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Baptême de Clovis à Reims, 25 décembre 496

Baptême de Clovis à Reims, 25 décembre 496

Le Baptême de Clovis

Le Baptême de Clovis

Baptême de Clovis à Reims, 25 décembre 496

Baptême de Clovis à Reims, 25 décembre 496

Date de création : 1837-1840

Date représentée : 25 décembre 496

H. : 147,8 cm

L. : 191,3 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot

lien vers l'image

94-052340 / MV 3

Le baptême de Clovis

Date de publication : Décembre 2019

Auteur : Alexandre SUMPF

Clovis, aux sources de la monarchie française

Quoique imprécisément daté d’un 25 décembre, entre 496 et 506, le baptême de Clovis par saint Remi constitue l’un des événements fondamentaux de l’histoire nationale et de celle du catholicisme.

Au XIXe siècle, l’État français a acquis au moins douze tableaux traitant ce sujet. Après un premier essai de Jean Alaux en 1825, la conversion du roi des Francs et de ses (trois mille) guerriers dans la cathédrale de Reims, prélude à l’adoption de la foi chrétienne par le peuple, fait son entrée au sein du musée de l’Histoire de France voulu par Louis-Philippe en 1833.

C’est l’œuvre de François-Louis Dejuinne qui est venue orner en 1837 les murs des salles du château de Versailles dédiées à ce projet monumental. Le peintre d’histoire, Prix de Rome 1813, a largement bénéficié des commandes royales puisqu’il a livré à Louis XVIII quatre tableaux sur les saisons en 1819, puis réalisé six sujets historiques pour le compte du « roi des Français », parvenu sur le trône suite à la révolution de 1830.

Quelque trente-trois ans et deux régimes plus tard, le peintre Jules Rigo, surtout connu pour son atelier de lithographie, s’empare à son tour de ce thème, traité entre-temps par Jean-François Gigoux, et avant Joseph-Paul Blanc pour le Panthéon en 1881. Quand il vend son tableau à l’État le 30 décembre 1871, la passion nationale pour l’histoire de France ne s’est pas démentie depuis les années 1820. Seulement, elle se teinte d’anxiété et de colère dans le contexte de la défaite de 1870 et de la naissance contrariée d’une IIIe République où règneront, jusqu’en 1879, les députés monarchistes.

Civiliser le barbare

La toile de grand format livrée par Dejuinne pour le château de Versailles adopte une composition classique, avec une profondeur séquencée en trois plans et une image formée de deux parties en largeur.

À gauche au premier plan, c’est-à-dire au début du sens de lecture, se dresse la masse compacte des guerriers francs de Clovis. Ce sont, si l’on reprend la trilogie de Georges Dumézil, « ceux qui se battent » : ils portent des casques ailés empruntés à l’iconographie gauloise, des barbes et des cheveux longs tirant sur le blond, typiques de la représentation des peuplades germaniques ; ils brandissent des étendards comme les soldats romains. Peaux de bêtes, y compris exotiques, et bâtons achèvent de désigner des barbares païens.

À droite, on distingue « ceux qui prient » : les cheveux longs des clercs aux joues pâles et aux traits plus fins rappellent ceux du Christ dans la tradition picturale médiévale ; on brandit en guise de lance et de bannière le Crucifié et des gonfalons ornés de Sa figure ; on est agenouillé en signe de dévotion et non de fidélité au roi.

Au centre, se tiennent les trois personnages-clés de la conversion : Clovis, l’évêque… et, au troisième plan, en posture d’orante, la reine Clotilde, qui est de confession chrétienne et aurait beaucoup œuvré à convaincre son époux. Si on la distingue mal parmi ceux qui, au fond, symbolisent la population attendant le miracle, c’est pour mieux mettre en valeur la rencontre entre deux pouvoirs. La puissance de Clovis, rendue par sa stature, la taille de sa tête, ses muscles saillants et l’armure, est euphémisée par la tête baissée et la main gauche posée sur le cœur. Aussi statique qu’une statue, et richement vêtu de pourpre, le représentant de l’Église romaine accomplit le geste de transformation au-dessus du bassin, comme saint Jean-Baptiste avec Jésus de Nazareth dans le Jourdain. La jambe gauche en avant signale le pas qui est en train d’être franchi ; la main droite gardant la francisque, lourde hache de guerre, garantit que cette force brute sera au service de la foi.

Jules Rigo reprend le cadre élaboré par Dejuinne, mais en élargissant la focale, en nivelant la profondeur et en adoptant des tons (rouge, vert, ocre) et des motifs ressortissant de l’orientalisme en peinture. Les tentures, les mosaïques, le costume des hommes d’Église, les nus masculins et féminins, drapés au bord du bassin, rappellent plus fortement l’Orient plus que la Gaule germanisée. Les guerriers francs ne forment qu’une foule indistincte à l’arrière-plan, d’où émergent des symboles militaires se rapportant à l’armée romaine. La francisque a disparu, et Clovis lui-même est immergé et décalé à gauche, au point de ne constituer qu’un détail d’un plus vaste ensemble. Légèrement surélevée sur une estrade, la reine Clotilde lui fait contrepoint à droite du tableau, soutenue par une seconde figure de prélat en blanc. La diagonale qui relie le couple royal passe par un guerrier nu de dos et une femme à moitié déshabillée, de face, les paumes tournées vers le ciel, en position de recevoir l’onction du baptême. C’est sur elle, qui incarne sans doute la Francie, que tombe la lumière zénithale signalant la présence divine.

Des Francs aux Français ?

Jusqu’au XIXe siècle, l’origine franque, c’est-à-dire germanique, de Clovis ne posait aucun problème. Seul importait son double acte fondateur aux sources de la monarchie française : l’avènement d’une première dynastie sur les décombres de l’Empire romain et son caractère chrétien désormais immanent.

Si l’on ajoute le fait que la tribu qui l’a élu chef et a donné son nom au pays s’est convertie lors de la même cérémonie, on comprend aisément que c’est cet épisode de l’épopée de Clovis qui a été le plus représenté dans les arts au XIXe siècle. Son retour en grâce est dû à Charles X, qui a voulu renouer avec la tradition et se faire couronner à Reims. S’il est moins central sous Louis-Philippe, le « roi des Français » ne le néglige pas : sa figure permet de consolider sa double légitimité de monarque et de révolutionnaire.

Comme nombre de sujets historiques, Clovis fait l’objet d’une controverse entre légitimistes venant dans l’hagiographie et républicains dénonçant les crimes de Clovis à la fin de son règne. Lorsque Rigo peint son tableau en 1870, les premiers reprennent le dessus en imputant le désastre de la guerre à la rupture de la nation avec ses traditions royales et catholiques, et l’Église appelle à la repentance, qui prendra notamment la forme de la basilique du Sacré-Cœur. Le tableau se lit dans ce contexte comme une apologie de l’alliance du trône et de l’autel, typique de la première décennie de la IIIe République. Mais le conflit se reconfigure, puisqu’on relève désormais l’origine « allemande » de Clovis, sa violence guerrière absoute par l’Église au nom des intérêts communs de la dynastie et de la chrétienté. Les républicains lui opposent « nos ancêtres les Gaulois » et la figure de Vercingétorix en particulier. Les monarchistes et catholiques contre-attaquent en forgeant autour de Reims, de Clovis et de Jeanne d’Arc un mythe médiéval de l’origine de la nation destiné à contrer celui d’une origine populaire et révolutionnaire.

AMALVI Christian, « Le baptême de Clovis : heurs et malheurs d’un mythe fondateur de la France contemporaine (1814-1914) », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 147, 1989, p. 583-610, DOI : https://doi.org/10.3406/bec.1989.450549.

ROUCHE Michel (dir.), Clovis, histoire et mémoire. Vol. 2 : Le baptême de Clovis, son écho à travers l’histoire, actes de colloque (Reims, 1996), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1997.

SCHMIDT Joël, Le baptême de la France : Clovis, Clotilde, Geneviève, Paris, Le Seuil, 1996.

Alexandre SUMPF, « Le baptême de Clovis », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 25/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/bapteme-clovis

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