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Mirabeau devant Dreux-Brézé

Mirabeau devant Dreux-Brézé

Date de création : vers 1830

Date représentée : 23 juin 1789

H. : 71 cm

L. : 104 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

lien vers l'image

13-505723 / RF 1984-18

Mirabeau et Dreux-Brézé

Date de publication : Décembre 2019

Auteur : Guillaume MAZEAU

Les arts au service de la monarchie de Juillet

En 1830, la toute nouvelle monarchie de Juillet organise un concours pour décorer la salle des séances de la Chambre des députés. De même qu’au musée du château de Versailles dédié aux gloires de la France, le nouveau régime entend mobiliser les arts pour donner un signal fort : la Restauration n’est plus, c’est le début d’une nouvelle ère libérale.

C’est dans ce contexte qu’Alexandre Évariste Fragonard propose ce tableau. Habitué à exposer depuis 1799, le fils du fameux Jean-Honoré Fragonard porte son choix sur un épisode de la Révolution française que les mémoires des girondins, publiés dans les années 1820 et 1830, ont rendu célèbre : le moment où Mirabeau, le 23 juin 1789, prend la parole au nom du tiers état. Tenant tête au grand maître des cérémonies Dreux-Brézé, chargé par Louis XVI de faire évacuer la salle des Menus-Plaisirs, Mirabeau proclame que les députés qui occupent la salle depuis plusieurs semaines n’en sortiront que par la force des baïonnettes.

Transformer l’événement en acte héroïque

Fragonard fait preuve d’une certaine fidélité à l’événement, tel qu’il est généralement raconté dans les livres d’histoire du premier XIXe siècle. Il s’est assez bien documenté : dans la pénombre du fond, on devine les couleurs du clergé, mais aussi le noir des habits du tiers état, à gauche et au premier plan, la noblesse, assise au premier rang, étant logiquement moins visible. De la même manière, Fragonard souligne à juste titre la monumentalité du lieu grâce aux colonnes à l’antique, ainsi qu’aux grandes tribunes. Le point de vue crée un effet de vérité : le spectateur est plongé à hauteur d’homme, depuis le fond de la salle des Menus-Plaisirs, à l’instant précis où Mirabeau défie l’autorité de Dreux-Brézé.

Mais par une série de procédés, Fragonard s’éloigne des faits et dramatise le réel. Les colonnes ne forment pas qu’un cadre architectural : elles replacent l’événement dans une grande histoire, celles des actes héroïques depuis l’Antiquité. Fragonard réduit surtout volontairement l’événement au choc entre deux hommes qui, tels des statues, émergent d’une foule anonyme. En réalité, Mirabeau n’était pas seul : de nombreux députés ont résisté à l’ordre de quitter les lieux, engageant un bras de fer avec le roi.

Une vision trop passionnée

C’est finalement Nicolas-Auguste Hesse qui remporte le concours, avec un tableau qui n’eut jamais le temps d’être exposé dans la Chambre des députés mais qui est aujourd’hui conservé au musée d’Amiens.

Que s’est-il passé ? Fragonard multiplie les mauvais choix politiques. Le régime attend des peintres qu’ils trouvent des images claires, afin que les nouveaux députés puissent débattre et voter devant des modèles de l’histoire, sans passion ni ambiguïté. Mais Fragonard se désintéresse de la description au profit des émotions. Mirabeau n’apparaît que de dos. C’est une grande maladresse : dans l’esprit des commanditaires, il s’agissait de pouvoir reconnaître l’homme illustre qui devait incarner un modèle parfait pour la monarchie constitutionnelle.

Décentrée, coupée par le désordre des corps, la composition donne en outre trop le tournis pour inspirer la mesure et la sagesse. Le travail sur la lumière renforce encore ces impressions : les effets appuyés de clair-obscur ne font qu’augmenter l’intensité dramatique du duel. Une vision passionnée de la vie parlementaire qui ne convient guère aux temps nouveaux.

Guillaume MAZEAU, « Mirabeau et Dreux-Brézé », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/05/2024. URL : histoire-image.org/etudes/mirabeau-dreux-breze

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