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Proclamation de la République romaine sur la place du Capitole, 15 février 1798.

Proclamation de la République romaine sur la place du Capitole, 15 février 1798.

Date représentée : 15 février 1798

H. : 31 cm

L. : 42,5 cm

Gravure de Jean DUPLESSI-BERTAUX (1747-1819) et Robert DELAUNAY (1749-1814) d'après Carle VERNET (1758-1836). Eau-forte.

Domaine : Estampes-Gravures

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

EF 134 FOL - FOL 19

La proclamation de la République romaine

Date de publication : Juin 2009

Auteur : Mehdi KORCHANE

En février 1797, l’armée française s’est rendue maîtresse du nord de la péninsule italienne au terme d’une campagne initiée au printemps précédent et menée tambour battant par le général Bonaparte. Contraint de signer la paix de Tolentino le 19 février, Pie VI, chef des États pontificaux, a cédé Bologne et Ferrare à la France et rouvert les portes de Rome aux Français, qui y retrouvent une ambassade. Mais les importantes contributions financières que le traité a imposées aux États, déjà en proie à la misère, et la confiscation de leurs trésors artistiques ont cristallisé l’hostilité du peuple. Le sentiment d’insécurité augmente avec la proclamation de républiques dans diverses cités des Marches, qui isolent encore davantage Rome. La pression antifrançaise et antijacobine se solde par l’assassinat du général Duphot, le 28 décembre 1797, au cours d’une émeute organisée aux portes de l’ambassade. L’attentat qui se voulait une démonstration de force entraîne la Ville éternelle dans une spirale de péripéties politiques telle qu’elle n’en avait pas connu depuis des siècles. Le 11 février 1798, le marquis Massimo, représentant du pape à Paris, est emprisonné, et le général Berthier reçoit l’ordre de marcher sur Rome afin d’en chasser le pape.

À leur arrivée à Rome, les Français s’installent au Quirinal. Le 15 février, une république dirigée par sept consuls, dont Berthier, est instaurée et proclamée sur la place du Capitole, où les jacobins romains ont planté un arbre de la Liberté symbolique. Carle Vernet a décentré la perspective de manière à inscrire ce symbole dans l’espace qui sépare le palais des Conservateurs (à gauche) du palais des Sénateurs (au centre) : garni de deux drapeaux croisés, l’arbre en forme de trophée se compose d’un mât au faîte duquel sont fixées deux branches d’olivier, au lieu du traditionnel bonnet patriotique. Sur chaque face de son imposante base sont martelées les inscriptions « Religion et Liberté », « Souveraineté du Peuple », « Liberté et Égalité », « Egalité et Loi ». La majesté de l’environnement monumental se passe de tout autre ornement et pourvoit pleinement aux besoins scénographiques du cérémonial. La réunion des militaires français et du peuple qui l’acclame avec enthousiasme constitue le véritable événement.

L’élégance du dessin et le soin extrême avec lequel il est exécuté sont caractéristiques des Tableaux historiques des campagnes d’Italie, recueil de gravures dû aux talents d’un dessinateur à la mode et d’un graveur de renom, Carle Vernet et Jean Duplessis-Bertaux. Paru en livraisons à partir de 1801, quelques mois après la paix de Lunéville qui entérinait la fin de la seconde campagne d’Italie, cet ouvrage de propagande se proposait de rendre compte au public français des triomphes militaires sur lesquels le Premier consul fondait son pouvoir. Quoique la page de titre revendiquât la vérité historique des représentations, c’est une vision radieuse et idéalisée des événements que proposait Carle Vernet, ce que cette Proclamation de la République romaine exprime plus que toute autre gravure. La cérémonie avait connu un déroulement sensiblement différent de ce qu’elle donne à voir. L’entrée des Français dans Rome avait fait fuir un grand nombre de notables romains, et le peuple s’était terré dans ses pénates : Berthier, selon son propre aveu, n’avait trouvé dans la cité que « stupeur et nul élan patriotique ». Le « peuple innombrable » qui, selon les feuilles officielles, avait applaudi la proclamation de la république, s’était élevé en réalité à quelques centaines d’individus, en partie venus par curiosité.

La création de la République romaine s’inscrivait dans un programme d’expansion territoriale élaboré par la Convention et poursuivi par le Directoire. Au-delà de la sécurisation du territoire national, il s’agissait d’exporter les acquis de la Révolution dans les États limitrophes et, plus largement, partout où la conjoncture le permettait, en y instaurant des républiques fondées sur le modèle français. Si le Directoire a pu compter sur l’enthousiasme des nombreux foyers patriotes implantés sur ces territoires pour combattre les résistances locales et aider à la mise en œuvre de ses projets, les multiples fronts auxquels il dut faire face, suite à la formation d’une seconde coalition, ont dispersé ses forces militaires et l’ont conduit à réorienter ses stratégies. En retirant ses armées du Mezzogiorno, la France privait les républiques qu’elle avait établies à Rome et à Naples du soutien qui les garantissait.

La République romaine n’était plus qu’un souvenir au moment de la parution de la gravure de Duplessis-Bertaux, mais ce souvenir n’en servait pas moins le prestige militaire du Premier consul, qui ne tarderait d’ailleurs pas à nourrir de nouvelles ambitions pour la péninsule italienne.

Maria-Pia DONATO, « La République romaine de 1798-99.Panorama des études récentes », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, 45 (1998), p.134-140.Albert DUFOURCQ, Le Régime jacobin en Italie.Étude sur la République romaine, Paris, 1900.Gérard PELLETIER, Rome et la Révolution française.La théologie et la politique du Saint Siège devant la Révolution française (1789-1799), Rome, École française de Rome, 2004.

Mehdi KORCHANE, « La proclamation de la République romaine », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/proclamation-republique-romaine

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