Aller au contenu principal
La classe de danse.

La classe de danse.

Le Foyer de la danse à l'Opéra de la rue Le Peletier.

Le Foyer de la danse à l'Opéra de la rue Le Peletier.

Danseuses montant un escalier.

Danseuses montant un escalier.

Répétition d'un ballet sur la scène.

Répétition d'un ballet sur la scène.

La classe de danse.

La classe de danse.

Auteur : DEGAS Edgar

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date représentée :

H. : 85

L. : 75

Huile sur toile. Vers 1873-76.

© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski

http://www.photo.rmn.fr

95-024205 / RF1976

De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas

Date de publication : Novembre 2009

Auteur : Gabriella ASARO

Lieu incontournable de la vie culturelle et mondaine de la bonne société parisienne, le théâtre de l’Opéra a successivement occupé trois salles au cours du XIXe siècle. L’Opéra de la rue de Richelieu (salle Montansier), inauguré en 1793, est démoli à la suite de l’assassinat du duc de Berry, poignardé par Louis Pierre Louvel à la sortie du théâtre le 13 février 1820. Une nouvelle salle est inaugurée le 19 août 1821 : il s’agit de l’Opéra de la rue Le Peletier, théâtre provisoire qui sera pourtant actif pendant un demi-siècle, jusqu’à sa destruction par un incendie dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873.

Quinze ans auparavant, alors qu’il se rendait au théâtre le 14 janvier 1858, Napoléon III échappe miraculeusement à la mort lors d’un attentat préparé par le patriote Felice Orsini pour plaider la cause de l’indépendance italienne. Cet événement tragique (l’attentat fait huit morts et cent cinquante blessés) pousse Napoléon III à annoncer la construction d’un nouveau théâtre. Le concours organisé à cette fin, qui se clôt en 1860, est remporté par Charles Garnier (1825-1898), auteur d’un projet novateur et grandiose qui correspond bien à l’esprit du second Empire. Ironie du sort, le nouvel Opéra ne sera inauguré qu’en 1875, cinq ans après la chute de l’Empire et deux ans après la mort de Napoléon III, en exil en Angleterre.

Au XIXe siècle, l’Opéra de Paris emploie sept cents personnes entre artistes, décorateurs, costumiers, techniciens, etc., dont presque deux cents constituent le corps de ballet.

Bien que l’Opéra continue, dans la seconde moitié du XIXe siècle, à être considéré comme le temple de la danse française, ce sont surtout les artistes étrangères qui remportent la faveur des directeurs et du public. Le déclin de l’école française fait l’objet de plusieurs ouvrages rédigés par des célébrités du monde de la danse comme Arthur Saint-Léon ou par des professeurs de l’Opéra comme l’Italien Giovanni-Léopold Adice. La direction de l’Opéra dédaigne son vivier par amour de l’exotique, et l’intérêt qu’une grande partie du public porte à la beauté des danseuses plutôt qu’à la qualité des ballets ne stimule pas une production toujours à la hauteur de la tradition.

Issu d’une famille de mélomanes, Edgar Degas (1834-1917) est un habitué de l’Opéra : il apprécie les différentes formes artistiques qui y sont représentées, mais, en dépit de son amour pour l’art lyrique, les chanteurs et les scènes d’opéra lui inspirent très peu d’œuvres, tandis qu’il consacre aux musiciens un cycle de peintures (voir L'orchestre de l'Opéra) et aux danseuses un très grand nombre d’œuvres, aussi variées dans leurs thèmes que dans les techniques employées.

Degas commence à s’intéresser au monde de la danse dans les années 1860, mais ce n’est qu’en 1874 qu’il présente pour la première fois, au premier Salon impressionniste, une œuvre consacrée au ballet. Pendant les années 1870 et 1880, Degas représente les danseuses de l’Opéra de manière réaliste : les contemporains peuvent reconnaître certaines artistes, ainsi que les lieux. C’est le cas de l’Opéra de la rue Le Peletier : lieu fantasmé par Degas longtemps encore après sa destruction, il a été fréquenté par l’artiste dès sa jeunesse. L’affection que Degas lui porte est telle qu’il le fait revivre dans de nombreux tableaux ; cependant, comme d’ailleurs pour l’Opéra-Garnier, le peintre ne se soucie pas des menus détails de ces lieux, mais il en restitue fidèlement l’esprit en portrayant ceux qui les habitent.

Outre les danseuses, certains maîtres de ballet et professeurs de danse occupent un rôle central dans quelques peintures célèbres représentant les cours et les répétitions ; c’est le cas de Jules Perrot (1810-1892) et Louis Mérante (1828-1887), amis de l’artiste.

Perrot débute à Lyon, sa ville natale, avant de se produire à Paris, d’abord au théâtre de la Gaîté, puis à celui de la Porte-Saint-Martin et enfin à l’Opéra, où il travaille de 1830 à 1835. Il mène ensuite une carrière internationale avec sa compagne, l’étoile italienne Carlotta Grisi, pour renouer enfin avec l’Opéra dans sa vieillesse, lorsqu’il est engagé pour y donner des cours.

Le Parisien Mérante, issu d’une famille de danseurs d’origine italienne, après avoir dansé à Marseille et à Milan, débute à l’Opéra en 1848 ; en 1869 il est nommé premier maître de ballet. Danseur et mime exquis, il interprète jusqu’à un âge avancé les rôles masculins dans ses ballets mais, en privilégiant les danseuses, il contribue au déclin de la danse masculine (voir Degas et la célébration de la danse féminine à l'Opéra).

Parfait connaisseur de tous les lieux de l’Opéra, Degas s’éloigne des conventions visuelles qui pèsent sur l’iconographie théâtrale de l’époque, aussi bien dans la composition que dans le choix des situations.

La Classe de danse en est un exemple. Les danseuses sont réunies autour de Jules Perrot qui, appuyé sur son bâton, donne des indications à une danseuse. Le bâton représente le centre symbolique de la salle, l’autorité du maître de ballet qui transmet ses connaissances aux jeunes générations. Degas renforce le réalisme de la scène et la teinte d’humour quand il place au premier plan à gauche une danseuse assise sans gêne sur le piano qui se gratte voluptueusement le dos, une autre, debout, qui porte une grande fleur rouge dans les cheveux et tient un éventail à la main, un petit chien, tandis que l’arrosoir, loin d’être frivole, sert à mouiller le sol pour empêcher les danseurs de glisser.

Le Foyer de la danse à l’Opéra de la rue Le Peletier, peint quelques années auparavant, est d’une composition plus sage. L’arcade du miroir qui occupe la partie centrale du fond confère une touche de classicisme à l’ensemble. Le maître de ballet est ici Louis Mérante : comme Perrot, il tient un bâton mais, plus jeune, il n’a pas besoin de s’y appuyer et lève la main gauche dans un geste hiératique. À sa droite, le violoniste attend que la répétition reprenne ; son pupitre occupe une place analogue à celle du bâton de Perrot, probablement en hommage aux musiciens de l’Opéra.

Au lieu de regarder Mérante, la ballerine qui s’apprête à exécuter sa variation est plutôt orientée vers une collègue en position de repos, et sa posture est reprise à l’identique par une figure énigmatique, située en dehors du foyer, dans l’embrasure d’une porte qui ne laisse voir qu’une jambe et une partie du tutu.

Le tableau Danseuses montant un escalier aborde de manière inédite une situation banale. Ce tableau au format très original est divisé en deux parties par la figure centrale de la danseuse qui atteint le sommet de l’escalier. Au lieu d’utiliser la toile dans sa hauteur pour représenter le mouvement d’ascension, Degas a choisi de développer la scène dans sa longueur : les danseuses dessinent une ligne oblique qui court jusqu’à la fenêtre du fond à droite ; le contraste entre la partie gauche du tableau, assez sombre, et la partie droite, claire, la renforce ; la discrète différence de peinture du mur dessine une autre oblique ; les deux entraînent le regard vers la droite, ce qui contribue à traduire le mouvement.

La Répétition d’un ballet sur la scène, premier tableau sur la danse exposé par Degas, montre le travail des danseuses sur la scène, avec un fort contraste, fascinant de réalisme, entre les attitudes gracieuses des ballerines en action dans le fond et les poses inélégantes des danseuses au repos au premier plan. La peinture en camaïeu crée une atmosphère lunaire qui n’est pas sans évoquer les ballets blancs, symboles du romantisme : Giselle et La Sylphide (Marie Taglioni et l’apogée du ballet romantique).

Le cursus honorum des danseurs de l’Opéra compte cinq échelons : quadrille, coryphée, sujet, premier danseur et étoile ; seuls les plus talentueux et les plus dévoués peuvent sortir du corps de ballet et accéder au sommet de la hiérarchie, mais il arrive parfois que l’un d’entre eux profite de l’appui d’un protecteur influent pour faire carrière.

Degas rend justice au Foyer de l’Opéra, trop souvent associé aux rencontres galantes entre les danseuses et les abonnés mais dont on oublie qu’il est aussi utilisé pour les cours de danse et de pantomime des premiers danseurs et pour les répétitions des étoiles.

Degas doit son succès comme « peintre des danseuses » essentiellement au sujet plutôt qu’à la manière dont il l’a abordé. Les danseuses étant l’objet du désir de propriété des riches bourgeois et aristocrates, les tableaux qui les représentent deviennent des objets de collection et le symbole d’une société qui se plaît à vivre comme dans un spectacle. Pourtant, s’il partage l’engouement général que suscitent le ballet et les danseuses sous le second Empire et la IIIe République, il le fait de manière originale : loin de s’intéresser à l’extériorité et à la vanité qui charment les ballettomanes, il va au cœur du monde de la danse.

Pour en savoir davantage sur La Classe de danse de Degas, rendez-vous sur notre site Panorama de l’art.

Patrick BADE, Degas.Les chefs-d’œuvre, traduit de l’anglais par Jacques-François Piquet, Paris, Hazan, 1994.Jill DEVONYAR et Richard KENDALL, Degas et la danse, traduit de l’américain par Christine Piot, Paris, Éditions de La Martinière, 2004.Ivor GUEST, Le Ballet de l’Opéra de Paris, Paris, Flammarion, 1976, rééd.2001.Arthur SAINT-LEON, De l’état actuel de la danse, Lisbonne, Typographie du Progresso, 1856.Antoine TERRASSE, Tout Degas, Paris, Flammarion, 1982, 2 volumes.

Gabriella ASARO, « De la classe à la scène, le ballet de l'Opéra de Paris vu par Edgar Degas », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/classe-scene-ballet-opera-paris-edgar-degas

Anonyme (non vérifié)

merci de votre précieuse aide j'èspère que ma note sera aussi enviable que mon enthousiasme actuel!!!!!
bise cécile!!!

lun 04/02/2013 - 19:30 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Origines du carnaval à la Jamaïque

Origines du carnaval à la Jamaïque

Isaac Mendes Belisario (1795-1849), peintre et graveur d’origine italienne né à Londres, installé en 1830 à Kingston en Jamaïque, alors colonie…

Origines du carnaval à la Jamaïque
Origines du carnaval à la Jamaïque
Origines du carnaval à la Jamaïque
Origines du carnaval à la Jamaïque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque

La Belle Otero, emblème de la Belle Époque

Le soleil d’Espagne dans les théâtres parisiens

La fièvre de l’exotisme parcourt l’Europe pendant tout le XIXe siècle, influençant la littérature…

La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
Les esclaves et la danse

Les esclaves et la danse

Une main d’œuvre servile peuple en nombre considérable les Antilles et les Amériques proches de celles-ci. Les propriétaires des plantations de…

Les esclaves et la danse
Les esclaves et la danse
Les « Années folles »

Les « Années folles »

Montmartre, cœur des années folles

Deux places mythiques de la nuit parisienne ponctuent le boulevard de Clichy, qui sert de déambulatoire à la…

Les « Années folles »
Les « Années folles »
Mounet-Sully et l’Antiquité grecque au théâtre à la Belle Époque

Mounet-Sully et l’Antiquité grecque au théâtre à la Belle Époque

De la notoriété internationale de Jean-Sully Mounet (1841-1916), dit Mounet-Sully, l’un des acteurs les plus célèbres de la Belle Époque, témoigne…

Mounet-Sully et l’Antiquité grecque au théâtre à la Belle Époque
Mounet-Sully et l’Antiquité grecque au théâtre à la Belle Époque
Cléo de Mérode, une icône entre Romantisme et Symbolisme

Cléo de Mérode, une icône entre Romantisme et Symbolisme

Une icône de beauté angélique

À la Belle Époque, sous l’influence du décadentisme et du symbolisme, hédonisme et spiritualité se côtoient :…

Cléo de Mérode, une icône entre Romantisme et Symbolisme
Cléo de Mérode, une icône entre Romantisme et Symbolisme
Cléo de Mérode, une icône entre Romantisme et Symbolisme
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet

Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet

La photographie et l'engouement pour les cultures orientales

Le goût pour l'exotisme, notamment pour l'Orient, est l'héritage de l'époque…

Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Marie-Madeleine Guimard et le ballet français du XVIII<sup>e</sup> siècle redécouverts

Marie-Madeleine Guimard et le ballet français du XVIIIe siècle redécouverts

L’esprit galant du XVIIIe siècle et ses protagonistes reviennent à la mode dans la seconde moitié du XIXe siècle : les…

Marie-Madeleine Guimard et le ballet français du XVIII<sup>e</sup> siècle redécouverts
Marie-Madeleine Guimard et le ballet français du XVIII<sup>e</sup> siècle redécouverts
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène

La « fée électricité » de la Belle Époque

Le mythe de Paris « Ville lumière » est indissociable de la « fée électricité » Loïe Fuller, artiste…

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Guinguettes et imagerie populaire

Guinguettes et imagerie populaire

La guinguette, au cœur d’une nouvelle imagerie populaire

À la fin du XIXe siècle, les guinguettes constituent un référent culturel et…

Guinguettes et imagerie populaire
Guinguettes et imagerie populaire