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Soldats français affublés de casques allemands, à Neufmontiers

Soldats français affublés de casques allemands, à Neufmontiers

Douille gravée

Douille gravée

Ensemble de bagues réalisées à partir de métal récupéré

Ensemble de bagues réalisées à partir de métal récupéré

Presse-papier

Presse-papier

Soldats français affublés de casques allemands, à Neufmontiers

Soldats français affublés de casques allemands, à Neufmontiers

Auteur : ANONYME

Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web

Date de création : 1914

Date représentée : 1914

H. : 9 cm

L. : 13,9 cm

Edition E. Le Deley.

Impression sur papier.

Domaine : Photographies

© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN - Grand Palais / Pascal Segrette

http://www.photo.rmn.fr

06-519682 / 999.462

L'Artisanat de tranchée

Date de publication : Novembre 2008

Auteur : Claire LE THOMAS

Créer pour s’occuper

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, la durée des conflits est en général assez réduite. Sauf lors des sièges, les batailles sont rapides, et les militaires ne restent pas longtemps dans l’attente du combat. Avec l’enlisement de la guerre et la mise en place des tranchées, les soldats au contraire attendent, retranchés dans leurs galeries, les attaques ennemies ou l’ordre d’assaut ; entre deux offensives ou dans les campements situés en seconde ligne où ils se reposent avant de retourner sur le front, ils se trouvent désœuvrés. Cette situation inédite donna naissance à un art populaire singulier : l’artisanat de tranchée. Pour passer le temps, certains poilus se mettent à fabriquer, avec des matériaux communs ou de rebut, des objets usuels, des bijoux ou des artefacts décoratifs qu’ils donnent à leur famille, à leurs amis ou vendent pour compléter leur solde. Un grand nombre de conscrits, jusque-là artisans ou paysans, savent en effet travailler de leurs mains et mobilisent ces savoir-faire particuliers au monde rural et artisanal préindustriel pour s’occuper.

Récupération et détournement du matériel militaire

Outre les matériaux à portée de main (bois, tissu), ces créations sont essentiellement réalisées à partir d’éléments récupérés sur le champ de bataille, aux risques et périls des soldats qui s’exposent alors aux balles ennemies. La quête des matières premières rares s’effectue également dans les maisons abandonnées, les villes détruites ou sur les prisonniers et les morts qui sont dépouillés de tout ce qui peut servir. À l’image du cliché Soldats français affublés de casques allemands à Neufmontiers, où les militaires, coiffés du casque à pointe, posent devant leur butin, le produit de cette collecte constitue souvent une sorte de trésor de guerre, surtout lorsqu’il a été soustrait à l’ennemi. Les douilles d’obus vides, les fusées (partie supérieure qui coiffe les obus), les munitions, les décorations, les pièces de monnaie et autres objets métalliques sont ainsi transformés en vases (Douille gravée), en encriers, en presse-papiers, en briquets, en bagues ou en modèles miniatures de chars, d’avions et autres. Les morceaux de métal sont fondus, découpés, soudés puis gravés ou ornés de cartouches de fusil, d’insignes comme le bouton d’uniforme ou la balle de pistolet utilisés pour deux bagues de l’Ensemble de bagues réalisées à partir de métal récupéré. « Et quand je pense qu’avec ça ils font des bagues », s’exclame le soldat du presse-papiers : l’ingéniosité déployée dans l’artisanat de tranchée est en effet d’autant plus étonnante que les poilus n’ont que les « moyens du bord » pour fabriquer ces objets. Afin de ne pas alourdir leur équipement, ils limitent au maximum leurs ustensiles et ont surtout recours aux outils qui composent l’attirail standard du soldat : ils emploient par exemple leur cousette ou leur couteau pour graver et leur casque comme récipient pour fondre le métal.

Des objets signifiants

Au départ très spontané, l’artisanat de tranchée prit rapidement beaucoup d’ampleur. L’engouement qu’il suscite à l’arrière, parmi les civils, conduit à la création d’une véritable industrie. Des ateliers dédiés à la fabrication de ces objets sont mis en place dans les campements en seconde ligne, les centres de rééducation professionnels pour les mutilés de guerre produisent des artefacts similaires, des bijoutiers vendent des copies réalisées par des civils. Des expositions et des ventes sont également organisées pour montrer le travail des poilus et soutenir des actions caritatives. Chacun veut voir ou posséder un objet façonné par un soldat ; les bagues notamment ont un succès considérable. Pour les civils de l’arrière, ces créations singulières représentent non seulement un souvenir des amis ou des membres de la famille partis au front, mais aussi un lien avec le cœur de la guerre. Avoir sous les yeux des artefacts réalisés avec les matériaux entourant les poilus, et surtout ceux directement liés au combat – munitions, projectiles, armes – leur donne l’impression de partager une partie de l’expérience des combattants. Ils apprennent à connaître les objets de mort qui tuent leurs proches tout en participant, par leur achat, à l’effort de guerre, c’est-à-dire à la victoire. L’artisanat de tranchée est le support d’un investissement affectif et psychologique important non seulement chez les civils, mais également chez les poilus qui expriment, à travers l’iconographie de ces objets, les idéaux pour lesquels ils se battent, leurs conceptions de l’ennemi, leurs désirs ou leurs peurs.

Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, Annette BECKER, 14-18, retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000.

Annette BECKER, Graffiti et sculptures de soldats, traces de la culture de guerre, 14 /18 Aujourd’hui-Today-Heute, n° 2, 1998, p.116-127 [dossier : « L’archéologie et la Grande Guerre »].

Nicole DURAND, De l'Horreur à l'Art, Paris, Seuil, 2006.

Patrice WARIN, Artisanat de tranchée et briquets de Poilus de la guerre 14-18, Louviers, YSEC Editions, 2001, 208p.

Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.

Claire LE THOMAS, « L'Artisanat de tranchée », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/artisanat-tranchee

Anonyme (non vérifié)

c'est super cool se que vous avais écris là !

jeu 14/04/2011 - 21:50 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Je possède pas mal de douilles de la grande guerre mais je n'ai jamais eu la réponse à laquelle je me pose; comment les poilus arrivaient à sculpter ces douilles et faire les reliefs sur celles-ci ?
Merci si vous avez une réponse.

lun 13/06/2011 - 05:08 Permalien
Anonyme (non vérifié)

bjr ..bs. tout simplement en y faisant fondre du plomb et vise versa pascal de grenay 62160

lun 15/08/2011 - 22:53 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour
Je prépare un spectacle sur les tranchées ....
Avec quoi écrivaient les poilus et sur quel type de feuilles, de carnet?
Auriez-vous des sites, des adresses où je pourrais me procurer ce type d'objets? ou du moins les visualiser
Merci pour votre aide
blogu

mer 12/03/2014 - 10:22 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour Madame,
Je travaille sur l'artisanat de tranchée, études des outils d'origine, études des différents styles en rapport avec les outillages de fortune du front, pour repratiquer l'ensemble de ces techniques sur des douilles vierges. Pouvons nous rentrer en contact je laisse le mail de mon frère.
cordialement
Pierre Raynal

dim 18/05/2014 - 20:52 Permalien
Anonyme (non vérifié)

bonjour
je fais un sujet HDA sur l'artisanat des tranchées et j'aimerais savoir si les supérieurs hiérarchiques des soldats étaient ils pour cet artisanat ?
merci d'avance pour votre réponse.
cordialement
ps: votre site est très bien fait

ven 27/02/2015 - 09:55 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Je me souviens avoir entendu dire une fois et il y a quelques années que ces objets étaient de véritables concours organisés au sein de l'armée. Je pense que cela occupait les soldats dans les périodes creuses....Mais est-ce véridique ? Les douilles en cuivre qui servaient de vases dans les cimetières ont fini par être retirées car trop souvent volées, il y avait les bagues mais aussi les briquets, piluliers et autres. j'ai en souvenir la canne sculptée par un parent soldat de 14 à 17 avec sa batterie. Line

sam 14/03/2015 - 18:45 Permalien

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