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Portrait de Louis XVII à la prison du Temple

Portrait de Louis XVII à la prison du Temple

Louis XVII au Temple

Louis XVII au Temple

Louis XVII au Temple

Louis XVII au Temple

Portrait de Louis XVII à la prison du Temple

Portrait de Louis XVII à la prison du Temple

Date de création : 1793

Date représentée : 1793

H. : 76 cm

L. : 64 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Lien vers l'image

P1403

  • Portrait de Louis XVII à la prison du Temple

Louis XVII au Temple, réalité et légende

Date de publication : Mars 2024

Auteur : Lucie NICCOLI

L’éphémère Louis XVII, mort en prison à l’âge de dix ans

Le second fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, Louis-Charles de France, duc de Normandie, naît à Versailles en mars 1785. Au décès de son frère aîné, Louis-Joseph-Xavier, mort de tuberculose à l’âge de sept ans et demi en juin 1789, il devient le nouveau Dauphin. Quelques mois plus tard, la famille royale est contrainte de quitter Versailles pour le palais des Tuileries, où elle réside près de trois ans.

Lors de l’insurrection du 10 août 1792, Louis XVI, Marie-Antoinette, leurs enfants Marie-Thérèse-Charlotte et Louis-Charles, ainsi qu’Élisabeth, jeune sœur du roi, sont emprisonnés dans la tour du Temple (1). À la suite de l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, le Dauphin est reconnu par son oncle, le comte de Provence en exil, futur Louis XVIII, ainsi que par les monarchies coalisées contre la République, comme le nouveau roi de France, sous le nom de Louis XVII.

En juillet 1793, l’enfant est alors séparé de sa mère, guillotinée à son tour le 16 octobre, et confié au cordonnier Antoine Simon et à sa femme, qui s’emploient à lui faire oublier son ascendance royale. Lorsqu’ils quittent le Temple en janvier 1794, il reste seul et privé de soins, pendant six mois ; sa santé mentale et physique se dégrade. Il meurt en juin 1795 de la tuberculose – comme son frère avant lui.

Si Louis-Charles a été plusieurs fois portraituré avant la Révolution, seul ou avec sa mère et ses aînés, notamment par Élisabeth Vigée Le Brun, peintre officiel de la reine de 1778 à 1789, il est bien plus souvent figuré à partir de l’incarcération de la famille royale au Temple. Les représentations de sa vie quotidienne sont alors pour la plupart imaginaires, étant donné le confinement des prisonniers.

Joseph Marie Vien le Jeune, fils du peintre du même nom, est sans doute l’un des rares artistes à avoir pu l’approcher entre février et juin 1793 : le portrait qu’il en fait peut donc être considéré comme relativement fidèle. Quelque peu oublié pendant vingt ans, le souvenir du dauphin mort en prison resurgit à la Restauration et notamment à partir des années 1830, porté par le romantisme naissant. Il s’intensifie même au cours du Second Empire, alimentant une abondante production d’œuvres peintes ou sculptées, diffusées par la gravure. Gustaf Wappers, peintre belge qui séjourna en France de 1826 à 1829, exécuta vingt ans plus tard pour le roi Léopold Ier un Dauphin au Temple dans une veine romantique. La reproduction de ce grand tableau par le graveur Jean-Baptiste Meunier en 1858 atteste de la fascination que ce destin tragique suscita en France et en Europe au cours du XIXe siècle.

L’enfant royal prisonnier : tel qu’observé et tel qu’imaginé

L’enfant peint par Vien à mi-corps paraît chétif pour un garçonnet de huit ans. Le buste long et mince, le teint pâle, il a cependant les joues pleines de l’enfance, légèrement colorées de rose. Son abondante chevelure souple d’un blond chaud, un peu fauve, et ses yeux bleu foncé correspondent bien aux traits du dauphin de seulement quatre ans peint en juin 1789 avec son chien Moufflet par Vigée Le Brun . Il est en revanche assez différent du jeune garçon représenté par Alexandre Kucharski en 1792, aux fins cheveux blonds et aux yeux bleu clair, richement vêtu et paré des insignes de l’ordre de Saint-Louis (cordon et croix) ; il se pourrait en effet que ce célèbre portrait soit celui, non pas de Louis-Charles, mais de son frère, Louis-Joseph-Xavier, le précédent dauphin.

Louis-Charles, à son entrée au Temple, comme les autres membres de la famille « Capet », a été dépouillé de tout objet symbolisant le pouvoir royal. Il porte encore des vêtements de qualité – une chemise à encolure ouverte et volants plissés sous un gilet à gros boutons –, mais ceux-ci semblent usés, la chemise jaunie, le gilet décoloré et même déchiré horizontalement au milieu du buste. Les manches de chemise retroussées jusqu’aux coudes et l’absence de redingote indiquent peut-être une température printanière. La tension perceptible dans la posture de l’enfant, qui présente une légère torsion, le buste orienté vers la droite, le visage, vers la gauche, et dans son regard, attentif mais fermé, ses petits yeux, son nez et sa bouche comme pincés et rétrécis, donne l’impression d’un mélange de curiosité et de défiance.

Dans la gravure de Jean-Baptiste Meunier d’après Gustaf Wappers, le jeune garçon, seulement vêtu d’une chemise et d’une culotte déchirées, les pieds nus, est prostré dans un coin de sa cellule, assis sur un bloc de pierre sous la fenêtre bardée de lourdes grilles. Derrière lui, dans l’ombre, sont posés sur un établi aux pieds moulurés les outils du cordonnier Simon, son geôlier – un embauchoir, un tire-pied, diverses pinces –, ainsi qu’un bilboquet, son unique jouet. Le visage défait et les yeux levés vers le ciel, à la manière d’un saint dans la peinture baroque, les mains jointes entre les genoux, il semble prier. À ses pieds est jeté le bonnet phrygien à cocarde tricolore qu’il était forcé de porter, sur un journal déchiré, Le Moniteur universel (2) du 21 janvier 1793, annonçant l’exécution de son père. Un graffiti, dans le tableau de Wappers, est lisible sur le mur éclairé : « Mon dieu, pardonne à ceux qui ont fait mourir mes parens [sic] », plus bas « 93 » et « France ».

Cet enfant aux cheveux clairs ne ressemble nullement à Louis-Charles tel qu’il fut figuré par Vigée Le Brun ou Vien et n’a pas non plus les traits de son aîné. Son visage aux yeux disproportionnés par rapport à une petite bouche, elle-même presque collée à un nez droit et fin, rappelle ceux des personnages féminins dans les tableaux des peintres romantiques français, en particulier Paul Delaroche, que Wappers fréquenta en France et dont les œuvres, gravées, furent également éditées par Goupil.

L’image romantique de l’enfant-roi devenu martyr

Contrairement à l’enfant figuré d’après nature par Vien fils, le Dauphin interprété par Wappers et, plus encore, tel que reproduit par Meunier, manque de naturel ; il semble prendre la pose, en pleine lumière, dans un décor carcéral où chaque détail exprime sa condition de jeune martyr. Le peintre ne se soucie d’ailleurs pas des incohérences : l’exemplaire du Moniteur universel est daté d’au moins six mois et le graffiti, attesté, a été tracé par sa sœur Marie-Thérèse.

Vien, sans doute sur ordre de la Convention, qui avait besoin d’identifier son prisonnier afin de prévenir une éventuelle substitution, a cherché à fixer les traits du Dauphin le plus fidèlement possible. Il a peut-être dessiné plus étroits qu’ils n’étaient ses yeux, son nez et sa bouche pour rendre l’impression farouche qu’il lui avait trouvée.

Louis XVII tel que le représente Gustaf Wappers pour le roi des Belges près de soixante ans plus tard est devenu un véritable personnage romantique et théâtral, conjuguant innocence de l’enfance, ascendance illustre et funeste destin, comme le sont, par exemple,  Les Enfants d’Édouard  peints par Paul Delaroche en 1830. L’héritier des Bourbons, eux-mêmes très pieux, est présenté à la manière d’un saint priant pour le salut de son père – ou même pour celui des bourreaux de son père, selon le graffiti de la peinture.

Cette image, icône royaliste, fait aussi écho, dans la seconde moitié du XIXe siècle, au renouveau de la ferveur religieuse dans les pays catholiques ainsi qu’à la question du statut des enfants dont l’opinion publique, à l’ère de l’industrialisation, commençait à se soucier.

Hélène BECQUET, Paul CHOPELIN, François de VERGNETTE, Alain CHEVALIER, Heurs et malheurs de Louis XVII. Arrêt sur images, édition Snoeck – Gent, 2018.

Hélène BECQUET, Louis XVII, Perrin, Paris, 2017.

Françoise CHANDERNAGOR, La Chambre, Gallimard, Paris, 2004.

Philippe DELORME, L’Affaire Louis XVII, Taillandier, Paris, 2000.

1 - Prison du Temple : ancienne forteresse des Templiers située dans le quartier du Marais, détruite en 1808.

2 - Moniteur universel : journal fondé par Charles-Joseph Panckoucke en 1789 sous le nom La Gazette nationale ou Le Moniteur universel, favorable à la Révolution française. En 1800, il devient l'organe officiel du gouvernement de Bonaparte. En 1811, il prend son nom définitif de Moniteur universel. À la Restauration, il perd son caractère officiel mais continue de paraître, Le Moniteur universel disparaît en 1902 dans sa 113e année.

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.

Lucie NICCOLI, « Louis XVII au Temple, réalité et légende », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/louis-xvii-temple-realite-legende

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