Scène de marché au port de l'Hôtel de Ville
Auteur : NÈGRE Charles
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 15 cm
L. : 19,9 cm
Épreuve sur papier salé.
Domaine : Photographies
© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
PHO 2002 2 1 - 02-013690
Paris : le port de l'Hôtel de ville
Date de publication : Septembre 2008
Auteur : Bernard COLOMB
Nouvelles techniques photographiques dans la France du décollage industriel
En 1851, la IIe République est affaiblie par les tensions qui opposent le peuple et la bourgeoisie, maîtresse du jeu politique à travers le parti de l’Ordre. Le régime ne survit pas au coup d’État fomenté par le président Louis Napoléon Bonaparte. Parallèlement à ces turbulences politiques, la France du milieu du XIXe siècle connaît de très profondes mutations économiques et sociales provoquées par le processus d’industrialisation, ce dernier s’accompagnant et reposant sur nombre d’innovations techniques et de progrès décisifs dans les transports. Deux ans auparavant s’est achevée la construction des grandes gares parisiennes, marquant la nouvelle domination du mode ferroviaire. Depuis 1826 et la première réalisation de Niepce, la photographie compte au nombre des innovations techniques majeures qui caractérisent l’âge industriel.
En 1851 Charles Nègre apparaît comme un photographe pionnier. Sa Scène de marché au port de l’Hôtel de Ville, présentée récemment au sein des « chefs-d’œuvre de la collection photographique du musée d’Orsay », a les qualités de « l’instantané » malgré son format relativement grand et l’extrême lenteur du procédé employé.
Un artiste-photographe rend la vie d’un des plus vieux ports de Paris
L’activité portuaire du lieu remonte au Moyen Âge. Le roi attribue alors une partie du rivage à la hanse parisienne des marchands d’eau. Tout au long des siècles suivants, le site accueille une double activité d’approvisionnement et de marché. Installé en 1849 sur l’île Saint-Louis, Charles Nègre découvre le port de l’Hôtel de Ville, où la grève a laissé place à un quai de pierre. Il est situé en contrebas de la chaussée bordée d’immeubles dont les silhouettes, murs clairs et toit de zinc, bornent l’arrière-plan. Là se tient un marché de primeurs, en particulier de pommes et de poires pendant la saison des fruits d’hiver. Le photographe l’a saisi alors qu’il bat son plein : les maraîchers attendent au milieu de leurs paniers d’osier, les chalands défilent. L’ambition novatrice de l’artiste, saluée en son temps dans l’enthousiasme, est, comme Étienne-Jules Marey avec le chronophotographe, de restituer la vie de cet espace. C’est par le « flou », bien évidemment intentionnel, qu’il entend y parvenir. Ainsi les chalands se dessinent-ils plus ou moins nettement en fonction de leur déplacement ou de leur station devant un étal.
Paris, premier port de France. La fin de l’âge d’or des « chemins qui marchent »
Charles Nègre témoigne de l’intense activité que représentait le ravitaillement de la capitale au XIXe siècle, dans la continuité de la période moderne. Au début du siècle, les transports sont assurés par la force animale et par les forces naturelles, en particulier par les rivières et canaux, ces « chemins qui marchent » selon Blaise Pascal. Paris, premier port de France jusqu’au second Empire, étend ses implantations à l’est (ports de l’Hôtel de Ville, de la Râpée, du Gros Caillou). Traditionnellement les ports les plus utilisés se situaient en amont de la ville, la navigation sur la Seine étant plus difficile en aval eu égard aux nombreux ponts qui l’enjambent, aux moulins situés sur ses bords et aux barges ancrées le long de ses quais. Lors des premières décennies du siècle s’opère une révolution des transports qui va faire péricliter la batellerie et les autres modes de transport d’Ancien Régime, considérés désormais comme risqués, coûteux et lents. S’il s’est agi dans un premier temps d’améliorer ce qui existait déjà – construction dans Paris de quais facilitant les mouvements de marchandises, percement de nouveaux canaux (de Saint-Denis et de Saint-Martin en 1826) –, d’autres modes de transport vont triompher. Commence alors l’hégémonie du chemin de fer. En 1849 s’achève le chantier de la gare de Lyon, dernière grande gare parisienne à sortir de terre.
Pierre DELFAUD, Claude GERARD, Pierre GUILLAUME, Jean-Alain LE SOURD Nouvelle histoire économique Paris, Armand Colin, 1985.
Isabelle BACKOUCHE, La Trace du fleuve. La Seine et Paris (1750-1850), Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 2000.
Pierre DELFAUD, Claude GERARD, Pierre GUILLAUME et Jean-Alain LE SOURD, Nouvelle histoire économique, Paris, Armand Colin, 1985.
Georges DUBY (dir.), Histoire de la France urbaine, tome IV, « La Ville de l’âge industriel », par Maurice AGULHON, Françoise CHOAY, Maurice CRUBELLIER, Yves LEQUIN et Marcel RONCAYOLO, Paris, Le Seuil, 1983, rééd. coll.« Points Histoire », 1998.
Marc GAILLARD, Paris au XIXe siècle, Paris, A.G.E.P., 1991.Jacques HILLAIRET, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
Bernard COLOMB, « Paris : le port de l'Hôtel de ville », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 25/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/paris-port-hotel-ville
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