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Un soldat français sur un train de charbon réquisitionné.

Un soldat français sur un train de charbon réquisitionné.

L'occupation de la Ruhr  « Nom d'un chien, la bête a des piquants ».

L'occupation de la Ruhr « Nom d'un chien, la bête a des piquants ».

Un soldat français sur un train de charbon réquisitionné.

Un soldat français sur un train de charbon réquisitionné.

Date de création : 1923

Date représentée : 1923

Photographie.

Domaine : Photographies

© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BPK

Lien vers l'image

08-529390

L'occupation de la Ruhr

Date de publication : mai 2011

Auteur : François BOULOC

France et Allemagne irréconciliables

Entre la France et l’Allemagne, les différends issus du traité de Versailles (28 juin 1919) restent importants. La France entend bien recouvrer les réparations allemandes pour financer ses pensions et sa reconstruction. Vu d’outre-Rhin, le traité est un « Diktat », et l’Allemagne ne paie que très partiellement les réparations : au 31 décembre 1922, seulement 10,4 milliards de marks-or ont été versés, sur les 24,9 exigibles.

En 1922, quand Raymond Poincaré devient président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, il prend acte de l’inertie de la S.D.N. et des entraves mises aux intérêts français par le Royaume-Uni et les États-Unis. Dubitatif quant à la volonté de payer des Allemands, il opte pour une politique de force et déclare devant la Chambre : « Nous allons chercher du charbon et voilà tout. » (Cité par Jean-Jacques Becker et Serge Berstein, Victoire et frustrations, 1914-1929, p. 216.)

L’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges débute le 11 janvier 1923. Ce geste, fortement significatif dans une Europe tout juste sortie de la guerre, va devenir un événement médiatisé : les images de soldats refont leur apparition, tandis que les journaux s’emparent du sujet. Les pratiques de propagande et de contre-propagande se trouvent ainsi réactivées.

Invasion et résistances

La photographie montre une sentinelle française juchée sur l’un des wagons d’un convoi de charbon. Celui-ci est stationné dans un nœud ferroviaire important (six voies au moins), mais non identifié. La tenue et l’équipement du soldat sont naturellement très proches de ceux de la fin du premier conflit mondial. Casqué, pourvu d’un fusil à baïonnette et de cartouchières, il porte aussi des guêtres et une vareuse. Debout sur une masse instable de briquettes de charbon, il regarde au loin, dans une attitude de repos.

Créée à Munich en 1896, Simplicissimus est une publication satirique illustrée connue pour son ton incisif, à la fois progressiste, anticlérical et patriote. Cette caricature montre un officier français vêtu à la façon de 1914, avec pantalon rouge garance et casquette de drap. Vu sur un fond réduit à un ciel rosâtre et à un vaste paysage de terrils, il hésite à s’asseoir sur ce qui s’avère être une créature vivante dotée d’une gueule de squale. Cet hybride animal et mécanique transporte une forêt de cheminées d’usines hérissées de piquants. Les maisons, fabriques et puits de mine qu’elle cache sont là pour figurer l’ensemble de la région de la Ruhr.

Les mauvais présages de la Ruhr en 1923

Ces deux images résument l’antagonisme franco-allemand d’alors. Si la sentinelle photographiée figure à merveille l’expression des intérêts français, la caricature, par contre, exprime l’état d’esprit des habitants de la Ruhr : du fait de l’occupation militaire de la région, ils se regardent en victimes fondées à se défendre. D’où les « piquants de la bête » qu’évoque la légende du dessin. Le chancelier Brüning indique dans ses Mémoires que « lorsque les Français se mirent à saisir tout le charbon déjà chargé dans les wagons, l’administration des chemins de fer allemands […] put donner à ses membres l’ordre de résistance passive ». Cette résistance prit la forme de grèves du zèle, d’abandons de postes d’aiguillage ou encore de ralentissements massifs de la production. Soutenues par les autorités, ces pratiques solidarisent le peuple allemand et font germer des mouvements sociaux et politiques animés par les soldats perdus des divers corps francs. L’illustration la plus célèbre en est évidemment le « putsch de la Brasserie » fomenté par Hitler à Munich quelques mois après l’entrée des troupes franco-belges en Rhénanie (8-9 novembre 1923).

L’opération est un échec pour la France qui se retire en août 1925, en position de faiblesse quant à l’obtention effective des réparations (soldées symboliquement en 2010…). À plus long terme, cette expérience pave le chemin de la doctrine défensive incarnée par la ligne Maginot, dont le projet, réfléchi depuis 1922, démarre en 1928.

Jean-Jacques BECKER et Serge BERSTEIN, Victoire et frustrations, 1914-1929, Paris, Le Seuil, 1990.

Heinrich BRÜNING, Mémoires (1918-1934), Paris, Gallimard, 1974.

Robert FRANK, La Hantise du déclin. La France, 1920-1960 : finances, défense et identité nationale, Paris, Belin, 1994.

Stanislas JEANNESSON, Poincaré, la France et la Ruhr (1922-1924).

Histoire d’une occupation, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1998.

Frédéric MONIER, Les Années 20 (1919-1930), Paris, L.G.F., 1999.

François BOULOC, « L'occupation de la Ruhr », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/occupation-ruhr

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