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Danseuse mettant son bas, première étude

Danseuse mettant son bas, première étude

Danseuse regardant la plante de son pied droit, troisième étude

Danseuse regardant la plante de son pied droit, troisième étude

Deux danseuses roses

Deux danseuses roses

Danseuses bleues

Danseuses bleues

Danseuse mettant son bas, première étude

Danseuse mettant son bas, première étude

Auteur : DEGAS Edgar

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date représentée :

H. : 47 cm

L. : 20 cm

Modèle : 1896-1911.

Fonte à la cire perdue : 1921-1931.

Fondeur :  A.A. Hébrard.

Bronze.

Domaine : Sculptures

© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

RF 2078 - 00-014146

Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra

Date de publication : Novembre 2009

Auteur : Gabriella ASARO

À partir de la fin des années 1860, Degas suit les danseuses pendant les classes et les entraînements réguliers, près des feux de la rampe et même dans les coulisses, assistant non seulement à leur travail, mais aussi à leur repos. Dans ses études au pastel et à la cire, il approfondit ses recherches sur leurs mouvements, privilégiant les lieux où, comme les salles de répétition et les loges, il peut observer leur vie quotidienne. En dépit de l’intimité des instants qu’il saisit, le regard de Degas n’est jamais indiscret ; il s’emploie inlassablement à reproduire fidèlement les gestes qui sont parfois révélateurs de la psychologie des danseuses. Dès les années 1890, l’artiste se concentre sur la figure de la danseuse en elle-même, sans se soucier de l’insérer dans un espace reconnaissable. Il s’agit souvent de danseuses dans les coulisses, sans aucun détail qui permette d’identifier les ballets. À l’image du répertoire éphémère de l’Opéra sous la IIIe République, les danseuses sont saisies dans leur essence – couleur et mouvement – plutôt que situées dans un contexte précis.

L’intérêt de Degas pour les danseuses révèle une obsession pour l’univers féminin qui croît avec l’âge (une série de nus de femmes date des années 1890) et que partage sans doute la société de l’époque, comme en témoigne le succès que ses œuvres obtiennent de son vivant auprès des critiques et des amateurs d’art. Cependant, la manière dont l’artiste aborde les thèmes du corps féminin et de la danse diffère nettement de celle qui caractérise un artiste contemporain comme Henri Toulouse-Lautrec. Degas, en fait, atteint l’immatériel par le matériel, ce qui suscite l’intérêt des symbolistes Stéphane Mallarmé et Paul Valéry.

En vieillissant, Degas se consacre à la sculpture (voir Degas sculpteur et le réalisme audacieux de la Petite danseuse de 14 anstout en approfondissant ses recherches sur la couleur. Il travaille toujours à partir d’un dessin, mais, la faiblesse de sa vue ne lui permettant plus de réaliser des œuvres riches de détails comme ses premières toiles peintes à l’huile, il agrandit les contours des dessins et réalise des pastels et des huiles où la couleur est à la fois dessin et matière.

Les gestes ordinaires des danseuses charment Degas non seulement par leur naturel, mais aussi parce qu’ils lui rappellent parfois des œuvres de l’Antiquité.

La position debout de la Danseuse mettant son bas laisse supposer qu’elle est pressée, mais la raison de sa hâte n’a aucune importance : Degas a vu dans l’inconfort de cette position un nouveau défi à relever. Pour lui, cette danseuse fait revivre une œuvre classique, copiée dans un carnet de sa jeunesse : une figure masculine qui attache sa sandale, observée sur la frise du Parthénon. La jambe d’appui est légèrement fléchie, le buste est courbé vers l’avant, tandis que les doigts de la danseuse tirent le tissu léger du bas pour le remonter sur la jambe. On retrouve ici l’habileté de Degas à reproduire les mains dont il fait preuve dans ses dessins et peintures.

La Danseuse regardant la plante de son pied droit reflète le dualisme esthétique de Degas, à la fois vériste et classiciste. Le sujet de cette sculpture évoque le Spinario ou Tireur d’épine, type statuaire représentant un adolescent en train d’ôter une épine de son pied qui a inspiré maintes représentations, dont un célèbre bronze conservé au musée du Capitole à Rome. Les pieds, si précieux pour une danseuse, sont très fragiles : le travail sur les pointes provoque des blessures, et marcher pieds nus sur le plancher peut être aussi dangereux. La position incommode de la danseuse, qui s’appuie peut-être contre un mur comme le suggère le placement du bras gauche, se prête à une œuvre où l’hommage aux classiques est rafraîchi par un réalisme non dépourvu d’humour.

Deux danseuses roses représente deux femmes en tutu, assises sur un banc, qui se préparent semble-t-il à une représentation. La ballerine de gauche fait son chignon, celle de droite vérifie les lacets d’un de ses chaussons, le pied appuyé sur le banc. Les lignes sombres qui cernent les chairs donnent un double effet de contour et de clair-obscur, en contraste avec le rose des tutus. Ces derniers s’ouvrent comme des fleurs dans la partie centrale du tableau, et ressortent sur le fond et le sol aux couleurs neutres. La proximité des têtes des danseuses fait supposer qu’elles discutent, ce qui rend davantage réaliste cette scène de leur vie quotidienne.

Danseuses bleues montre un groupe dans les coulisses pendant une répétition ou une représentation. La couleur des costumes du premier plan donne son titre à ce pastel, tandis que, dans le fond, des danseuses habillées en jaune se confondent presque avec les décors. Degas ne se soucie plus des détails, mais sa maîtrise du sujet est désormais totale : les traits sont devenus plus fins et plus rares ; la couleur domine dans des textures différentes qui permettent de créer les volumes et les clairs-obscurs des corps et des tutus. Degas a saisi tout le charme des danseuses à l’instant où elles ajustent leur coiffure ou les épaulettes de leurs costumes, et il leur rend vie comme à la danseuse au premier plan qui, mains sur les hanches, regarde son pied gauche dont elle presse la pointe sur le sol pour faire travailler le cou-de-pied.

Toujours fidèle à son esthétique, Degas privilégie les points de vue insolites plutôt qu’une monotone symétrie, les instants cachés mais précieux qui précèdent ou qui suivent les spectacles plutôt que l’action sur scène, qui suscite les applaudissements du public. Le manque de précision des derniers tableaux, loin d’être un défaut, a le mérite de réduire à l’essentiel le traitement du sujet, en exaltant l’esprit du monde du ballet à travers des lignes épurées et des couleurs éblouissantes.

Cette quête d’essentialité dans la vérité atteint un sommet dans les sculptures, où Degas représente des figures isolées de danseuses sans se soucier de les rendre gracieuses comme elles le sont sur la scène, dévoilant ainsi les secrets d’un monde où l’artifice ne supprime jamais complètement le naturel.

Parti du mouvement réaliste, puis rattaché au courant impressionniste, Degas reflète les changements culturels de son époque tout en gardant son individualité artistique.

Patrick BADE, Degas. Les chefs-d’œuvre, traduit de l’anglais par Jacques-François Piquet, Paris, Hazan, 1994.Jill DEVONYAR et Richard KENDALL, Degas et la danse, traduit de l’américain par Christine Piot, Paris, Éditions de La Martinière, 2004.Antoine TERRASSE, Tout Degas, Paris, Flammarion, 1982, 2 volumes.

Gabriella ASARO, « Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/degas-vie-quotidienne-danseuses-opera

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