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Charlemagne, empereur d'occident

Charlemagne, empereur d'occident

La Saint-Charlemagne

La Saint-Charlemagne

Charlemagne, empereur d'occident

Charlemagne, empereur d'occident

Date de création : 1837

H. : 92 cm

L. : 74,5 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot

lien vers l'image

08-502416 / MV 674

Charlemagne

Date de publication : Décembre 2019

Auteur : Alexandre SUMPF

La renaissance carolingienne

Quand, en 768, Charles le Grand reprend la couronne de son père de Pépin le Bref, il confirme le passage des Mérovingiens à une seconde dynastie franque. S’il fait partie du panthéon de la monarchie et figure dans le musée de l’Histoire de France voulu par Louis-Philippe, c’est d’abord comme conquérant étendant les frontières du royaume et empereur des Romains, c’est-à-dire protecteur de la chrétienté. Louis-Félix Amiel réalise en 1837 son portrait, sans conteste le plus important de la série qu’il livre à Versailles : les rois Pépin III, Charles III, Louis II et Louis V font pâle figure à côté de celui qui a donné son nom à la nouvelle dynastie des Carolingiens.

Élève de Antoine-Jean Gros, un peintre officiel de Napoléon, puis de Louis XVIII et de Charles X, Amiel se spécialise très tôt dans les portraits de style néoclassique qui constituent un marché à part entière, surtout vu l’ampleur du chantier de Versailles : on lui doit aussi un Philippe Auguste, un Lahire ou un Bernadotte. Avec les batailles qui possèdent leur propre galerie, il s’agit d’une part importante d’une histoire encore vue sous l’angle des grands hommes.

Sous la IIIe République, en 1892, un quotidien à grand tirage comme Le Petit Journal n’hésite pas à commander à l’illustrateur Henri Meyer, habitué du Supplément du dimanche, une image célébrant la Saint-Charlemagne (28 janvier). Le journal de tendance républicaine conservatrice se permet une référence monarchique et catholique du fait de la renaissance carolingienne : celle de l’écriture cursive et de l’apprentissage de la grammaire latine. Patron de l’université de Paris depuis 1661, Charlemagne est associé à la scolarisation par les manuels scolaires de la seconde partie du XIXe siècle – ce qui en ferait le précurseur de la généralisation de l’instruction par les lois Ferry.

Sa Majesté Charles le Grand

Faute de représentations d’époque précises sur lesquelles se fonder, et surtout dans le fil d’une tradition picturale de nature hagiographique, Amiel prend le parti d’inventer largement son portrait de Charlemagne à l’aune de sa compréhension de l’importance historique du roi des Francs et « grand empereur des Romains ».

Le portrait en buste occupe la plus grande partie de la toile, brossée sur un fond neutre qui situe la scène hors du temps. Le haut du corps est dissimulé sous un épais manteau de velours pourpre serti de pierres précieuses qui ne scintillent pas : ce sont des signes de dignité royale plus que de richesse. Charlemagne tient dans la main droite, ferme et sereine, le sceptre en or surmonté de la croix latine, et dans la main gauche le globe qui signale son statut d’empereur. Avec la barbe et la couronne – royale, comme en témoigne la fleur de lys qui a été choisie comme emblème par Pépin à la fin de son règne –, l’essentiel des symboles associés au XIXe siècle à Charlemagne est convoqué. Seul le visage comporte une énigme : que signifie la moue de la bouche pendant que ses yeux regardent en biais la croix ?

L’image dessinée par Meyer et imprimée en couleur par Le Petit Journal : supplément du dimanche du 30 janvier 1892 associe effets de réel et dimension onirique.

Dans une salle dont la baie vitrée rappelle les salons de la nouvelle Sorbonne dessinée par Henri-Paul Nénot dans les années 1880, une foule d’étudiants aux traits assez semblables et à l’identique costume noir porte un toast et salue la figure de Charlemagne. Par sa stature et son aspect hiératique, celle-ci rappelle une statue de l’ensemble monumental de la Sorbonne reconstruite. Mais les nuées qui l’entourent soulignent la dimension merveilleuse et onirique de cette incarnation. En costume médiéval, presque de dos, l’empereur porte comme souvent la barbe longue, la couronne impériale, le manteau et l’épée Joyeuse.

Si l’on suit le regard du monarque, on se rend compte qu’il croise celui du buste de Marianne qui surplombe la salle. Sans bonnet phrygien mais avec quatre drapeaux tricolores, le visage sévère de l’allégorie de la République fixe droit dans les yeux ce lointain prédécesseur. La coupe que ce dernier lève semble ainsi moins une réponse aux acclamations des étudiants qu’un hommage au régime qui a relancé l’université de Paris sans renoncer aux traditions.

Œcuménique Charles le Grand

Napoléon Bonaparte a largement contribué à redorer le blason de Charlemagne, qui était jusqu’alors surtout une figure littéraire. En optant pour l’empire et une symbolique inspirée de Charles le Grand, il ouvre un siècle de représentation positive, de réinterprétation patriotique et de combat mémoriel autour d’une figure alors relativement mal connue.

Le premier grand apport sur lequel on s’accorde est qu’il a civilisé les barbares – ce n’est pas Louis-Philippe qui reniera cet héritage, alors qu’il est en train de conquérir l’Algérie pour renouer avec l’époque faste du premier colonialisme français, celui d’avant la Révolution.

La figure du Carolingien sert également (en oubliant ses origines franques, donc germaines) en 1870 pour démontrer la supériorité militaire historique des Français sur les Allemands et justifier l’idéologie de la revanche.

Enfin, l’empereur des Romains est convoqué par les légitimistes qui voient en lui, succédant à Clovis, le rénovateur du lien traditionnel entre l’Église et la France, sa « fille aînée ».

Plus étonnamment, les républicains revendiquent également sa figure. Jules Michelet le considère comme un « monument » national ; pour Victor Hugo, « Charles de France » incarne la naissance de la nation tout autant que le père de l’Europe des peuples qu’il appelle de ses vœux.

Dès les années 1880, les manuels d’histoire de la IIIe République n’hésitent pas à le placer au panthéon national au double titre de la fondation d’un État centralisé (les missi dominici) et de celle de l’école, surtout après les lois Ferry. Dans le cas du futur apôtre de la colonisation comme dans celui du roi illettré, il s’agit d’une réécriture du passé et du présent qui fait bon marché d’origines plus proches mais moins avouables : celle de Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719) pour l’enseignement gratuit et la formation des maîtres, ou encore le contenu patriotique de l’instruction primaire qui s’est développée en réalité sous le Second Empire.

Alexandre SUMPF, « Charlemagne », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/charlemagne

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