Aller au contenu principal
Le Vaguemestre

Le Vaguemestre

Le Rêve du poilu

Le Rêve du poilu

La Manille

La Manille

Le Vaguemestre

Le Vaguemestre

Date de création : 1915

Date représentée : 1915

H. : 49,9 cm

L. : 65,1 cm

Lithographie

Domaine : Estampes-Gravures

© Historial de la Grande Guerre - Péronne (Somme) - Photo Yazid Medmoun

http://www.historial.org/fr/renseign/doc.htm

184

La Vie quotidienne dans les tranchées

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Sophie DELAPORTE

Par sa durée et sa violence, la Grande Guerre a constitué une expérience sans précédent historique pour les huit millions de Français mobilisés entre 1914 et 1918.

La guerre de tranchée est enfouissement dans la terre et défense de celle-ci pied à pied. La vie de tous les jours est le sujet le plus souvent abordé par les soldats dans leurs écrits et les représentations du moment. Ces quelques aspects du quotidien des combattants des tranchées permettent d’aider à comprendre certains des éléments qui ont pu contribuer au consentement de ces millions d’hommes à ce qui leur a été imposé.

Ces trois représentations révèlent quelques aspects de la vie quotidienne dans les tranchées. Le combat, le danger, la peur constituent une expérience discontinue dans la vie des combattants des tranchées. La vie y est faite d’abord et tout simplement d’oisiveté, d’ennui, de longues journées vides et inoccupées.

La lithographie intitulée La Manille montre quatre soldats dans une tranchée. L’un d’eux se tient debout, adossé au parapet. Les trois autres sont réunis autour d’une petite table improvisée, sur laquelle se déroule la partie de cartes. Si une accalmie dans les combats autorise une manille, les conditions du jeu restent précaires. Est-ce pour cette raison qu’un des participants reste debout, prêt à accomplir sa tâche ?

La scène décrite dans Le Vaguemestre se déroule au milieu d’une tranchée étroite. Au premier plan, un soldat assis, baïonnette sur les genoux et la crosse de son fusil posée au sol, lit une lettre. Un officier coiffé de son képi est installé à ses côtés, plongé dans une lecture attentive de son courrier à peine distribué. Le vaguemestre, debout, trie dans sa sacoche le courrier prêt à la distribution. Face à lui, un périscope et le fusil abandonnés par le guetteur placé dans un créneau qui fait face à la tranchée ennemie. À l’arrière-plan, des combattants attendent l’appel de leur nom et la remise d’un courrier ou d’un colis.

Autre souci de la vie quotidienne : la femme, qui se trouve au confluent des aspirations combattantes. Le Rêve du poilu montre une jeune femme assise, le visage levé au ciel, les coudes posés sur les genoux. Près d’elle, un soldat pose sur elle un regard bienveillant. L’image met en relief l’affectivité bien plus que la sensualité. L’absence de femmes soulève de graves frustrations parmi les combattants, frustrations aussi bien physiques que sexuelles, que tente de représenter de manière quasi allégorique la lithographie de Blottière.

Les quelques hommes groupés autour de leur partie de cartes suggèrent l’importance prise par les groupes primaires combattants, petits noyaux d’hommes qui constituent le tissu des armées de la Grande Guerre. Parmi eux se rétablissent des normes du temps de paix : partage de la nourriture et de la boisson, musique, jeu. Ainsi l’anomie de la guerre n’est-elle jamais totale, même en première ligne.

Les envois entre le front et l’arrière jouent un rôle comparable. Pour les soldats, les permissions, les colis, les lettres (en moyenne une par jour et par combattant en période d’accalmie !) contribuent à entretenir un lien très étroit avec ceux qu’ils ont laissés à l’arrière. Une sorte de dialogue ininterrompu s’instaure, d’ordre affectif mais aussi matériel et même professionnel. Les combattants demeurent donc des civils en uniforme. En ce sens, le pacte épistolaire s’inscrit comme un rituel d’interaction entre communauté civile et communauté combattante. Les lettres représentent des objets quasi magiques, instruments de voyage dans le temps et dans l’espace qui abolissent en partie le sentiment d’oppression lié au moment présent. Si dans les secteurs de première ligne l’activité scripturale se restreint, une fois quittée la ligne de feu, la rédaction des lettres reprend. La correspondance témoigne de la régularité, de la qualité et de la force des liens entre l’arrière et le front. Elle constitue également une passerelle lancée entre civils et soldats, entre la vie et la mort, entre passé, présent et avenir, une garantie contre la souffrance quotidienne et l’angoisse de l’éloignement et de l’oubli. L’évocation écrite du quotidien servait aussi d’exutoire aux soldats, de substitut à l’expression de l’indicible. Écrire aidait aussi à reconquérir une dignité perdue dans les tranchées.

L’arrière fascine les soldats isolés au fond de leurs tranchées, dans la pensée desquels la femme et la famille occupent une place considérable. La femme symbolise à la fois la paix, la vie d’avant la guerre, la liberté, les moments de douceur et de beauté dans la laideur de l’existence quotidienne, elle est le principe de la vie elle-même. Son absence prolongée se trouve compensée par les photographies qui circulent en abondance dans les tranchées, témoignage de la frustration sexuelle d’une communauté d’hommes en situation d’abstinence forcée.

Au total, ce qui frappe, c’est la solidité des liens entre ces deux mondes du début jusqu’à la fin du conflit. L’insularité combattante est un mythe : en effet, les combattants ne furent jamais exclus d’une communauté nationale restée unie en profondeur.

Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.

Stéphane AUDOUIN-ROUZEAU, 14-18, les combattants des tranchées, Paris, Armand Colin, 1986.

Stéphane AUDOUIN-ROUZEAU, Combattre, Amiens, CRDP, Historial de la Grande Guerre, 1995.

Sophie DELAPORTE, « La Vie quotidienne dans les tranchées », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/vie-quotidienne-tranchees

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le baiser de l’Alsacienne

Le baiser de l’Alsacienne

Durant la Première Guerre mondiale, le calendrier des Postes propose quelques scènes militaires présentant les troupes au repos (Le Repas aux…

La Galerie des Glaces transformée en ambulance

La Galerie des Glaces transformée en ambulance

L’effondrement du Second Empire en 1870 suite aux victoires de l’armée allemande s’accompagna d’une avance rapide de l’ennemi jusqu’à Paris,…

Le traité de Versailles

Le traité de Versailles

La signature du traité de paix de Versailles intervient quelques mois après l’armistice du 11 novembre 1918. Mais l’armistice ne signifie pas la…

Le traité de Versailles
Le traité de Versailles
Le traité de Versailles
Le traité de Versailles
Combats de Quiberon

Combats de Quiberon

Le 27 juin 1795 en baie de Quiberon, la flotte britannique débarque sur la plage de Carnac plus de quatre mille émigrés et quelques centaines de…

Philippe Pétain, Maréchal de France

Philippe Pétain, Maréchal de France

Pétain est promu général en août 1914 – il a alors 58 ans. En février 1916, il prend la direction du secteur défensif de Verdun et parvient à…

Une vision sociale de l'armée

Une vision sociale de l'armée

La pauvreté et la malnutrition dans la France de la IIIe République

Dans la société française du XIXe siècle, les inégalités sont encore criantes…

Les Troupes coloniales françaises

Les Troupes coloniales françaises

En 1914-1918, les opérations militaires n’ont pas été très importantes en Afrique. En revanche, les soldats originaires des colonies ont joué un…

1870 : de la défaite au désir de revanche

1870 : de la défaite au désir de revanche

Les défaites françaises de 1870

La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Durant les semaines suivantes, l’armée française…

1870 : de la défaite au désir de revanche
1870 : de la défaite au désir de revanche
La guerre de Vendée vue par la III<sup>e</sup> République

La guerre de Vendée vue par la IIIe République

La chouannerie

La chouannerie, opposition armée des paysans de l’Ouest de la France aux assemblées révolutionnaires, est un thème de prédilection…

La bataille de Reichshoffen, 6 août 1870

La bataille de Reichshoffen, 6 août 1870

Dès le début de la guerre franco-prussienne, en août 1870, les armées françaises subirent de graves revers en Alsace. Ayant dû évacuer Wissembourg…