Aller au contenu principal
Rémouleur.

Rémouleur.

Marchand de paniers.

Marchand de paniers.

Chiffonnier.

Chiffonnier.

Fleuriste.

Fleuriste.

Rémouleur.

Rémouleur.

Date de création : 1899

Date représentée : 1899

H. : 17,4 cm

L. : 21,7 cm

Photographie positive sur papier albuminé d'après négatif sur verre au gélatinobromure

Domaine : Photographies

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

OA-615 (1)-PET Fol Atget 3000

Les petits métiers de Paris dans les albums d'Eugène Atget

Date de publication : Décembre 2007

Auteur : Claire LE THOMAS

Des métiers en voie de disparition

Au tournant du XXe siècle, les petits métiers de Paris disparaissent progressivement sous l’effet de l’industrialisation et de la diffusion des grands magasins. Atget qui s’intéresse aux aspects du vieux Paris, s’attache alors à photographier les marchands ambulants de la capitale. Il poursuit ainsi une longue tradition iconographique née au XVIe siècle et qui se développa au cours du XIXe siècle en réponse au déclin de cette profession.
Face aux changements rapides engendrés par le passage à la modernité, les petits métiers apparaissent comme l’image rassurante d’une certaine continuité ; ils sont intimement liés à la morphologie de la capitale avant les travaux urbanistiques du second Empire.

Portraits de métiers

Atget photographie les marchands ambulants sur leur lieu de travail, entourés de leurs marchandises : le rémouleur, ou affûteur de couteau, s’est installé, avec son établi au coin d’une rue ou au milieu d’une place ; la fleuriste a déposé sa corbeille de fleurs devant un bâtiment ; le vannier déambule, chargé de paniers, dans la ville ; le chiffonnier s’apprête à repartir, sa charrette pleine de sacs de détritus. Parfois, il leur demande de mettre en scène leur activité, de poser en mimant l’achat et la vente pour montrer les interactions qui s’établissent avec les habitants du quartier ou les passants.
La plupart des clichés mettent cependant en avant la mobilité intrinsèque aux petits métiers : si, lorsqu’ils sont arrêtés, attendant ou hélant le client, leur environnement se distingue assez bien, l’arrière plan est le plus souvent flou, notamment pour les emplois contraints à des déplacements constants, comme le vannier ou le chiffonnier. Les éléments architecturaux se brouillent, la figure du marchand est disjointe de ce qui l’entoure – la netteté de l’un contrastant avec l’effacement de l’autre – comme pour signifier la stratégie ambulatoire qui les caractérise : ne restant jamais au même endroit, ils n’intègrent pas le quartier qu’ils parcourent. La pose du chiffonnier, les bras tendus, la jambe en avant, le corps penché souligne bien le mouvement inhérent à ces professions.
A travers ces images, Atget dresse en quelque sorte le portrait de chacun de ces métiers de rue : photographiés en pied, les marchands ambulants ne sont pas tant individualisés par leurs traits que par leurs marchandises. Celles-ci les définissent et semblent parfois faire corps avec leur propriétaire. Le rémouleur est comme encastré dans son atelier roulant ; le chiffonnier se maintient en équilibre en tirant sa charrette, tel un prolongement de lui-même ; le vannier est enveloppé de paniers où s’évanouissent ses bras, comme autant d’appendices constituant de nouveaux membres… Seule la fleuriste, ayant posé sa corbeille, ne se trouve pas physiquement unie à son chargement. Elle tient cependant des fleurs à la main et sa posture cambrée signale son habitude de transporter ses produits : son corps est emprunt du poids de son panier.

 

Un regard documentaire

Les photographies des petits métiers de Paris d’Atget, portent un regard bien plus documentaire que nostalgique sur ces professions. Tout en s’inscrivant dans le regain d’intérêt pour la figure des marchands ambulants, tradition vouée à disparaître, elles témoignent d’une compréhension accrue du rôle social tenu par ces professions, acteurs de la vie quotidienne du quartier, et de leurs manières de travailler.
Chaque cliché est pris de façon à rendre visible, par le cadrage, la mise au point, la pose, les traits distinctifs de cette activité, en particulier son rapport interactif et mobile avec la ville et son lien presque corporel à sa marchandise. Il poursuivait ainsi, sur le même mode typologique, son étude des aspects du vieux Paris : la série des métiers de rue forme un contrepoint vivant à ses clichés des arrondissements et des quartiers parisiens où les habitants sont le plus souvent absents.
Lorsqu’il reprend ce thème une dizaine d’années plus tard, vers 1912, il enregistre le recul définitif des marchands ambulants au profit des kiosques, des petites boutiques et autres étalages de rue. Les ordonnances sur l’occupation des espaces et des voies publiques ont imposé la fixité aux petits commerces et réglementé ce secteur d’activité, accélérant un déclin déjà ancien. Il trouvera malgré tout des équivalences sociales et formelles entre les anciens et les nouveaux petits métiers : ils participent encore à l’animation du quartier et débordent malgré tout sur la rue, avec leurs étals composites aux formes parfois surprenantes, brouillant toujours les frontières entre espace public et privé.

Laure BEAUMONT-MAILLET, Atget, Paris, Paris, Hazan, 2000.

Guillaume LE GALL, Atget, Paris pittoresque, Paris, Editions Hazan, 1998.

Gérard NOIRIEL, Les ouvriers dans la société française, XIXe-XXe siècles, Paris, éditions du Seuil, 1986.

Claire LE THOMAS, « Les petits métiers de Paris dans les albums d'Eugène Atget », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 18/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/petits-metiers-paris-albums-eugene-atget

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Albums liés

Découvrez nos études

Les invasions barbares

Les invasions barbares

Une menace venue du Nord

Phénomène majeur du IXe siècle de notre ère, les nouvelles invasions barbares ont immédiatement menacé le fragile…

Les invasions barbares
Les invasions barbares
Les invasions barbares
« Paris outragée »

« Paris outragée »

Le premier drapeau

Le 14 juin 1940 au petit matin, les Allemands pénètrent dans Paris, déclarée ville ouverte. Un cessez-le-feu est signé, sous la…

1918 : la fin des combats attire les foules

1918 : la fin des combats attire les foules

La paix, enfin…

A l’issu de la guerre, la France compte 1,4 million de morts, qui sont autant de familles endeuillées, de foyers amputés ou qui…

1918 : la fin des combats attire les foules
1918 : la fin des combats attire les foules
1918 : la fin des combats attire les foules
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

La République s’amuse

Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour…

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Innovation et progrès au XVIII<sup>e</sup> siècle

Innovation et progrès au XVIIIe siècle

Invention technique et progrès de l’humanité

Originaires d’Annonay, les frères Montgolfier réussissent les premiers à faire voler un aérostat –…

Paris : le port de Bercy

Paris : le port de Bercy

Dans la France de l’âge industriel, démocratisation des loisirs et nouvelles classes sociales

Entre le milieu du XIXe siècle et l’aube…

Erection de l'obélisque de Louxor

Erection de l'obélisque de Louxor

Inaugurée en 1763 dans la tradition des places Royale, des Victoires et Vendôme, l’actuelle place de la Concorde était initialement l’écrin de la…

Panorama des Palais

Panorama des Palais

Une exposition d’envergure

L’exposition de 1878, inaugurée le 1er mai après dix-neuf mois de travaux et de préparation, s’inscrit dans…

Les galeries du Palais-Royal, ancêtre des passages couverts

Les galeries du Palais-Royal, ancêtre des passages couverts

Une spéculation immobilière

Le Palais-Royal devint la propriété des Orléans, branche cadette du royaume de France, en février 1692, quand Louis…

4 septembre 1870 : la République est de retour

4 septembre 1870 : la République est de retour

Les dernières heures du Second Empire

Lorsque la nouvelle de la capture de Napoléon III suite à la défaite de Sedan arrive à Paris, un certain…