Aller au contenu principal
Aujourd'hui.

Aujourd'hui.

Date de création : 1894

Date représentée :

Lithographie couleur reproduite dans Le Chambard socialiste illustré n° 15 du 24 mars 1894, puis dans Jean Jaurès, l'époque et l'Histoire, Ed. Centre national et musée Jean-Jaurès, 1994 (rééd. 2000), p. 37

Domaine : Estampes-Gravures

© Musée Jean Jaurès

Vision de la servitude paysanne

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Alain BOSCUS

A la fin du XIXe siècle, la France demeure un pays largement rural. Les crises successives de l’agriculture ont certes contribué à dépeupler les terroirs les plus reculés et les moins riches, mais le nombre des paysans dépasse encore celui des ouvriers.

Cependant, l’imbrication des statuts sociaux, la diversité des régions, l’inégale intégration au nouvel espace républicain et national, expliquent l’hétérogénéité de ce groupe social que l’idéologie agrarienne fait tout pour unifier. Bien que la presse insiste sur l’image officielle d’une France de petits propriétaires en faire-valoir direct, plus de 40 % de la surface agricole sont encore soumis au métayage et au fermage, tandis que le nombre des journaliers et domestiques de ferme pèse toujours d’un poids considérable (3 millions en 1892).

Dans une région de grandes propriétés agricoles et d’openfield, une famille de paysans pauvres travaille sous l’œil du maître. La tâche est rude, car la charrue est des plus rudimentaires et que les moyens mis à la disposition de ces travailleurs semblent ne pas avoir évolué depuis des siècles : Steinlen a représenté un couple littéralement sous le joug, là même où chacun s’attend à voir une paire de bœufs. La femme en sabots porte dans ses bras son enfant ; à ses côtés, l’homme, probablement son mari, donne l’impulsion maîtresse ; à l’arrière, un homme plus âgé, probablement l’aïeul, pousse la charrue. Trois générations sont là, toute une maisonnée, subissant sans pouvoir dire un mot les ordres et directives du propriétaire (un quasi-châtelain résidant aussi parfois en ville ?) dont la présence et l’attitude soulignent avec insolence l’exploitation dont sont victimes les « prolétaires des champs ». Ventripotent, portant costume et chapeau, fumant le cigare, tenant sa canne comme un bâton de maréchal, il incarne la puissance et la suffisance à l’instar de tous les capitalistes représentés alors par la plupart des dessinateurs et caricaturistes. Sa propriété s’étend à perte de vue, les sillons creusés par les paysans se confondant dans l’immensité du paysage occupé en son centre par un village qui semble lui aussi dominé par ce même propriétaire : l’usine dont les cheminées crachent de la fumée est en effet en contrebas du château…

Depuis 1848 et l’irruption du peuple sur la scène politique, le thème de l’exploitation et de l’union des prolétaires des villes et des champs a maintes fois été traité, mais il prend dans les dernières années du XIXe siècle une vigueur nouvelle avec l’essor du socialisme et la multiplication des grèves. La chanson sociale et révolutionnaire, très populaire, en porte témoignage. Elle ouvre la voie à la nouvelle génération d’artistes et d’écrivains soucieux d’aller bien au delà du réalisme en peinture et du naturalisme en littérature. Steinlen, peintre, dessinateur et affichiste, en est alors un des représentants les plus doués, s’attachant par ses multiples collaborations à des revues et journaux d’extrême gauche à susciter l’indignation et l’engagement du plus grand nombre en faveur de tous les exploités, des marginaux et des déshérités.
Ainsi, dans cette lithographie, l’artiste a-t-il tout fait pour suggérer l’opposition entre le travail et le capital : l’oisiveté et la richesse d’un côté ; la peine et la misère de l’autre. Son message est clair : le paysan, citoyen depuis la grande Révolution, vit encore comme un serf. Mettant en valeur la terre nourricière (noter la présence symbolique de cette femme à l’enfant qui suggère la maternité), il n’est en fait qu’un exploité, à l’image des ouvriers d’usine avec qui il doit s’unir pour construire une société plus juste.

Georges DUBY et Armand WALLON (dir.) Histoire de la France rurale tome III « De 1789 à 1914 », Seuil, 1976, rééd.coll. « Points Histoire », 1992.

Alain BOSCUS, « Vision de la servitude paysanne », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/vision-servitude-paysanne

Anonyme (non vérifié)

On voit un maître, imposant, qui surveille le travail de ceux que l'on pourrait appeler « ses esclaves » car ils triment dans les champs, travaillant à l'aide d'un instrument primaire et difficile à manipuler. On voit un homme, plutôt fort qui semble donner l'impulsion première, qui semble guider le travail. A son côté, il y a une femme qui porte un enfant dans ses bras, et, à l'arrière, il y a un homme qui semble âgé, sûrement l'aïeul de la famille. Il y a ici trois générations qui travaillent. On voit, derrière, une usine, pour prouver le progrès social auquel les paysans devraient avoir droit. Ce tableau est lui aussi d'un réalisme touchant, détruisant l'image idyllique de la campagne et de ses faciles labeurs.

mer 24/10/2012 - 10:44 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La monarchie de Juillet ou le triomphe de la bourgeoisie

La monarchie de Juillet ou le triomphe de la bourgeoisie

Louis-François Bertin a d’abord été le secrétaire du duc de Choiseul. Partisan de la Révolution en 1790 puis de la monarchie constitutionnelle, sa…

Ouvrier et bourgeois

Ouvrier et bourgeois

D’une révolution à l’autre : 1830 et 1848

Si elle possède de multiples causes et connaît divers acteurs, la révolution de juillet 1830 est aussi un…

La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle

La sociabilité urbaine au début du XIXe siècle

La civilisation urbaine au début du XIXe siècle

Si le monde citadin, durant le premier tiers du XIXe siècle, reste encore…

La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle
La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle
Isaac Pereire, créateur de la banque moderne

Isaac Pereire, créateur de la banque moderne

Un des créateurs de la banque moderne

Homme d’affaires parmi les plus actifs du Second Empire, Isaac Péreire s’associa toute sa vie à son frère…

Isaac Pereire, créateur de la banque moderne
Isaac Pereire, créateur de la banque moderne
Pionnier du cinéma

Pionnier du cinéma

L’invention du cinématographe

Après les lanternes magiques, la chronophotographie et le Kinetoscope d’Edison, et dans la lignée des travaux de d’…

La mode des courses de chevaux

La mode des courses de chevaux

C’est sous le Second Empire que les premiers grands champs de courses sont créés.

Dans ses Mémoires, le baron et préfet de la Seine…

Vision de la servitude paysanne

Vision de la servitude paysanne

A la fin du XIXe siècle, la France demeure un pays largement rural. Les crises successives de l’agriculture ont certes contribué à dépeupler les…

Daumier  et les critiques d’art

Daumier et les critiques d’art

Le Salon et la puissance de la critique

Au début du XIXe siècle, le Salon annuel de peinture et de sculpture a acquis une importance…

Daumier  et les critiques d’art
Daumier  et les critiques d’art
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget

Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget

Un album documentaire à visée professionnelle

En 1910, Atget réalise un album de soixante photographies intitulé Intérieurs parisiens, début du…

Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Le comte Robert de Montesquiou

Le comte Robert de Montesquiou

A la fin du XIXe siècle, le portrait mondain, qu’il soit peint ou sculpté, suscite un engouement considérable. Reflet de la situation sociale de…