Soldats sénégalais au camp de Mailly
Auteur : VALLOTTON Félix
Lieu de conservation : musée départemental de l’Oise (Beauvais)
site web
Date de création : 1917
Date représentée : Juin 1917
H. : 46 cm
L. : 55 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn (musée départemental de l'Oise) / René-Gabriel Ojeda
91.18 - 11-527211
Les tirailleurs sénégalais dans la guerre de 1914-1918
Date de publication : Octobre 2013
Auteur : Sophie DELAPORTE
Cette peinture de Félix Vallotton est datée de juin 1917, quelques semaines à peine après les offensives d’avril-mai sur le front de l’Aisne et de Champagne. C’est aussi la période la plus intense des mutineries au sein de l’armée française.
Les soldats peints – soldats sénégalais du camp de Mailly – sont au repos. Assis entre des baraquements de planches, ils s’inscrivent au milieu d’un décor paisible que le ciel bleu accentue. L’harmonie des couleurs révèle le style nabi, très coloré, avec notamment les chéchias bleues et rouges caractéristiques des troupes sénégalaises. On la retrouve encore dans le contraste très marqué des soldats à peau noire « posés » en quelque sorte sur un fond très clair. La toile laisse apparaître une certaine désolation dont témoignent les lignes, les visages à l’air absent – ou triste peut-être – et la distance du plan.
Vallotton cherche ici à pousser les contrastes à l’extrême, à provoquer un choc afin de rendre l’ensemble plus expressif. « La guerre est un phénomène strictement intérieur, sensible au-dedans, et dont toutes les manifestations apparentes, quel qu’en puisse être le grandiose ou l’horreur, sont et restent épisodes pittoresques ou document », écrit le peintre dans son journal.
En novembre 1916, le sous-secrétariat aux Beaux-Arts, le ministère de la Guerre et le grand quartier général s’accordent pour autoriser quelques peintres à se rendre sur le front afin d’y entreprendre des tableaux d’histoire de la guerre. Vallotton appartient à la mission. Son âge le dispense en effet de la mobilisation. Sa réputation, comme celle des anciens nabis tels que Bonnard, Denis, Vuillard qui l’accompagnent, est déjà faite. Ce qui contribue à rassurer les autorités.
Vallotton accomplit sa mission artistique en juin 1917 sur le front de Champagne et d’Argonne. Il revient trois semaines plus tard , avec son journal et un carnet de croquis dont il tire une douzaine de toiles. Ces peintures ont été réunies pour l’exposition « Peintres aux armées » qui s’est tenue au musée du Luxembourg en octobre 1917. L’accueil très discret qu’en a fait la presse révèle être un malaise.
En rentrant de sa mission, Vallotton était en fait convaincu de l’impossibilité de représenter la guerre. Le combat moderne est devenu invisible, l’artiste n’a plus rien à voir ni à peindre. Il ne lui reste plus qu’à laisser la place au photographe ou à l’opérateur de cinéma, dont les moyens s’accordent mieux avec les nouvelles méthodes de guerre. « Un art sans représentation d’objet est-il possible ? », écrivait Vallotton. Il ne parvient pas à rendre compte de l’action, du combat, de la bataille, de la destruction et de l’horreur.
Le tableau témoigne finalement de l’incapacité du peintre à représenter ce qu’est devenue la guerre. En effet, il ne montre aucune scène d’action, mais plutôt « les endroits où se sont passées les choses », comme il l’écrit à son frère. En servant ici de prétexte, la guerre fournit un cadre à des œuvres dont l’intérêt artistique réside finalement ailleurs.
Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.
Marina DUCREY, Félix Vallotton, histoire d’une œuvre, Paris, Éditions De Conti, 1990.
Sophie DELAPORTE, « Les tirailleurs sénégalais dans la guerre de 1914-1918 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/tirailleurs-senegalais-guerre-1914-1918
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