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Scène de Robert le diable.

Scène de Robert le diable.

Louis Gueymard dans le rôle de Robert le Diable.

Louis Gueymard dans le rôle de Robert le Diable.

Scène de Robert le diable.

Scène de Robert le diable.

Date de création : 1835

Date représentée :

H. : 24 cm

L. : 32 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot

http://www.photo.rmn.fr

76-000304

Robert le Diable, un héros emblématique

Date de publication : Juin 2009

Auteur : Catherine LEBOULEUX

Le théâtre au XIXe siècle, une pratique culturelle et sociale

Le monde du théâtre n’a cessé, tout au long du XIXe siècle, d’inspirer peintres, photographes, écrivains. La stricte réglementation et la censure attentive auxquelles il est soumis n’empêchent pas la prolifération des nouvelles scènes et des nouveaux genres. Le théâtre est alors la distraction collective par excellence. La presse, avec ses rubriques musicales, se fait l’écho d’un succès qui, bien que fluctuant, alimente les feuilletons de plumes prestigieuses telles celles de Gautier ou de Berlioz. De même, les créations remarquables et les artistes les plus éminents fournissent de nombreux sujets aux différents modes d’illustration : peinture, gravure et, plus tard, photographie. Parmi ces créations marquantes, Robert le Diable, de Meyerbeer, sur un livret de Scribe et Delavigne, inaugure en 1831 le genre du grand opéra, qui traversera tout le siècle. Robert, fils de Satan et d’une mortelle, cherche par tous les moyens à échapper à son père, qui voudrait le tenter et obtenir sa perte. Il se rend alors en Sicile où il s’éprend d’Isabelle.

Regard et fonction du peintre vis-à-vis du spectacle et de l’interprète


Les deux représentations de Robert le Diable qu’offrent Lépaulle et Courbet sont significatives des évolutions culturelle, sociale, voire politique, qui sont intervenues durant la vingtaine d’années qui séparent ces deux œuvres. La toile de François Gabriel Lépaulle, ébauche du tableau traitant du même sujet et conservé à la bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris, date de 1835, alors que l’ouvrage de Meyerbeer, Scribe et Delavigne assure à l’Académie royale de musique des recettes qui feront la fortune du docteur Véron, le directeur de l’Opéra. Il met en scène les trois principaux protagonistes du drame : Robert, chevalier normand, Alice, sa sœur de lait, et Bertram, père de Robert et véritable « diable » de l’ouvrage. Il les représente dans le fameux trio du cinquième acte au cours duquel Robert se sent déchiré entre son père, qui veut l’entraîner définitivement en enfer, et Alice, qui souhaite son salut.

Courbet peint quant à lui en 1857 Louis Gueymard, titulaire du rôle dès ses débuts à l’Opéra en 1848, alors qu’il chante l’air du premier acte « L’or est une chimère ». Dans cette œuvre, il met l’accent sur le personnage, l’individualisant aussi fortement dans la composition que dans le traitement du dessin même : alors que les figures de l’arrière-plan semblent se fondre avec le décor, Louis Gueymard en Robert se détache avec réalisme. Dans ce portrait, Courbet adopte la mode qu’imposent depuis peu les photographes qui fixent les artistes en situation et en costume.

Le grand opéra, un produit culturel, un genre en adéquation avec une époque et un public


Lépaulle est un peintre dont l’activité coïncidera essentiellement avec la monarchie de Juillet. Passionné d’opéra, il signe des costumes pour la création de Robert le Diable en 1831. Alors que le tableau final, peint pour la tombola des bals de l’Opéra, présente des personnages d’une grande raideur, son ébauche met en évidence un combat acharné entre le bien et le mal : tenant Robert à bras le corps pour l’entraîner de force, Bertram lance un regard haineux à Alice qui pointe le doigt au ciel et lui rappelle les derniers volontés de sa mère « dont [la] tendresse assidue veille sur [lui] du haut des cieux ». Robert, les yeux au ciel, semble implorer son aide.

Courbet quant à lui fait un portrait qui se rapproche délibérément des photographies alors en vogue : il représente l’artiste, le divo, interprétant un grand rôle, un rôle dont il est titulaire. Au-delà du portrait réaliste qu’il fait d’un ami, auquel il se lie dans les années 1850, il figure le personnage de Robert dans toute son humanité, jouant aux dés, attiré par les plaisirs, le jeu, l’argent. L’enfer (Bertram est représenté mais à l’écart, comme faisant partie intégrante du décor) est relégué au second plan.

Avec son savant dosage de romanesque, de sentiments amoureux, d’éléments religieux ou politiques dépeints sur une toile de fond historique, le grand opéra garde en 1857, date du portrait de Courbet, toute son efficacité de produit culturel en adéquation avec un public et conçu pour le plus grand nombre. Dans les premières années du second Empire, le peintre manifeste à sa manière que le monde de l’art lyrique de l’art lyrique est animé par le culte des grands interprètes.

Les deux œuvres enregistrent aussi l’évolution de l’art pictural : si Lépaulle est encore dans la mouvance du romantisme, Courbet est le chef de file du réalisme depuis son exposition personnelle de 1855.

Gustave Courbet, catalogue de l’exposition aux Galeries nationales du Grand Palais, Grand Palais, 13 octobre 2007 - 28 janvier 2008, Paris, Réunion des musées nationaux, 2007.Robert FERNIER, La vie et l’œuvre de Gustave Courbet, catalogue raisonné, Tome1, Bibliothèque des arts, Lausanne, Paris 1978.Martine KAHANE, Robert le Diable, Bibliothèque nationale, Paris, 1985.Robert le Diable, Avant Scène Opéra, n°76, Paris, 1985.

Catherine LEBOULEUX, « Robert le Diable, un héros emblématique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/robert-diable-heros-emblematique

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