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Louis XVI avait mis le Bonnet rouge [...]

Louis XVI avait mis le Bonnet rouge [...]

Horloge de crédit.

Horloge de crédit.

Louis XVI avait mis le Bonnet rouge [...]

Louis XVI avait mis le Bonnet rouge [...]

Date de création : Vers 1792

Date représentée : 20 juin 1792

H. : 29,2 cm

L. : 21,2 cm

Editeur : Villeneuve.

Aquatinte coloriée.

Domaine : Estampes-Gravures

© CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet

Lien vers l'image

G.13029

Le vin symbole de la Nation

Date de publication : Novembre 2009

Auteur : Alban SUMPF

La journée du 20 juin 1792

Le 17 juin 1789, le Tiers État se proclame Assemblée nationale. Le 9 juillet, Louis XVI est contraint à la proclamation de l’Assemblée constituante et, le 17 juillet, il doit adopter la cocarde tricolore, symbole de la nouvelle France. La Constitution, approuvée par le roi le 13 septembre 1791, transfère la souveraineté du roi à la « Nation » et organise une monarchie constitutionnelle fondée sur la séparation des pouvoirs et dans laquelle Louis XVI détient le pouvoir exécutif, qui lui garantit un droit de veto et l’autorise notamment à nommer ou à renvoyer des ministres. C’est l’utilisation de cette dernière prérogative par le roi le 13 juin 1792 (renvoi de trois ministres girondins) qui va provoquer la journée du 20 juin 1792. Le jour anniversaire du serment du Jeu de paume est organisée une manifestation à la suite de laquelle le peuple envahit les Tuileries et réclame le retour des ministres limogés, ainsi que l’adoption de plusieurs décrets (sur l’appel des fédérés et les prêtres réfractaires notamment) auxquels le roi avait opposé son veto. Pressé par la foule, le roi est contraint de coiffer le bonnet phrygien rouge orné de la cocarde tricolore et de boire à la santé de la nation. Humilié, il ne cède pas et refuse de rappeler les ministres ou de retirer son veto. Le palais est finalement évacué.

L’utilisation symbolique de la représentation du vin

La première image, Louis XVI avoit mis le Bonnet rouge; journée du 20 juin 1792, est une estampe réalisée par Villeneuve, auteur de nombreuses gravures et représentations historiques qui figurent de grands moments de la période révolutionnaire et qui, comme cette estampe, ont connu une large diffusion. Elle représente le roi debout, coiffé du bonnet phrygien orné de la cocarde tricolore, buvant à la bouteille les paroles « Vive la Nation », disposées de manière à figurer un liquide. Le regard du monarque, dirigé droit vers le spectateur, est un peu perdu, triste et mélancolique. L’estampe est accompagnée d’un texte :

« Louis XVI avoit mis le Bonnet rouge, il avait crié vive la nation, il avoit bu à la santé des sans-culotte, il avait affecté le plus grand calme, il avoit dit hautement qu’il ne craindroit jamais, que jamais il n’auroit à craindre au milieu du peuple ; enfin il avoit semblé prendre une part personnelle à l’insurrection du 20 juin. Eh bien ! ce même Louis XVI a bravement attendu que ses concitoyens fussent rentrés dans leurs foyers pour leur faire une guerre occulte et exercer sa vengeance. »

La seconde image, Horloge de crédit, datant de la période 1835-1840, était destinée à être affichée dans les cabarets. Le patron y désigne une « horloge de crédit » au-dessus de laquelle court le texte « quand le coq chantera, crédit on fera ». L’établissement étant fermé au chant du coq, l’image a donc pour but de signifier aux clients que la maison ne fait pas crédit. Autour d’une table dressée dehors entre deux arbres, des Français de toutes conditions et de toutes fonctions, symbolisées par leurs vêtements, trinquent et boivent du vin rouge (une bouteille sur la table, un panier de bouteilles vides posé sur le sol, une bouteille renversée par terre). Des militaires de corps et de grades différents, deux hommes du peuple, un homme plus aisé et uu homme d'apparence cultivée avec chapeau et lunettes composent cette assemblée où les couleurs bleu, blanc et rouge dominent (vêtements, coq, vin). Au second plan, on aperçoit un village et son clocher. Sur les côtés, deux légendes disposées de manière inversée : « A l’union des français [sic] » et « A l’union des peuples ». En bas, « Buvons au bonheur de la France ».

Le vin, signe et symbole de la Nation Française

Les deux représentations, quoique très différentes dans leur époque et leur fonction, se servent du vin pour signifier la France, révélant (et contribuant à affirmer) la place de la boisson dans l’imaginaire national.

Dans Louis XVI avoit mis le Bonnet rouge; journée du 20 juin 1792, le vin qui sort de la bouteille « parle » de cette nation. Mieux : il s’y identifie. Si les insurgés du 20 juin ont voulu faire boire le roi, c’est aussi pour lui donner, de force, la position d’un citoyen comme les autres. Boire le vin de la nation est comme un rituel civique, qui fait appartenir à celle-ci. Ainsi, la conscience collective d’appartenir à une même communauté, qui définit justement depuis la Révolution française l’idée moderne de nation, peut-elle se « lire » dans le vin. Issu de la France et du peuple, le vin est l’un des vecteurs et des signes de cette communauté d’appartenance ainsi que de l’unité de la nation.

De manière plus diffuse, Horloge de crédit fait aussi du vin non plus l’unique, mais l’un des symboles de la nation (avec le coq, les trois couleurs et le clocher). Les hommes réunis ici constituent une réelle « Assemblée nationale » : ils représentent les divers « peuples » de France, qui se fondent dans l’unité à la fois figurée et réalisée par la réunion autour du vin. Là encore, la boisson agit comme un talisman unificateur, qui reconduit tacitement et au quotidien le serment national : autour du vin, on trinque toujours au moins implicitement à la France et, c’est tout un, à l’union des Français.

François FURET et Mona OZOUF (dir.), Dictionnaire critique de la révolution française, Paris, Flammarion, 1988.

Gilbert GARRIER, Histoire sociale et culturelle du vin, Paris, Bordas Cultures, 1995.

Michel VOVELLE, La Chute de la monarchie, tome 1 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Paris, Seuil, 1972.

Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.

Alban SUMPF, « Le vin symbole de la Nation », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/vin-symbole-nation

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