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Le Grand Carrousel donné par Louis XIV dans la cour des Tuileries à Paris.

Le Grand Carrousel donné par Louis XIV dans la cour des Tuileries à Paris.

Date représentée :

H. : 285

L. : 365

Huile sur toile

© Photo RMN - Grand Palais (Château de Versailles) / Droits réservés

http://www.photo.rmn.fr

86-001856 / MV2130

Pouvoir du spectacle, spectacle du pouvoir

Date de publication : mai 2013

Auteur : Joël CORNETTE

La première grande fête du règne personnel

Voici un an, depuis la mort de Mazarin, que le roi « gouverne par lui-même » et il tient à affirmer aux yeux du plus grand nombre le début de son règne « personnel ». D’autant que l’avenir de la dynastie est assuré par la naissance d’un dauphin, le 1er novembre 1661. Le 5 juin 1662, il organise un carrousel dans la cour des Tuileries. Il s’agit donc à la fois de célébrer cet heureux événement et de proclamer la gloire du souverain en offrant un spectacle public capable de frapper les imaginations, car les peuples, explique Louis XIV dans ses Mémoires, « se plaisent au spectacle, où au fond on a toujours pour but de leur plaire […]. Par là, nous tenons leur esprit et leur cœur, quelquefois plus fortement peut-être, que par les récompenses et les bienfaits ».

Carlo Vigarani, dont le père était architecte de Mazarin, fut désigné pour mettre en scène le carrousel, déploiement équestre d’une ampleur inédite. C’est le jardin de Mademoiselle, vaste espace situé entre le Louvre et les Tuileries, qui a été choisi : des gradins et des tribunes en bois ont été érigés pour délimiter une grande et magnifique place carrée, capable d’accueillir quinze mille personnes assises sur quatre rangs. Une double barrière permet le passage des quadrilles de cavaliers.

Du côté des Tuileries (au fond) une somptueuse tribune à trois étages a été élevée pour les reines (Anne d’Autriche, Marie-Thérèse), les princes de la cour et les ambassadeurs. C’est là, sous un dais de velours violet enrichi de fleurs de lis d’or, que la reine Marie-Thérèse attend les vainqueurs des courses pour leur remettre des prix de grande valeur, notamment une boîte avec le portrait du roi, garnie de diamants.

Le quadrille des chevaliers

Le tableau, qui met en valeur le déploiement spectaculaire de cette parade, présente en une seule scène plusieurs des épisodes qui ont marqué ces deux jours de fêtes, les 5 et 6 juin 1662, en particulier le plus impressionnant (au premier plan) : un ballet équestre qui met en action cinq quadrilles de dix chevaliers. Romains, Persans, Turcs, Indiens, « Sauvages de l’Amérique », respectivement commandés par le roi (dans un somptueux costume d’imperator romain), Monsieur, le prince de Condé, le duc d’Enghien, le duc de Guise.

Le premier jour fut consacré aux « courses de têtes » contre une tête de Turc et une tête de Méduse ; le second jour fut celui des courses de bagues, qui consistaient à enfiler à la lance en plein galop une bague pendue par une ficelle à une potence, une version adoucie des tournois interdits depuis la mort tragique d’Henri II en 1559.
Tous les commentateurs ont relevé le caractère d’entraînement guerrier de ce spectacle destiné à exalter la noblesse : Charles Perrault les appelle des « images de la guerre », et le père Ménestrier écrit que « les courses de carrousels sont militaires ».

La naissance du Roi-Soleil

Alors que l’aristocratie, privée de ses prérogatives militaires, en est réduite à servir d’écrin au souverain, le pouvoir absolu du roi se trouve ici spectaculairement affirmé, notamment par un déploiement de devises et d’emblèmes. Louis Douvrier créa, à cette occasion, la devise de Louis XIV, qui devint immédiatement célèbre : Nec Pluribus impar, souvent traduite par « A nul autre pareil ». Et c’est le roi lui-même dans ses Mémoires qui a bien expliqué cette naissance officielle du « Roi Soleil » :

« Ce fut là [lors du carrousel de 1662] que je commençai à prendre [la devise] que j’ai toujours gardée depuis, et que vous voyez en tant de lieux. Je crus que, sans m’arrêter à quelque chose de particulier et de moindre, elle devait représenter en quelque sorte les devoirs d’un prince, et m’exciter éternellement moi-même à les remplir.

On choisit pour corps le soleil, qui, dans les règles de cet art, est le plus noble de tous, et qui, par la qualité d’unique, par l’éclat qui l’environne, par la lumière qu’il communique aux autres astres qui lui composent comme une espèce de cour, par le partage égal et juste qu’il fait de cette même lumière à tous les divers climats du monde, par le bien qu’il fait en tous lieux, produisant sans cesse de tous côtés la vie, la joie et l’action, par son mouvement sans relâche, où il paraît néanmoins toujours tranquille, par cette course constante et invariable, dont il ne s’écarte et ne se détourne jamais, est assurément la plus vive et la plus belle image d’un grand monarque. »

· Louis XIV, Mémoires, Paris, Tallandier, 2012.

· Joël CORNETTE, Absolutisme et Lumières : 1652-1783, Paris, Hachette, 2005. 

Joël CORNETTE, « Pouvoir du spectacle, spectacle du pouvoir », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/pouvoir-spectacle-spectacle-pouvoir

Anonyme (non vérifié)

Ce fut l'aurore d'une France puissante et prestigieuse a jamais disparue sous la médiocrité républicaine...

sam 04/05/2013 - 08:29 Permalien

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