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Congrès de Münster, 15 mai 1648

Congrès de Münster, 15 mai 1648

Date de création : 1837-1842

Date représentée : 15 mai 1648

H. : 44 cm

L. : 58 cm

Huile sur toile.

Copie d'après une huile sur cuivre de Gerard Ter Borch Gerrit le Jeune (1648).

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Franck Raux

Lien vers l'image

01-006998 / MV 2197

La ratification du traité de Münster de 1648

Date de publication : Septembre 2019

Auteur : Jean HUBAC

Une copie pour le musée de l’Histoire de France

Cette toile, peinte en 1837 par Claude Jacquand (1803-1878), est la réplique d’une œuvre réalisée par Gerard Ter Borch (1617-1681) en 1648. En reproduisant fidèlement la prestation de serment après la ratification de la paix entre les Espagnols et les Flamands à l’hôtel de ville de Münster, le 15 mai 1648, Jacquand poursuit sa carrière de peintre d’histoire. Il profite sans doute de la mise en valeur de l’huile sur cuivre de Ter Borch, lors de la vente de la collection de la duchesse de Berry, pour en reproduire une fidèle copie sur toile. Il bénéficie surtout des commandes passées par l’État pour alimenter le musée de l’Histoire de France, installé au château de Versailles, selon la volonté de Louis-Philippe Ier. En reproduisant l’œuvre de Ter Borch, Jacquand participe donc à la mise en valeur de « toutes les gloires de France », et contribue à l’enrichissement des collections nationales par des copies commandées à des artistes du XIXe siècle.

Gerard Ter Borch avait lui-même assisté à l’événement que constitua la signature de la paix de 1648 entre l’Espagne et les Provinces-Unies à l’issue de la guerre de Trente Ans. Fidèle à la tradition portraitiste flamande dans laquelle il s’inscrit avec succès, il choisit de saisir une assemblée nombreuse, conformément à l’importance des délégations venues négocier, au cœur de l’Europe, la fin d’une des guerres les plus meurtrières de l’époque moderne.

Une assemblée de plénipotentiaires européens

Dans une vaste salle éclairée par de hautes fenêtres, les représentants de la très catholique Espagne et des très protestantes Provinces-Unies sont réunis à l’hôtel de ville de Münster pour prêter serment le 15 mai 1648.

La scène saisit l’événement au moment où les Flamands, vêtus de noir, au centre de la composition, lèvent la main pour jurer de respecter la paix fraîchement signée avec les Espagnols – l’un d’entre eux, Barthold van Gent, tient ostensiblement la version flamande du serment pour en faire lecture. Deux Espagnols posent quant à eux une main sur une Bible tenue ouverte par une croix, garant de la bonne foi des prestataires, l’un d’eux tenant également une version espagnole du serment – on reconnaît les deux plénipotentiaires espagnols : Gaspar de Bracamonte y Gusman, comte de Peñaranda, à gauche (qui tient le serment), et Antoine Brun à droite. Dans les faits, ce furent les Espagnols qui prêtèrent serment les premiers, suivis des Flamands. Ter Borch fait le choix de condenser l’événement pour une plus forte intensité dramatique.

Soixante-dix-sept personnes assistent à la cérémonie, concentrées sur l’acte solennel en cours. Certaines d’entre elles invitent par le regard le spectateur à participer à l’événement, à témoigner de son importance. Elles entourent une table couverte d’un tapis de velours bleu, sur laquelle reposent des documents officiels et des sceaux. Il s’agit probablement des actes authentiques de la paix signée le 30 janvier précédent, ratifiée par Philippe IV d’Espagne le 1er mars, puis par les Provinces-Unies le 18 avril.

Les costumes et le décor sont fidèlement représentés, avec un luxe de détails, même si la disposition générale des acteurs adoptée par Ter Borch reste artificielle et soumise à la nécessité d’embrasser en un regard l’ensemble des participants. La comparaison des visages avec les portraits contemporains des plénipotentiaires, réalisés par Van Hulle, Bignon ou Moncornet, révèle un sens de la précision caractéristique de l’art du portrait chez Ter Borch et permet l’identification d’une vingtaine des figures peintes.

Un traité de paix pour l’Europe

Le traité de paix signé à Münster le 30 janvier 1648 entre l’Espagne et les Provinces-Unies scelle la fin d’un antagonisme de huit décennies. Commencé en 1568, au moment où les Flamands décidèrent de s’affranchir de la souveraineté de la couronne d’Espagne, le conflit s’était provisoirement arrêté en 1609, avant de reprendre au profit d’une déflagration générale de l’Europe à partir de 1618, sur fond de déchirement religieux entre catholiques et protestants. Pendant trente ans (1618-1648), toute l’Europe occidentale et centrale fut la proie d’un conflit de grande ampleur, devenu la guerre de Trente Ans pour la postérité, qui provoqua plusieurs millions de morts et entraîna une nouvelle carte de l’équilibre européen. La suprématie des Habsbourg de Vienne et de Madrid s’effaça au profit de la puissance montante de la France, ce qui serait confirmé au traité de Pyrénées en 1659. Les traités de paix de 1648 – la paix de Münster du 30 janvier 1648 fut complétée par d’autres traités, signés à Münster et Osnabrück le 24 octobre 1648, principalement entre la France, le Saint-Empire et la Suède – furent également au fondement d’une nouvelle diplomatie, expérimentée au cœur de la Westphalie, dans les deux villes choisies pour les négociations de paix, Osnabrück et Münster.

La représentation de Ter Borch témoigne bien de l’effervescence diplomatique qui régna à Münster pendant la décennie 1640. La foule des diplomates, mais aussi la solennité de l’instant, renvoie à l’importance capitale de la signature de la paix entre les Espagnols et les Flamands. Il est probable que la reconnaissance officielle des Provinces-Unies par la couronne espagnole après quatre-vingts années de guerre ne put que paraître un événement digne d’être peint au Flamand Ter Borch, qui se représenta à l’extrémité gauche de l’œuvre, moustache et chevelure rousses, le regard tourné vers le spectateur. Il s’agit également d’un des tout premiers exemples (sinon le premier) de peinture d’actualité à prétention réaliste. La reprise de cette œuvre pour le musée de l’Histoire de France sous le règne de Louis-Philippe rend quant à elle bien compte de l’inscription de l’événement dans une histoire diplomatique européenne au sein de laquelle il constitue un tournant favorable à la puissance française au sein d’un nouvel équilibre entre États.

BÉLY Lucien (dir.), L’Europe des traités de Westphalie : esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, actes de colloque (Paris, 1998), Paris, Presses universitaires de France, 2000.

COLLECTIF, 1648, la paix de Westphalie : vers l’Europe moderne, cat. exp. (Paris, 1998), Paris, Imprimerie nationale, 1998.

DUCCINI Hélène, Guerre et paix dans la France du Grand Siècle : Abel Servien, diplomate et serviteur de l’État (1593-1659), Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2012.

GANTET Claire, La paix de Westphalie (1648) : une histoire sociale (XVIIe-XVIIIe siècle), Paris, Belin, coll. « Essais d’histoire moderne », 2001.

Guerre de Trente Ans : Guerre européenne qui ravagea notamment le Saint-Empire romain germanique (l’Allemagne) de 1618 à 1648. L’origine du conflit est religieuse : à l’expansion de la Réforme en Allemagne, s’opposent les princes et souverains catholiques.

Traités de Westphalie : Les traités de Westphalie ont marqué la fin des guerres de Trente Ans et de Quatre-Vingts Ans, qui opposaient les États européens sur des questions religieuses, politiques et territoriales². Ils ont réorganisé les relations internationales et la souveraineté territoriale

Jean HUBAC, « La ratification du traité de Münster de 1648 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/ratification-traite-munster-1648

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