Aller au contenu principal
Effet de contre jour. Cloître des Cordeliers à Reims

Effet de contre jour. Cloître des Cordeliers à Reims

Voitures d'ambulances attendant les blessés à Boesinghe en Belgique

Voitures d'ambulances attendant les blessés à Boesinghe en Belgique

Bombardement des 2 et 3 septembre 1916 à Dunkerque

Bombardement des 2 et 3 septembre 1916 à Dunkerque

Effet de contre jour. Cloître des Cordeliers à Reims

Effet de contre jour. Cloître des Cordeliers à Reims

Date de création : 1917

Date représentée : 03 avril 17

Autochrome.

Domaine : Photographies

© Ministère de la Culture / Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN - Grand Palais / Paul Castelnau

http://www.photo.rmn.fr

08-546981 / CA000355

Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918

Date de publication : Avril 2009

Auteur : Alexandre SUMPF

La ruine de l’Europe en guerre

De 1914 à 1918, la Grande Guerre fait rage aux quatre coins du globe, se concentrant en France sur une bande de 800 kilomètres de long et d’une trentaine de kilomètres de large : à la fin de 1914, la guerre d’usure succède à la guerre de mouvement. À l’arrière, les familles ont les yeux rivés sur cette frontière matérialisée par les réseaux de tranchées, d’où les nouvelles crédibles peinent à parvenir, tant communiqués et lettres des poilus se veulent rassurants. Plutôt que les horreurs de la guerre, rendues sensibles par les annonces de décès, les civils cherchent à renseigner le quotidien, à s’imaginer la survie de ceux qui défendent la patrie de leur corps.

Même si c’était le cinéma qui incarnait la véritable nouveauté dans la documentation du réel de la guerre, la photographie a joué un rôle important dans la stratégie militaire (repérages) et dans la communication à l’adresse des soldats du front ou des civils de l’arrière. D’abord appelé au Service géographique de l’armée, Paul Castelnau (1880-1944) est versé aux côtés de Ferdinand Cuville à la Section photographique des armées, créée en 1915, et couvre pendant deux ans l’ensemble des fronts en France, puis au Proche-Orient en 1918. Les images qu’il en rapporte sont réalisées grâce au

La destruction en couleurs

Le 26 septembre 1914, la cathédrale de Reims est touchée de plein fouet par les bombes allemandes, nouvelle « atrocité » culturelle après la destruction de Louvain fin août. Le cloître des Cordeliers, complètement rasé, permet au photographe d’essayer des jeux de perspective et de lumière : son cliché est légendé « effet de contre-jour ». À l’arrière-plan se dressent les tours intactes de la cathédrale, qui auraient pu connaître le sort du couvent : ne plus être qu’un amas indistinct de pierres calcinées et de gravats où poussent les herbes folles.

La scène située en Belgique quelques mois plus tard frappe par la pâleur des couleurs, comme si tout avait été recouvert de poussière durant l’été. Précairement abrités derrière un bâtiment en ruines, dont le toit dresse pitoyablement sa charpente démantelée vers le ciel, les ambulances et leur conducteur (à l’arrière-plan) attendent. Seule la fumée noire qui obscurcit le ciel indique la proximité du front. Les ornières et trous creusés dans le sol témoignent de la répétition des actions militaires, rendant désormais impropre à l’activité agricole une terre qui faisait la richesse des plaines du Plat Pays.

Le bombardement de Dunkerque, en septembre 1916, n’a rien de comparable avec les ruines de Reims ou l’occupation de la Belgique ; mais ici, la destruction est saisie sur le vif. Les clichés de l’entrepôt des Bains sont les plus spectaculaires de la série consacrée à cet événement, et cette image se distingue par sa composition très équilibrée. Ciel et terre se partagent l’espace horizontalement, la tour restée debout fait le lien entre les deux et divise l’image verticalement. À droite, les projections d’eau voilent le bâtiment situé dans la perspective ; adultes et enfants civils observent la scène sans participer. À gauche, on distingue les pompiers en action, fragiles sauveteurs face à l’ampleur des destructions, nettement soulignée par l’imposante machine en acier au premier plan, au bord du cadre.

« Atrocités » culturelles et vie suspendue

Sur les 375 autochromes de Paul Castelnau conservés à la médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, environ 200 représentent Reims et ses habitants, survivants de pierre et de chair. Dans son célèbre article du Matin (29 septembre 1914), Albert Londres écrit que « ce n’est plus la cathédrale, c’est son apparence », que la photographie ne pourra en rendre l’état, pas plus qu’elle ne rend « la teinte du mort ». La litanie de ruines et de boutiques dévastées permet pourtant à Castelnau de s’exercer, lui le géographe qui ne connaissait rien à la technique photographique avant d’être affecté à la Section photographique. Mais pas plus que les combats, il n’ose prendre en photo les blessés, le sang, l’urgence qui va bouleverser l’endroit d’un instant à l’autre ; l’absence d’hommes inscrit toutefois la présence de la mort. Les clichés de Dunkerque bombardé en septembre 1916 ont sans doute peu frappé le public alors abreuvé d’images du paysage lunaire de Verdun. Mais ils mettent en scène un front mal connu, à la réputation trouble – les habitants de la zone occupée par les troupes allemandes sont surnommés « Boches du Nord » – et aux héros discrets.

Développés sur plaque de verre (20x30 cm), les autochromes seront projetés en diapositives. À la différence du cinéma où les procédés de colorisation ne font pas illusion, la couleur rend particulièrement vivants les clichés, destinés à captiver l’attention lassée d’une population qui subit aussi la guerre sur le plan psychologique. Cela dit, à l’instar des clichés de presse, les autochromes se réduisent en fait à des scènes de genre anecdotiques, sans rapport avec une expérience de guerre où triomphent la mort et la violence. Héritiers du modèle pictural de l’impressionnisme en peinture et de la veine pictorialiste de la photographie, ils trahissent la vocation documentaire et testimoniale du cliché en le faisant pencher du côté de la mise en scène artistique, échouant à restituer la modernité du conflit.

Jean-Jacques BECKER, La Première Guerre mondiale, Belin, 2008 (rééd.).

Laurent GERVEREAU et alii, Montre la guerre ? Information ou propagande, Paris, CNDP, 2006.

John HORNE, Alan KRAMER, 1914, les atrocités allemandes, Tallandier, 2005.

Jean-Marie LINSOLAS, Jean-Baptiste PERETIE, « La photographie de guerre : un miroir du vrai ? », dans Christophe PROCHASSON et Anne RASMUSSEN (dir.), Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004, p.96-111.

Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.

Alexandre SUMPF, « Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/paysages-ravages-guerre-1914-1918

Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
Une petite précision au passage : on dit une autochrome et non un autochrome.
Une plaque est tirée et non "développée sur plaque de verre".
La plaque de verre après tirage était en effet avant tout destinée à la projection, et non à être projetée en diapositive.
Cordialement
S.E

lun 13/02/2012 - 10:22 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,

Merci pour votre commentaire!
En effet, Le mot autochrome est un mot féminin et elles étaient couramment regardées sous la forme d'une image projetée agrandie.

Nous allons corriger ces erreurs très rapidement.

A bientôt !

Anne-Lise

lun 13/02/2012 - 14:32 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
Petite correction : Le cliché de Dunkerque ne représente pas l’entrepôt des Bains mais l’entrepôt des sucres.
Cordialement.
LC.

mer 21/03/2018 - 17:45 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Verdun, un champ de bataille à la démesure de l'Homme

Verdun, un champ de bataille à la démesure de l'Homme

Visées allemandes : désespérer la France et le Royaume-Uni

Lorsque le général Erich von Falkenhayn lance le 21 février 1916 la grande offensive sur…

Verdun

Verdun

La guerre de 1914-1918 a fortement marqué les peintres comme la grande majorité des artistes et intellectuels de l’époque. Qu’ils soient mobilisés…

Cubisme et camouflage

Cubisme et camouflage

L’arme « camouflage »

La guerre de 1914-1918 ne fut pas la guerre éclair tant attendue. Elle s’enlisa rapidement et, avec la mise en place des…

Cubisme et camouflage
Cubisme et camouflage
Cubisme et camouflage
Cubisme et camouflage
Les Zouaves sur tous les fronts

Les Zouaves sur tous les fronts

Les zouaves, corps à part dans l’armée française

L’histoire des zouaves, unité d’infanterie spécifique au costume reconnaissable entre tous,…

Les Zouaves sur tous les fronts
Les Zouaves sur tous les fronts
Les Zouaves sur tous les fronts
La Déshumanisation des soldats

La Déshumanisation des soldats

Pendant les hostilités de 1914 à 1918, dans tous les pays belligérants, les peintres, comme la grande majorité des artistes et des intellectuels,…

L'interrogatoire du prisonnier

L'interrogatoire du prisonnier

La guerre : une réalité quotidienne

Quand la Première Guerre mondiale débute au milieu de l’été 1914, les belligérants s’accordent à penser qu’…

Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre

Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre

Les signataires des traités, mandataires de puissances à bout de souffle

A l’issue de la Première Guerre mondiale, les pertes humaines immenses et…

Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre
Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre
Les Bretons dans la guerre de 1914-1918

Les Bretons dans la guerre de 1914-1918

Les Bretons dans la guerre

Le nombre des Bretons tués au cours de la Grande Guerre est estimé à 130 000, ce qui représente un pourcentage de…

Un regard sur les tranchées

Un regard sur les tranchées

L’Alsace pour objectif

La guerre européenne qui semblait à tous inévitable ne devait durer que quelques semaines, le temps de triompher une bonne…

Un regard sur les tranchées
Un regard sur les tranchées
Un regard sur les tranchées
Jean Hugo, peintre dans la guerre

Jean Hugo, peintre dans la guerre

Jean Hugo, un peintre dans la guerre

Si la littérature occupe toujours une place de choix dans la riche documentation dont l’historien dispose…

Jean Hugo, peintre dans la guerre
Jean Hugo, peintre dans la guerre
Jean Hugo, peintre dans la guerre