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Prison de la Petite Roquette

Prison de la Petite Roquette

Fourgon cellulaire

Fourgon cellulaire

Prison de la Petite Roquette

Prison de la Petite Roquette

Auteur : LE BAS Hippolyte

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1826-1836

Date représentée :

H. : 35,5 cm

L. : 48,3 cm

La prison a été construite de 1826 à 1836 et détruite en 1974.

Plume et encre, aquarelle

Domaine : Dessins

© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / René-Gabriel Ojeda

Lien vers l'image

ARO 1980-90 - 03-011208

La prison panoptique

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Ivan JABLONKA

La prison moderne est née sous la Révolution : c’est à ce moment qu’elle devient la base de la pénalité française. En 1791, Le Pelletier de Saint-Fargeau, son principal défenseur, la voit comme un instrument de rédemption sociale et d’humanisation des peines.

Mais, dans les années 1840, la peur de la criminalité organisée conduit un certain nombre d’hommes politiques et de spécialistes à appeler de leurs vœux une prison strictement punitive qui dissuaderait le malfaiteur de récidiver. C’est alors qu’on songe à appliquer en France les solutions préconisées par Bentham dans son Panopticon. Celles-ci avaient déjà inspiré les architectes des prisons britanniques construites à la fin du XVIIIe siècle, ainsi que les promoteurs de la prison modèle de Philadelphie.

Construite en 1836 sur les plans de l’architecte Le Bas, la prison panoptique de la Petite-Roquette offre le premier exemple d’isolement cellulaire en France.

La « première grande machine carcérale française », prison modèle et maison de rééducation pour enfants délinquants, est une forteresse austère de forme hexagonale. Sa tour centrale permet une surveillance de tous les instants dans les six galeries qui en rayonnent et où donnent les cellules. Au début, les enfants travaillent en commun pendant la journée et dorment isolés. On observe un durcissement après 1838, avec la construction de préaux cellulaires.

La prison panoptique est conçue comme un système, une machine à punir, car le détenu, totalement isolé, ne peut échapper à une surveillance omniprésente. Isolé, instrumentalisé, soumis à l’œil du pouvoir, le coupable est face à lui-même et à Dieu. Ce monachisme pénitentiaire incite le détenu à la pénitence et assure son châtiment ; en même temps, il suscite l’effroi de ceux du dehors.

Pour le philosophe Michel Foucault, la naissance de la prison illustre le passage, entre la fin de l’Ancien Régime et le début du XIXe siècle, d’une pénalité éclatante et cruelle, fondée sur la souffrance, à un nouvel art de punir qui, au nom de l’humanisation des peines, soumet le corps du détenu à une discipline et à un dressage aliénants. Le remplacement en 1837 de la chaîne des forçats par la voiture cellulaire résume, selon lui, cette évolution.

Le fourgon cellulaire photographié par Atget sert au transfert des détenus. Six cellules sans fenêtre, placées de part et d’autre d’un couloir, accueillent ces derniers, qui voyagent anneaux aux pieds, assis sur un entonnoir en zinc. La cérémonie de la souffrance qu’offrait la chaîne des forçats a été remplacée par une « prison roulante, un équivalent mobile du Panoptique ».

La thèse de Foucault, que les historiens jugent aujourd’hui exagérée, tend à présenter comme un mal une évolution qui représente pourtant un progrès évident dans le traitement des prisonniers.

Les prisons panoptiques, portées par la « fureur cellulaire » des années 1840, comportent deux aspects cruciaux : la cellule individuelle et le poste central d’observation. Les contemporains ont souvent jugé positivement ces innovations, et Victor Hugo notait après une visite en 1847 que la Petite-Roquette était « une ville composée d’une foule de petites solitudes, […] un cloître, une ruche ».

Pourtant, la solution panoptique a été un échec, ne serait-ce que sur le plan législatif. Les seuls établissements construits sur ce modèle, à Paris (la prison Mazas, conçue pour plus de 1 200 détenus), à Rennes ou à Angers, outre qu’ils n’ont jamais reçu qu’une minorité de prisonniers, ont été marqués par l’insalubrité, les violences et les nombreux cas de suicide ou de folie.

En 1865, les enfants de la Petite-Roquette sont envoyés dans des colonies agricoles, en plein air. Mais, plus généralement, le panoptisme d’un Bentham ou d’un Le Bas peut être considéré comme une utopie architecturale, une technique visant à rationaliser l’espace pour transformer radicalement l’individu, comme les projets de Fourier et Considérant pour les cités, et ceux de Tenon pour les hôpitaux.

Bibliothèque nationale, Mission du patrimoine photographique, Musée Carnavalet, Institut français d’architecture, Atget Paris, Paris, Hazan, 1992.

Michel FOUCAULT, Surveiller et Punir. La naissance de la prison, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1975.

Michelle PERROT, « Les enfants de la Petite-Roquette », L’Histoire, no 100, mai 1987, p. 30-38.

Michelle PERROT, Les Ombres de l’histoire – Crime et châtiment au XIXe siècle, Flammarion, 2001.

Jacques-Guy PETIT, Ces peines obscures. La prison pénale en France (1780-1875), Paris, Fayard, 1990.

Ivan JABLONKA, « La prison panoptique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/prison-panoptique

Anonyme (non vérifié)

Bonjour

Excellent texte, très instructif......même si le sujet est terrible!

jeu 01/12/2011 - 18:29 Permalien

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