Aller au contenu principal
Tiens, ma femme, voilà mon portrait au daguerréotype.

Tiens, ma femme, voilà mon portrait au daguerréotype.

Papa contemplant l'image de son image.

Papa contemplant l'image de son image.

Position réputée la plus commode pour avoir un joli portrait au daguerréotype.

Position réputée la plus commode pour avoir un joli portrait au daguerréotype.

Pose de l'homme de la nature, pose de l'homme civilisé.

Pose de l'homme de la nature, pose de l'homme civilisé.

Tiens, ma femme, voilà mon portrait au daguerréotype.

Tiens, ma femme, voilà mon portrait au daguerréotype.

Date de création : 1846

Date représentée : 1846

Lithographie

Domaine : Estampes-Gravures

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

inv. Rés. Dc 180b (t.XXX)

La vogue du daguerréotype en France

Date de publication : Octobre 2005

Auteur : Charlotte DENOËL

L’industrie du portrait au daguerréotype

Mis au point en 1839 par Louis-Jacques-Mandé Daguerre (1787-1851), le daguerréotype est un procédé photographique permettant de fixer l’image d’une chambre noire par des moyens chimiques sur une plaque argentée. Ce procédé rencontra immédiatement un succès considérable, aussi bien à Paris qu’en province et à l’étranger, ses applications étant multiples. À Paris, les ateliers de photographes spécialisés dans le portrait se multiplient dès les années 1840, pour faire face à une demande sans cesse croissante. D’abord regroupés autour du Palais-Royal, ils se déplacent ensuite plus au nord, vers le faubourg Montmartre et les grands boulevards, et deviennent une industrie prospère. Parallèlement, la baisse des tarifs des portraits – de 10 à 50 francs en fonction des formats en 1842, de 2 à 20 francs en 1845-1846 – rend l’image photographique accessible à une large couche de la population, tandis que les ateliers multiplient les stratégies commerciales pour séduire de nouveaux publics.

La « daguerréotypomanie » : un phénomène social



Vers 1845, le portrait au daguerréotype se substitue au portrait peint miniature et devient ainsi un « article parisien » très prisé des provinciaux et des étrangers. Qu’ils soient issus de la bourgeoisie cossue ou des classes moins aisées, ceux-ci se pressaient dans les ateliers de la capitale pour se faire « tirer le portrait » et obtenir ainsi un souvenir d’eux-mêmes ou de leurs proches. Face à cet engouement, de nombreuses voix s’élevèrent pour dénoncer l’aspect matérialiste et mécanique du nouveau procédé, Baudelaire en tête avec la célèbre diatribe qu’il lança en 1859 : « La société immonde se rua comme un seul Narcisse pour contempler sa triviale image sur le métal » (Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1977). Autre pourfendeur du daguerréotype, Honoré Daumier (1808-1879), illustrateur-caricaturiste qui connut son heure de gloire sous la monarchie de Juillet et exerça volontiers sa verve aux dépens des « daguerréotypophiles » dans une série de lithographies publiées par le journal satirique Le Charivari autour des années 1850, dont la portée est tout autant antibourgeoise qu’antiphotographique.

Stigmatisant les contraintes techniques du daguerréotype et le manque d’imagination des photographes d’atelier, Daumier se gausse dans cette série des postures ridicules et des réactions naïves des « bons bourgeois » face au nouveau procédé. Ceux-ci sont dépeints dans des situations cocasses, comme dans cette lithographie de 1847 intitulée « Position réputée la plus commode pour avoir un joli portrait au daguerréotype », où la tête du modèle, un bourgeois ventru, est immobilisée par une énorme vis fixée à une planche verticale, pour éviter tout mouvement durant la prise de vue. Cette allusion à la longueur des temps de pose (de 15 à 25 secondes), qui entraînait inévitablement une grande rigidité dans l’attitude du modèle, était l’un des principaux griefs formulés à l’encontre du portrait au daguerréotype. Dans une autre lithographie datée de 1853, « Pose de la nature, pose de l’homme civilisé », Daumier tourne en ridicule le bourgeois préoccupé avant tout de son statut social. Mettant son art au service de la satire, il parvient à créer dans cette série des types universels, grâce à une simplification et à un rendu sur le vif des postures et des expressions.

Le déclin du daguerréotype


D’une grande force expressive, ces virulentes caricatures révèlent un conflit plus profond entre l’art et la photographie, accusée par de nombreux artistes de reproduire de manière triviale la réalité. Au travers de ses dessins, Daumier défend sa propre œuvre de graveur-peintre qui lui permet de croquer l’instantané au vol, à la différence de la photographie qui n’offre que des poses figées et stéréotypées. Ces défauts, dont le daguerréotype ne put jamais se débarrasser, furent à l’origine de sa rapide désaffection, dès les années 1850, au profit de procédés négatifs fondés sur l’emploi du papier (calotype de Talbot dès 1840, albumine sur verre de Niépce de Saint-Victor en 1847, collodion humide de Scott Archer en 1849). Ces nouveaux procédés ouvrirent la voie à un développement considérable de la photographie, car ils offraient l’avantage de pallier les lacunes du daguerréotype, grâce à la réduction des temps d’exposition lors de la prise de vue et à l’utilisation d’un support papier reproductible et peu coûteux, tandis qu’ils traçaient des voies esthétiques neuves.

Michel FRIZOT (dir.), Nouvelle histoire de la photographie, Paris, Larousse-Adam Biro, 2001.Jean-Claude LEMAGNY et André ROUILLE (dir.), Histoire de la photographie, Paris, Larousse-Bordas, 1998.Le Daguerréotype français.Un objet photographique, catalogue de l’exposition du musée d’Orsay, 13 mai-17 août 2003, Paris, RMN, 2003.Daumier, 1808-1879, catalogue de l’exposition du Grand Palais, 5 octobre 1999-3 janvier 2000, Paris, RMN, 1999.

Charlotte DENOËL, « La vogue du daguerréotype en France », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 18/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/vogue-daguerreotype-france

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La naissance du mythe du ténor

La naissance du mythe du ténor

La première moitié du XIXe siècle connaît un véritable engouement pour la musique en général et l’art du chant en particulier. La mode du…

Bustes-charges de banquiers par Honoré Daumier

Bustes-charges de banquiers par Honoré Daumier

L’oligarchie de Juillet

Fragmentés en groupes concurrents, les parlementaires n’en constituaient pas moins une entité d’une exceptionnelle…

Bustes-charges de banquiers par Honoré Daumier
Bustes-charges de banquiers par Honoré Daumier
Bustes-charges de banquiers par Honoré Daumier
La Troïka

La Troïka

Cette caricature est extraite de Gringoire, hebdomadaire de droite extrême (1928-1944) dominé par son éditorialiste, Henri Béraud. Le journal, qui…

Charge anti-républicaine

Charge anti-républicaine

Le 22 avril 1885, Le Figaro titre « Nouvel incident au Salon » : le tableau de Maurice Boutet de Monvel est définitivement refusé à l’exposition…

Charge anti-républicaine
Charge anti-républicaine
Charge anti-républicaine
Le géant Sennep

Le géant Sennep

Cette caricature pleine-page, en noir et blanc, est extraite de Fantasio, petit hebdomadaire parisien d’échos et d’humour (1906-1936), tiré à…

Le boulangisme

Le boulangisme

Le général Boulanger et la crise de la république naissante

La chute de Napoléon III à Sedan, le 2 septembre 1870, entraîne la France dans une…

Le boulangisme
Le boulangisme
Le boulangisme
Le boulangisme
Ratapoil

Ratapoil

C’est dans le climat politique tendu qui précéda le coup d’Etat du 2 décembre 1851, à la suite duquel Louis-Napoléon Bonaparte devint président de…

Ratapoil
Ratapoil
Ratapoil
Ratapoil
Critique de la monarchie de Juillet, les espoirs déçus de 1830

Critique de la monarchie de Juillet, les espoirs déçus de 1830

Après l’attentat à la « machine infernale » commis le 28 juillet 1835 par le conspirateur Giuseppe Fieschi contre Louis-Philippe et sa suite, qui…

Louis-Philippe vu par Daumier

Louis-Philippe vu par Daumier

Au début de l’année 1834, au moment où paraît cette planche, la monarchie de Juillet, régime né de l’insurrection populaire des « Trois Glorieuses…

Kupka et L’Assiette au beurre : Religions

Kupka et L’Assiette au beurre : Religions

« Religions », numéro spécial

Lancée en 1901, L’Assiette au beurre acquiert rapidement une certaine renommée qui dépasse largement les seuls…