que le peuple de Paris attendait des journées de juillet 1830 le rétablissement de la République, les députés et les journalistes…

Daumier  et les critiques d’art

Daumier et les critiques d’art

Le Salon et la puissance de la critique

Au début du XIXe siècle, le Salon annuel de peinture et de sculpture a acquis une importance…

Daumier  et les critiques d’art
Daumier  et les critiques d’art
L'antiparlementarisme des années 30

L'antiparlementarisme des années 30

Lorsque les radicaux soutenus par les socialistes reviennent au pouvoir en mai 1932, la crise économique à laquelle la France a échappé jusqu’en…

L'antiparlementarisme des années 30
L'antiparlementarisme des années 30
La séparation des Églises et de l'État

La séparation des Églises et de l'État

L’imminence de la Séparation

À l’orée du siècle, les relations de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique…

Un pamphlet contre l'aristocratie

Un pamphlet contre l'aristocratie

La hantise du complot aristocratique

En 1789, un mécontentement général contre la réaction seigneuriale s’ajoute à la vive effervescence…

Un pamphlet contre l'aristocratie
Un pamphlet contre l'aristocratie
Propagande, nous voilà !

Propagande, nous voilà !

Vie et dessin

L’omniprésence de la propagande à Vichy entre 1940 et 1944 a frappé Jean-Jacques Charles Pennès, dit Sennep (1894-1982), l’un des…

La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration

La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration

Lorsque Rossini arrive à Paris en novembre 1823, ce n’est pas un inconnu car douze de ses œuvres ont déjà été montées au Théâtre-Italien, dont quatre…
La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration
La mode du rossinisme à Paris sous la Restauration
Le Cartel des gauches de 1924

Le Cartel des gauches de 1924

L’apogée du parti radical-socialiste : le Cartel des gauches de 1924

En 1919, les Français, traumatisés par quatre années de guerre totale,…

Le Cartel des gauches de 1924
Le Cartel des gauches de 1924
Le Cartel des gauches de 1924