Aller au contenu principal
Tranchée de première ligne - Groupe de poilus devant l'entrée d'un abri, Hirtzbach

Tranchée de première ligne - Groupe de poilus devant l'entrée d'un abri, Hirtzbach

Tranchée de première ligne. Observateur à Hirtzbach

Tranchée de première ligne. Observateur à Hirtzbach

Tranchée de première ligne. Poste d'observation à Hirtzbach

Tranchée de première ligne. Poste d'observation à Hirtzbach

Tranchée de première ligne - Groupe de poilus devant l'entrée d'un abri, Hirtzbach

Tranchée de première ligne - Groupe de poilus devant l'entrée d'un abri, Hirtzbach

Date de création : 16 juin 1916

Date représentée : 16 juin 1916

Autochrome

Domaine : Photographies

© Ministère de la Culture / Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN - Grand Palais / Paul Castelnau

http://www.photo.rmn.fr

07-534201 / CA000500

Un regard sur les tranchées

Date de publication : Avril 2009

Auteur : Alexandre SUMPF

L’Alsace pour objectif

La guerre européenne qui semblait à tous inévitable ne devait durer que quelques semaines, le temps de triompher une bonne fois pour toutes de l’ennemi. En accord avec le Plan XVII, les troupes françaises pénètrent dans le Sundgau, région du sud de l’Alsace annexée en 1871 par le Reich allemand. Parvenues le 7 août 1914 à Hirtzbach, où les Allemands cantonnent, elles sont repoussées, et, dès lors, la ligne de front s’établit à quelques centaines de mètres du centre du village. De la mer du Nord à la Suisse, trois armées se font face et commencent à consolider leurs positions en creusant des tranchées. La guerre de mouvement cède le pas à la guerre d’usure : les soldats s’installent dans une longue bataille ininterrompue, rythmée par l’attente et l’observation de l’ennemi plus encore que par les offensives.

Même si c’était le cinéma qui incarnait la véritable nouveauté dans la documentation du réel de la guerre, la photographie a joué un rôle majeur dans la stratégie militaire (repérages) et dans la mobilisation culturelle des soldats du front ou des civils de l’arrière. D’abord versé au Service géographique de l’armée en sa qualité d’universitaire, Paul Castelnau (1880-1944) est ensuite associé à Ferdinand Cuville à la Section photographique des armées, créée en 1915. Là, il couvre pendant deux ans l’ensemble des fronts en France, puis au Proche-Orient en 1918. Il utilise pour ces images le

Les tranchées dans l’objectif

Les quatorze hommes immortalisés par Paul Castelnau devant leur abri offrent un cliché de groupe typique par le rendu de la cohésion collective et l’individuation de chacun des combattants. Ainsi, le photographe a pris soin de placer au centre de la composition les hommes, encadrés par une nature transformée pour les besoins de la guerre ; et au beau milieu d’eux, le seul soldat noir. Ce dernier porte non pas l’uniforme kaki des troupes de marine coloniales, généralisé au printemps 1918, mais l’habit bleu horizon de ses camarades de combat, qui se confond presque avec le bleu pâle du ciel d’été. Le cliché permet aussi d’observer la structure d’une tranchée étroite, qui aboutit ici en cul-de-sac à un abri signalé par sa pancarte et étayé par de grosses poutres. L’été rend pour l’instant inutile le clayonnage du sentier, mais justifie le réseau de planches qui empêchent les mottes sèches de s’ébouler.

Sur la photographie représentant un observateur « en action », les herbes folles croissent malgré les bombardements, et le bois est utilisé pour contenir la terre, friable ou liquide, rempart solide autant que menace d’ensevelissement. Le cliché met cette fois en scène un homme occupé à faire la guerre – à observer l’ennemi, si proche et indélogeable. L’inclinaison de son corps, le regard au loin, la tension de la jambe, indiquent à la fois l’effort de concentration de son attention, la volonté de se porter vers l’avant, la discipline au poste.

Le troisième autochrome dévoile une autre facette de la même bataille silencieuse, en capturant de loin et de dos des soldats plus naturellement sur le qui-vive que le précédent. S’ils ont laissé au repos leur fusil, c’est parce qu’ils ne posent pas mais sont en train de guetter un au-delà de la tranchée que le photographe n’est pas en mesure de saisir. Situé à proximité d’une futaie protectrice dont les racines emmêlées ont gêné le creusement de l’abri, le barrage contre l’ennemi apparaît dans toute son ampleur : les arbres abattus, les barbelés nettement visibles, la tôle ondulée et les sacs de sable entassés. L'assemblage bien agencé de ces éléments et la pose attentiste des personnages suggèrent que le temps s’est figé sur cette partie du front ouest.

Une guerre d’observation

Avec les six clichés qu’il a pris à Hirtzbach, Castelnau a voulu saisir certains des endroits les plus dangereux du front ; un autre autochrome montre même la plaine, envahie par l’herbe et les fils barbelés, qui sert là de no man’s land. Le bois qui apparaît dans toutes ses couleurs sur le troisième autochrome ne sert pas seulement aux jeux de lumière qu’affectionne Castelnau. D’orientation nord-ouest/sud-est, cette forêt protège le second rang de villages quand on pénètre en Alsace par la Franche-Comté.

Les tranchées, véritables symboles de ce conflit, consistent au départ en de simples boyaux ayant la hauteur d’un homme. Puis l’étayage par des madriers de tranchées plus profondes, le creusement de casemates, l’utilisation du béton, l’établissement d’un système hiérarchisé de tranchées au rôle spécifique, les réseaux de barbelés en avant rendent toute percée presque impossible. La représentation traditionnelle de la tranchée est quasiment inséparable de la boue, la pire ennemie du soldat ; mais c’est ici l’été, la boue est redevenue poussière. La mission de Castelnau en France s’est d’ailleurs concentrée pendant les étés 1916 et 1917, afin de bénéficier de l’abondante lumière que nécessite le long processus de l’autochrome. Si les abris des premier et troisième clichés semblent peu profonds et la tranchée peu importante, c’est qu’ils ont été pris en première ligne, au cœur d’une tranchée d’observation, bien moins consolidée que les tranchées de défense situées quelques mètres en arrière.

Le photographe a voulu donner à voir la manière dont les poilus veillent à la défense d’une (maigre) portion de sol national reconquis. Il a fait poser l’escouade à son poste ce jour-là, immortalisant ensemble et sans hiérarchie visible les « copains », regard direct vers l’objectif. Il a aussi photographié une action de guerre (la garde) et fait mimer l’effort de guet. Cette guerre peu spectaculaire était le quotidien, parfois paisible, souvent inquiet, quelquefois mortel des postes d’observation en première ligne. Mais les couleurs rassurantes de l’été, les sourires figés par la durée de pose de la technique autochrome, le calme surprenant, minent l’effort d’authenticité de clichés de propagande se faisant passer pour de l’information documentaire.

Jean-Jacques BECKER, La Première Guerre mondiale, Paris, Belin, 2008 (rééd.).

Rémy CAZALS, Dans les tranchées de 14-18, Pau, Cairn, 2008.

Laurent GERVEREAU et alii, Montre la guerre ? Information ou propagande, Paris, CNDP, 2006.

Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.

Alexandre SUMPF, « Un regard sur les tranchées », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/regard-tranchees

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le culte de Pétain

Le culte de Pétain

Omniprésence du sauveur

Entre juillet 1940 et août 1944, un très vieil officier de la Première Guerre mondiale a dirigé ce qui restait de la…

Le culte de Pétain
Le culte de Pétain
Le culte de Pétain
Le Long règne de François-Joseph I<sup>er</sup>,  dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie

Le Long règne de François-Joseph Ier, dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie

Soixante-huit ans de règne, du Printemps des peuples à la Grande Guerre

Né en 1830, couronné en 1848, mort en 1916, François-Joseph Ier…

Le Long règne de François-Joseph I<sup>er</sup>,  dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie
Le Long règne de François-Joseph I<sup>er</sup>,  dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie
Le Long règne de François-Joseph I<sup>er</sup>,  dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie
Verdun

Verdun

La guerre de 1914-1918 a fortement marqué les peintres comme la grande majorité des artistes et intellectuels de l’époque. Qu’ils soient mobilisés…

Effort de guerre et union sacrée

Effort de guerre et union sacrée

La Grande Guerre à l’école

En 1914, à plus de 55 ans, le graphiste et designer Victor Prouvé (1858-1943) est trop âgé pour s’engager dans l’armée…

Effort de guerre et union sacrée
Effort de guerre et union sacrée
Effort de guerre et union sacrée
Images de l'Allemand

Images de l'Allemand

Entre 1914 et 1918, l’usage intensif d’images représentant la « cruauté de l’ennemi » sous diverses formes (dans les livres, les journaux, les…

Images de l'Allemand
Images de l'Allemand
Images de l'Allemand
Le Général Marchand

Le Général Marchand

De la « Mission Congo-Nil » à la Grande Guerre

La politique française d’expansion impérialiste en Afrique noire, engagée dès le second Empire, s’…

Le Général Marchand
Le Général Marchand
Les victimes civiles de la guerre de 1914-1918

Les victimes civiles de la guerre de 1914-1918

Le viol des femmes françaises par les soldats allemands semble avoir été, dès les premières semaines de la guerre de 1914-1918, un acte très…

Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre

Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre

Les signataires des traités, mandataires de puissances à bout de souffle

A l’issue de la Première Guerre mondiale, les pertes humaines immenses et…

Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre
Novembre 1918 : mettre un terme à la guerre
Le baiser de l’Alsacienne

Le baiser de l’Alsacienne

Durant la Première Guerre mondiale, le calendrier des Postes propose quelques scènes militaires présentant les troupes au repos (Le Repas aux…

I Want You for U.S. Army

I Want You for U.S. Army

1917, tournant de la Grande Guerre

Paru en juillet 1916, le dessin I Want You for U.S. Army est recyclé en affiche et largement diffusé pendant…