Aller au contenu principal
Noce juive dans le Maroc

Noce juive dans le Maroc

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date représentée :

H. : 105 cm

L. : 140 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Lien vers l'image

INV 3825 - 11-537948

Noces juives au Maroc

Date de publication : Avril 2012

Auteur : Alexis MERLE DU BOURG

Au début de l’année 1832, Delacroix, qui n’avait guère voyagé jusqu’alors, se joignit à la délégation du comte de Mornay dépêchée par la France au Maroc auprès de Moulay Abd er-Rahman afin de s’assurer des intentions d’un pays que l’intervention française en Algérie avait alarmé. Interrompu brièvement par un séjour dans cet « autre Orient » qu’est l’Andalousie, le voyage au Maroc qui s’acheva en juin 1832 compte parmi les événements les plus marquants de la vie du peintre, qui déploya sur place une immense activité de dessinateur (dont témoignent les fameux Carnets), emmagasinant fébrilement un trésor d’images et de sensations qui allaient nourrir son art sa vie durant.

Le 21 février 1832, Delacroix put assister à une noce juive à Tanger. D’une manière caractéristique de son attitude durant le séjour, l’artiste croqua sur le vif, observa (en particulier la réclusion de la mariée, effectivement absente du tableau) et enregistra minutieusement les détails de la fête et de ses prémices. Des années plus tard, il situera la scène dans la cour intérieure d’une maison tangéroise (celle-là même où s’étaient déroulées les noces ?) dont il avait précisément relevé l’architecture, notant dans un admirable dessin aquarellé (Louvre) le coloris de chaque élément. Le présent tableau procède donc largement d’un processus de recréation nourri par les souvenirs du peintre et étayé par une série de dessins exécutés durant le séjour et utilisés à la manière d’un collage. Delacroix restitue néanmoins de façon saisissante cette fête judéo-mauresque à laquelle il confère une grandeur intemporelle qui dépasse de beaucoup un exotisme poussivement anecdotique, ce qui déplut peut-être au comte Maison, lequel lui avait commandé un tableau dont, finalement, il ne voulut pas. Ne cédant à aucune facilité, en particulier chromatique (nul « chatoiement oriental » dans cette scène de demi-pénombre où un admirable mur blanc reçoit l’essentiel de la lumière), l’artiste compose impeccablement son tableau en faisant contraster la variété des attitudes et des costumes avec la rigueur architectonique d’un espace scandé d’obliques, d’horizontales et de verticales vertes.

Esprit libre, mû par une curiosité qui se vérifie notamment à propos des juifs du Maroc dont l’interprète de la délégation française, Abraham Benchimol, lui ouvrit les portes, Delacroix décrivit assez longuement cette noce juive en janvier 1842 dans la revue Le Magasin pittoresque. S’il ne sut pas toujours s’élever au-dessus des préjugés de son temps (la musique entendue durant le mariage lui sembla n’être qu’une éprouvante cacophonie, et il souligna que les « contorsions » des danseuses seraient regardées « chez nous […] comme de très mauvais goût »), il n’en fut pas moins sensible à l’intensité des sentiments et à la solennité riche de formes et de couleurs qui accompagnaient chez ses hôtes les grandes cérémonies et contrastaient avec la froideur compassée des Européens. Surtout, l’expérience de cette noce tangéroise et le travail que réclama sa transcription picturale aidèrent Delacroix à mûrir une approche proprement coloriste de la peinture dont les grands maîtres vénitiens et flamands des XVIe et XVIIe siècles avaient posé les jalons. Au Salon de 1841, le tableau reçut un assez bon accueil de la critique, qui fut néanmoins déroutée par une facture qui semblait juxtaposer des coups de pinceau « donnés comme au hasard » (Delécluze). Rien de hasardeux pourtant dans les petites touches de couleur pure placées dans les ombres par un peintre que son séjour marocain avait conforté dans l’intuition de la solidarité de la lumière et de la couleur indissolublement mêlées dans un jeu infini de reflets.

Étude en partenariat avec le musée d’Art et d’Histoire du judaïsme

JOHNSON Lee, The Paintings of Eugène Delacroix – A critical catalogue.1832-1863.Volume III.Text.Oxford, 1986, éd.revue et corrigée, 1993, n° 366.Peter RAUTMANN, Delacroix, Paris, Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 1997.ROSSI-BORTOLATTO Luigina (introduction P.GEORGEL), Tout l’œuvre peint de Delacroix, Milan, 1972, éd.fr.Paris, 1984 (revue et mise à jour par H.BESSIS), n° 295.TRAPP Frank Anderson, The Attainment of Delacroix, Baltimore et Londres, 1971, p.129-134.

Alexis MERLE DU BOURG, « Noces juives au Maroc », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/noces-juives-maroc

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Les croisades

Les croisades

Retrouver les croisades

Les deux tableaux peints par Émile Signol peuvent être contemplés dans des salles du château de Versailles qui ont…

Les croisades
Les croisades
La seconde mission française à Khorsabad

La seconde mission française à Khorsabad

Une seconde mission française à Khorsabad

En 1851, l’Assemblée nationale vote un crédit pour la poursuite des fouilles menées en 1843-1844 par…

La seconde mission française à Khorsabad
La seconde mission française à Khorsabad
Sermon dans un oratoire israélite

Sermon dans un oratoire israélite

L’affirmation longtemps entendue qu’il n’existe pas d’art juif, s’appuyant sur une certaine lecture biblique qui ne voyait pas chez les Hébreux de…
Agar chassée par Abraham

Agar chassée par Abraham

Vernet exerçait en 1833 les fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome lorsqu’il découvrit l’Algérie, dont la France amorçait la…

Vision d'un orientaliste

Vision d'un orientaliste

Dans son livre Une année dans le Sahel, publié en 1858, Eugène Fromentin, écrivain tout autant que peintre, relate l'épisode qu'il reproduit dans ce…
La femme orientale dans la peinture du XIX<sup>e</sup> siècle

La femme orientale dans la peinture du XIXe siècle

À partir de 1704, après la traduction des Mille et Une Nuits par Antoine Galland (1646-1715), l’image sensuelle de la femme du harem inspire les…

La femme orientale dans la peinture du XIX<sup>e</sup> siècle
La femme orientale dans la peinture du XIX<sup>e</sup> siècle
La femme orientale dans la peinture du XIX<sup>e</sup> siècle
La conquête de l’Algérie

La conquête de l’Algérie

La conquête de l'Algérie

En juin 1830, la prise d'Alger décidée par Charles X est une opération de prestige conduite à des fins de politique…

La conquête de l’Algérie
La conquête de l’Algérie
La conquête de l’Algérie
La conquête de l’Algérie
Noces juives au Maroc

Noces juives au Maroc

Au début de l’année 1832, Delacroix, qui n’avait guère voyagé jusqu’alors, se joignit à la délégation du comte de Mornay dépêchée par la France au…
Prise de la smalah d'Abd-el-Kader

Prise de la smalah d'Abd-el-Kader

L’émir Abd el-Kader avait été l’âme de la résistance à la colonisation française de l’Algérie, dont la conquête avait été entreprise en 1830. D’…

Le Christ devant ses juges

Le Christ devant ses juges

C’est à la fin d’une vie brève que Maurycy Gottlieb, représentant prometteur de la peinture polonaise au XIXe siècle et pionnier de la…