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L'Echange des deux princesses de France et d'Espagne sur la Bidassoa à Hendaye, le 9 novembre 1615

L'Echange des deux princesses de France et d'Espagne sur la Bidassoa à Hendaye, le 9 novembre 1615

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : 1622

Date représentée : 9 novembre 1615

H. : 394 cm

L. : 295 cm

Domaine : Peintures

RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda / Thierry Le Mage

Agence photographique

02-000804 / INV1782

L’échange des princesses

Date de publication : Octobre 2017

Auteur : Jean HUBAC

Une toile mal placée ?

En 1622, Marie de Médicis passe commande au célèbre peintre anversois Rubens d’une série de toiles destinées à former un cycle thématique et à décorer la galerie occidentale du tout nouveau palais du Luxembourg. L’objectif assigné à l’art pictural consiste à célébrer les hauts faits de la reine mère. Épouse d’Henri IV et mère de Louis XIII, Marie de Médicis a exercé le pouvoir durant les années 1610-1617, avant d’en être écartée par son fils jusqu’en 1621. Le cycle peint par Rubens avait vocation à célébrer le retour en grâce d’une reine attirée par l’exercice de l’autorité.

Dans la galerie du palais du Luxembourg, au sein de laquelle les toiles sont agencées de manière chronologique, L’Échange des deux princesses était placé entre La Prise de Juliers (juillet 1610) et La Majorité de Louis XIII (octobre 1614), alors que le double mariage royal s’était déroulé en 1615. Loin d’être anodine, cette entorse à la chronologie réaffirme la place de Marie de Médicis dans la négociation des mariages et dans leur aboutissement. Montrer que l’événement a eu lieu au cours de la régence de la reine mère, plutôt qu’après la déclaration de majorité du roi, c’est lui en attribuer toute la gloire.

Un double portrait à la symétrie parfaite

Chaque princesse est accompagnée d’une allégorie de son royaume d’origine. À droite, la France vêtue d’un habit bleu fleurdelysé et portant casque à cimier attrape la nouvelle reine de France par le bras et présente Madame Élisabeth à l’Espagne. Celle-ci est incarnée par une autre femme (et non par un « More » comme le prévoyait le programme préparatoire à la réalisation du cycle), symétrie parfaite de la France. De face, Anne d’Autriche, infante d’Espagne et sœur de Philippe IV âgée de quatorze ans, devient reine de France par son mariage avec Louis XIII ; elle a déjà adopté les codes vestimentaires de son pays d’accueil et porte une robe à la française. De son côté, bientôt treize ans, Élisabeth de France est vêtue d’une robe surmontée d’une collerette espagnole ; sœur de Louis XIII, elle vient d’épouser Philippe IV d’Espagne par procuration et s’apprête à le rejoindre.

Dans les airs, une danse de putti entraînés par la Félicité annonce l’abondance et le siècle d’or dont le double mariage est prometteur. La pluie d’or répandue depuis la corne d’abondance signifie très explicitement les fruits qui seront tirés du rapprochement dynastique entre la France et l’Espagne. Des naïades et des fleuves se joignent à la liesse au premier plan et rappellent le contexte de l’échange, sur un pont enjambant la Bidassoa, frontière entre les deux royaumes.

L’absence-présence de la reine mère

Rubens signe une toile fortement marquée par l’allégorie et la seule de la série dont Marie de Médicis est physiquement absente. La reine mère n’a pas besoin d’être représentée, car le double mariage est son œuvre aux yeux de la postérité ; le peindre est en soi un symbole de l’agir médicéen. C’est pourquoi l’absence physique disparaît au profit de la présence symbolique, éminemment plus forte et suggestive. Marie de Médicis négocie longuement l’union des deux plus grandes couronnes catholiques d’Europe, pensant ainsi maintenir la paix dans les entrelacs des liens dynastiques. Elle obtient gain de cause en 1615 et l’échange des princesses a lieu le 9 novembre de cette année-là. Cependant, les mariages ne bouleversent pas la géopolitique française, qui conserve son réseau d’alliances protestantes au sein de l’empire.

Marie de Médicis accordait une attention toute particulière au double mariage espagnol ; il s’agissait pour elle d’un motif de gloire personnelle aux retentissements européens. Réaffirmer l’importance des mariages était ainsi une manière de répondre aux critiques et rébellions dont ils avaient été le prétexte durant la régence. Le faire en 1622, alors que Marie de Médicis retrouvait une place au conseil auprès de Louis XIII, après cinq années d’éloignement, c’était également légitimer le gouvernement passé de la reine mère. Pourtant, au début des années 1620, le mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche ne pouvait passer pour une réussite, en raison de la distance relationnelle entre les deux époux et de l’incapacité du couple à procréer un héritier mâle – il faudra attendre 1638 pour voir naître le futur Louis XIV.

Fanny COSANDEY, La reine de France. Symbole et pouvoir, Gallimard, Paris, 2000.

Id., « Représenter une reine de France. Marie de Médicis et le cycle de Rubens au palais du Luxembourg », in Clio. Femmes, Genre, Histoire [en ligne], 19 – 2004, mis en ligne le 27 novembre 2005, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://clio.revues.org/645

Jean-François DUBOST, Marie de Médicis. La reine dévoilée, Payot, Paris, 2009.

Marie-Anne LESCOURRET, Rubens, Flammarion, Paris, 1990.

Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, Somogy éditions d’art et Château de Blois, 2003 (catalogue d’exposition).

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Jean HUBAC, « L’échange des princesses », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/echange-princesses

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