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Louis XIV protecteur de l'académie

Louis XIV protecteur de l'académie

Date de création : 1667

H. : 370,6 cm

L. : 284,5 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© Château de Versailles, dist. RMN - Grand Palais / Christophe Fouin

lien vers l'image

13-549693 / MV 6155

Louis XIV, protecteur des arts

Date de publication : Février 2017

Auteur : Jean HUBAC

Une commande de l’Académie de peinture et de sculpture

Le 27 février 1666, les membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture commandent à Henri Testelin la réalisation d’un portrait du roi destiné à orner la salle d’assemblée. Le procès-verbal des séances de l’Académie précise que le roi sera peint avec le manteau royal et en protecteur des arts. Presque deux ans plus tard, le 7 janvier 1668, Testelin livre une grande toile qui suscite l’admiration de ses collègues, comme en témoigne l’analyse de l’historiographe de l’Académie Guillet de Saint-Georges.

Issu d’une famille de peintres, Henri Testelin embrasse la carrière de peintre de cour et participe avec son frère Louis à la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, dont il devient secrétaire en 1650. Élève de Simon Vouet, il réalise des portraits appréciés qui s’inspirent de l’art de son ami Charles Le Brun. On lui doit en particulier un portrait en majesté de Louis XIV enfant (1648), dans lequel il hérite d’un cadrage et d’un type iconographique dont il systématise l’usage : colonnes, tenture, trône à degrés, présentation frontale, manteau royal entrouvert sur une jambe droite gainée de blanc et terminée par un soulier à gros nœud. Durant la seconde moitié de la décennie 1660, les almanachs seront nombreux à reprendre et diffuser cette représentation du roi, assis et en majesté. Pour réaliser la commande de l’Académie, Testelin reprend donc ce motif figuratif dans le grand portrait officiel livré en 1668.

Louis XIV, roi des arts

Au centre de la composition, assis et fixant le spectateur, Louis XIV se présente en costume de sacre, dans un grand manteau fleurdelisé brodé d’hermine, le collier de l’ordre du Saint-Esprit en évidence. Il tient en sa main droite la hampe du sceptre « de Charlemagne », long bâton surmonté d’une fleur de lys sur laquelle trône un portrait de l’empereur en majesté, globe crucifère et sceptre en main. Placé sous un dais cramoisi et en position surélevée assurée par deux solides colonnes, le roi apparaît dans toute sa puissance souveraine et avec les apparats de la puissance et de la magnificence. Son visage exprime une sereine fermeté et une tranquille assurance, qui garantissent une protection aux objets symboliques qui occupent le premier plan. Sa main droite est posée sur la tête d’un enfant, qui tient l’écu de l’Académie et signifie la relation personnelle liant le monarque à l’institution artistique. Accentuant la diagonale structurante de la composition, la jambe droite gainée de blanc et avancée obéit à une convention artistique symbole de la majesté qui décentre légèrement vers la gauche le visage du roi.

Le globe céleste, instrument de l’astronome, renvoie à la récente création de l’Académie royale des sciences et l’édification de l’Observatoire, dont le chantier commence en 1667. Le buste d’Alexandre évoque à la fois les mérites de la sculpture et la gloire militaire antique, à laquelle peut être associée celle de Louis XIV. Le livre ouvert sur une figure géométrique et les instruments de mesure symbolisent l’art de la perspective et de la géométrie, tandis que la toile présente l’esquisse d’une peinture à venir du roi. À l’arrière-plan, ouvert au-delà d’une arcade travaillée à l’antique, figure la fontaine dessinée par Charles Lebrun pour la cour du Louvre (finalement jamais édifiée).

Le roi protège les arts, les arts glorifient le roi

Louis XIV apparaît dans la toile de Testelin comme un prince ami des arts, complétant ainsi l’image d’un souverain à qui aucun domaine n’échappe. L’année même de réalisation de cette toile (1667), le roi se montre en roi de guerre et de paix victorieux dans les Flandres, et en roi de justice instaurant un nouveau code de procédure civile (le code Louis) – Guillet de Saint-Georges indique d’ailleurs dans la description qu’il fait du tableau que la tenue de Louis XIV (manteau du sacre sur la camisole rouge) est celle qu’il porte lorsqu’il siège au Parlement lors des lits de justice. Dans ce portrait, qui reprend bon nombre de codes artistiques de représentation de la puissance souveraine, le roi participe donc à une « stratégie figurative de la monarchie française » (G. Sabatier) qui exalte le prince comme protecteur des arts.

Assis en majesté sur son trône, Louis XIV est à la fois le roi homme au visage réaliste (il a presque trente ans au moment de la réalisation de la toile) et le roi intemporel qui se manifeste dans une gloire conventionnelle et explicite. Testelin convoque l’ensemble des arts – astronomie, peinture, sculpture, architecture, géométrie – autour d’un prince protecteur et mécène, qui bénéficie en retour de la mise des arts au service de sa gloire – la toile de Testelin est en elle-même un manifeste des liens entretenus entre le roi et les artistes, entre le roi et les arts. Significativement, la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture une vingtaine d’années plus tôt marque un tournant dans l’institutionnalisation et la mise en ordre des arts au service du roi.

Henri Testelin poursuit quant à lui sa carrière de peintre du roi jusqu’en 1681, lorsque sa foi réformée le contraint à l’exil aux Provinces-Unies, où il décède en 1695, expatrié par la politique d’un roi dont il avait ironiquement contribué à exalter la gloire.

BAJOU Thierry, La peinture à Versailles (XVIIe siècle), Paris, Réunion des musées nationaux / Buchet Chastel, 1998.

LIGNEREUX Yann, Les rois imaginaires : une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2016.

MILOVANOVIC Nicolas, MARAL Alexandre (dir.), Louis XIV : l’homme et le roi, cat. exp. (Versailles, 2009-2010), Paris, Skira-Flammarion / Versailles, château de Versailles, 2009.

SABATIER Gérard, Le prince et les arts : stratégies figuratives de la monarchie française, de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2010.

Académie des beaux-arts : Créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie royale de musique, fondée en 1669, et de l’Académie royale d’architecture, fondée en 1671. Institution qui rassemble les artistes distingués par une assemblée de pairs et travaillant le plus souvent pour la couronne. Elle définit les règles de l’art et du bon goût, forme les artistes, organise des expositions.

Académie : L’Institut de France est créé par la loi du 25 octobre 1795 sur l’organisation de l’instruction publique. Au sein du palais de l’Institut de France, travaillent cinq académies : l’Académie française (fondée en 1635), l’Académie des inscriptions et belles-lettres (fondée en 1663), l’Académie des sciences (fondée en 1666), l’Académie des beaux-arts (créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie de musique, fondée en 1669, et de l’Académie d’architecture, fondée en 1671) et l’Académie des sciences morales et politiques (fondée en 1795, supprimée en 1803 et rétablie en 1832). (Source : https://www.institutdefrance.fr/les-cinq-academies/.)

Jean HUBAC, « Louis XIV, protecteur des arts », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/louis-xiv-protecteur-arts

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