Aller au contenu principal
Le Courage guerrier

Le Courage guerrier

Invasions barbares

Invasions barbares

Brennus et sa part de butin

Brennus et sa part de butin

Le Courage guerrier

Le Courage guerrier

Date de création : 1830-1832

Date représentée :

H. : 265,5 cm

L. : 147,5 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot / Christian Jean

Lien vers l'image

MV 9088 - 06-522172

Regards sur les guerriers gaulois

Date de publication : Janvier 2010

Auteur : Alexandre SUMPF

À l’origine étaient les Gaulois

Jusque dans les années 1820, l’histoire de France se fonde sur celle des princes dont les historiens dressent les portraits « psychologiques » (Clovis, Childéric). Cette tradition est rejetée par la génération de 1830 (François Guizot, Amédée Thierry), qui initie la vision de l’histoire nationale comme définition d’une identité commune. En dépit des connaissances encore minces sur les Gaulois, ils élargissent la quête de l’origine du peuple français à travers tout le siècle, depuis la première Histoire des Gaulois d’Amédée Thierry (1828) à l’Histoire de la Gaule de Camille Jullian (1926). Pour se familiariser et s’approprier les Gaulois, les Français se fondent successivement sur la conception romantique du « peuple », sur la conscience croissante d’un patrimoine national née avec la notion de monuments historiques, puis sur l’élaboration d’une vulgate historique qui sert la cause de l’unité et de l’indivisibilité de la France républicaine. Les œuvres choisies correspondent à autant de moments de cette construction identitaire.

Combattant farouche ou barbare sans pitié ?

Pour illustrer le thème de sa toile Le Courage guerrier, François Pascal Simon Gérard (1770-1837) aurait pu choisir maints exemples dans l’histoire nationale. Il choisit comme allégorie un Gaulois, c’est-à-dire ni un stratège ni un vainqueur, à peine un héros. En écho à ceux qui tentèrent de forcer le double encerclement des armées romaines à Alésia, sa composition aux teintes nocturnes est centrée sur un guerrier isolé qui, cheveux roux au vent, présente sa poitrine nue et blanche à plusieurs ennemis retranchés, invisibles et lourdement armés de lances. Son attitude de défi typiquement romantique inscrit dans la toile une verticale dynamique sur laquelle semblent se heurter les horizontales tracées par les piques ennemies.

L’aquarelle de Théodore Chassériau (1819-1856), de petit format, met en scène dans un réel entassement la lutte inéquitable entre un guerrier à cheval et des civils livrés au meurtre, au pillage et au viol. Monté sur un cheval cabré pour franchir un mur de cadavres, le Gaulois s’apprête à frapper de sa hache brandie en l’air le dernier homme debout, qui l’affronte à mains nues ; dans l’autre diagonale, une femme tente de retenir la captive qu’il enlève et traîne ligotée à la croupe de sa monture. Ce trophée vivant et dénudé va de pair avec un trophée mort, une tête d’homme séparée de son corps. Les précieux drapés des vêtements des victimes et la tunique immaculée du guerrier tranchent avec l’arrière-plan crépusculaire, où s’exerce aussi l’impitoyable barbarie gauloise.

Comparé aux toiles de Cézanne accrochées aux cimaises voisines lors du Salon de 1893, le tableau de Paul-Joseph Jamin (1853-1903) est un monument de classicisme : une touche très lisse, des contrastes élaborés entre l’or omniprésent, les peaux blanches des personnages féminins et les couleurs des fresques et des vêtements. Exploitant une veine orientaliste, le peintre livre une composition à la fois surchargée de détails précieux et rigoureuse, où le monde extérieur, réduit à un guerrier à l’air gourmand et sûr de lui, contraste avec l’intérieur féminin raffiné où sa présence jette l’effroi. Solidement campé sur le seuil maculé de sang, Brennus apparaît d’autant plus terrifiant que Jamin a poussé à son comble l’érotisme des jeunes Romaines promises au viol et dont deux ont les mains liées. En bas à gauche, à côté du coffre, on remarque deux têtes coupées.

Un lent et sinueux changement de regard

Amédée Thierry a durablement fixé l’apparence du Gaulois dans les représentations, pourtant sévèrement critiquée par les archéologues à partir des années 1860. François Gérard, élève de David, a peint tout ce que l’Empire comptait de personnages importants et excellait dans la peinture historique. Commande officielle, sa toile Le Courage guerrier devait initialement être accrochée au Louvre avec Le Génie, La Générosité et La Constance – vertus cardinales du peuple français – en complément de l’hommage à la lignée royale des Bourbons figurée par Henri IV et Charles X. Après les Trois Glorieuses (1830), le nouveau roi Louis-Philippe confirme la commande et en fait don à Versailles. L’ensemble trouve place dans la salle du Sacre… salle bonapartiste avec les deux immenses tableaux de David : Le Sacre de Napoléon, le 2 décembre 1804 et Le Serment fait à l’Empereur par l’armée après la distribution des aigles, le 5 décembre 1804. Une forme de continuité se trouve ainsi tracée d’un régime à l’autre ; le Gaulois incarne alors surtout combativité, résistance et intrépidité.

Avec le tableau de Chassériau, lecteur revendiqué de César à une époque où le thème fait florès en peinture, c’est la face sombre du « Gaulois » qui se trouve dénoncée – même si les erreurs de représentation (hache, sandales) invalident la scène sur le plan documentaire et témoignent des confusions de ce milieu de siècle. Cependant, la vaillance et la maîtrise des armes ou de l’art de la cavalerie s’inscrivent bien au crédit des Gaulois, que Chassériau a magnifiquement brossés, sans braies ni nattes d’ailleurs, dans La Défense des Gaules (1855), l’œuvre la plus ambitieuse de la fin de sa carrière. Dans son Essai sur la formation et les progrès du Tiers-état (1856), Augustin Thierry fait naître la France avec la Gaule et théorise l’identité entre la France, le tiers-état et les Gaulois ; il estime que la noblesse franque est une « race » qui a conquis le tiers-état gaulois. Les Germains remplacent ainsi les Romains en tant qu’ennemis « héréditaires ».

Le Brennus de Jamin tire son nom du celte « brenn », le chef ; à la tête d’une petite troupe aguerrie, il a traversé les Alpes et pris Rome en 390 avant Jésus-Christ. Recevant le butin de 1 000 livres d’or, il aurait prononcé le fameux « Vae victis » : malheur aux vaincus ! Après les incursions républicaine (1796-1797) et impériale (1849) en Italie et la défaite face à la Prusse (1870), cet épisode vient rappeler l’ancienneté de la valeur militaire des Français. En revanche, si Brennus, figure de conquérant, a longtemps été préféré à Vercingétorix, le vaincu glorieux, ce n’est plus le cas en cette fin de XIXe siècle. Mais la France connaît aussi une forte poussée de sentiment patriotique due au double conflit avec l’Allemagne : on oppose désormais systématiquement les Germains aux Gaulois, sans que les savants parviennent à bien situer dans le récit national ce peuple celte écrasé par le poids de la culture gréco-romaine, acteur d’un âge du fer souvent confondu avec les âges de la préhistoire tardive.

Jean-Louis BRUNAUX, Nos ancêtres les Gaulois, Paris, Le Seuil, coll. « L’Univers Historique », 2008.

Christine PELTRE, Théodore Chassériau, Paris, Gallimard, 2002.

Kristof POMIAN, « Gaulois et Francs », in Pierre Nora (éd.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1992.

Alexandre SUMPF, « Regards sur les guerriers gaulois », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/regards-guerriers-gaulois

Anonyme (non vérifié)

Merci beaucoup pour ce site très intérressant, et surtout, merci pour les sources précises des images. (notemment aquarelles !)

mer 05/02/2014 - 16:29 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Verdun

Verdun

La guerre de 1914-1918 a fortement marqué les peintres comme la grande majorité des artistes et intellectuels de l’époque. Qu’ils soient mobilisés…

Un ex-voto pacifiste

Un ex-voto pacifiste

Rappelant par sa composition les représentations d’apparitions miraculeuses de la Vierge, le tableau de Jules Roméo est en fait un ex-voto tout à…

Louis-Philippe inaugure la galerie des Batailles

Louis-Philippe inaugure la galerie des Batailles

Après le mariage du prince royal, le duc d’Orléans, Louis-Philippe inaugure solennellement le musée de Versailles en 1837. Dès 1833, influencé par…

La bataille  navale du  "Kearsarge" et de l'"Alabama"

La bataille navale du "Kearsarge" et de l'"Alabama"

Un écho de la Guerre civile états-unienne au large des côtes françaises

Au printemps 1864, la France du Second Empire a le regard dirigé sur les…

La bataille de Valmy

La bataille de Valmy

La bataille de Valmy fut remportée le 20 septembre 1792 par l’armée française commandée par Dumouriez et Kellermann sur l’armée coalisée commandée…

La prise d'Alger

La prise d'Alger

Les débuts de la conquête de l’Algérie

Depuis longtemps la France, comme les autres puissances européennes, avait eu à souffrir du gouvernement…

La bataille de Solférino (24 juin 1859)

La bataille de Solférino (24 juin 1859)

Après les révolutions de 1848, l’Italie a retrouvé le régime de 1815 : d’un côté des petites souverainetés despotiques sans aucun lien confédéral…

La bataille de Solférino (24 juin 1859)
La bataille de Solférino (24 juin 1859)
La bataille d'Austerlitz

La bataille d'Austerlitz

Chef-d’œuvre de stratégie militaire, la bataille d’Austerlitz, dite aussi « des Trois empereurs » (Napoléon, Alexandre Ier de Russie et François…

Prise de la smalah d'Abd-el-Kader

Prise de la smalah d'Abd-el-Kader

L’émir Abd el-Kader avait été l’âme de la résistance à la colonisation française de l’Algérie, dont la conquête avait été entreprise en 1830. D’…

Le siège de Lille (septembre-octobre 1792)

Le siège de Lille (septembre-octobre 1792)

Le 20 avril 1792, sur la proposition du roi Louis XVI, l’Assemblée législative déclare la guerre à l’empereur d’Autriche et engage ainsi la France…