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Les habitants des campagnes vendoient très cher leurs denrées pour des assignats...

Les habitants des campagnes vendoient très cher leurs denrées pour des assignats...

Assignats de vingt-cinq et de quinze sols.

Assignats de vingt-cinq et de quinze sols.

Assignat de cinquante livres.

Assignat de cinquante livres.

Eventail aux assignats (recto).

Eventail aux assignats (recto).

Les habitants des campagnes vendoient très cher leurs denrées pour des assignats...

Les habitants des campagnes vendoient très cher leurs denrées pour des assignats...

Date représentée :

H. : 36 cm

L. : 53,5 cm

Gouache sur support découpé et contrecollé " Les habitants des campagnes vendoient très cher leurs denrées pour des assignats, et venoient à Paris les changer contre de l'argent. "

© Photothèque des Musées de la Ville de Paris - Cliché Degraces

http://www.paris.fr/musees/musees/phototheque/default.ASp

2000 CAR 1246 A / D09082

De l'inflation à la Terreur monétaire

Date de publication : Avril 2005

Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS

La guerre

L’Assemblée législative dominée par la préparation de la guerre vote des émissions répétées d’assignats : 300 millions en décembre 1791, 300 millions en avril 1792, au moment de la déclaration de guerre, 300 millions en juillet, au temps de « la patrie en danger », 400 millions en octobre, à l’époque où Louis XVI est au Temple et l’ennemi à Verdun. Ainsi, l’État révolutionnaire s’engage au printemps 1792 dans la guerre avec une politique d’inflation caractérisée et un papier-monnaie déjà déprécié de 40 %.

La guerre ranime le mouvement populaire et intensifie la crise sociale et politique. Le pain est cher et rare, les laboureurs répugnant à vendre leur grain contre du papier. Les prix montent, évidemment. En peu de temps, le pain, le sucre, le café, la chandelle, le savon, doublent. On assiège les boulangeries, on dénonce les accapareurs.

Pour poursuivre la guerre, la Convention prend en main l’économie et esquisse en l’an II une démocratie sociale. Elle reprend l’émission d’assignats : 800 millions en février 1793 et 1 900 millions en mai-juin 1793. Elle impose aussi les réquisitions, pour fournir l’armée et pour obliger les détenteurs de denrées à les vendre. Elle institue une taxation, le maximum général des produits de première nécessité, des matières premières et des salaires. En corollaire, la Terreur s’étend aux métaux précieux, rivaux naturels du papier ; la vente du numéraire est défendue, la Bourse fermée, la publication du cours des changes par les journaux interdite.

On attribue aux « agioteurs » la chute du change français sur les marchés extérieurs. À vrai dire, les spéculateurs ne font que tirer profit de la situation sans précédent qu’on leur offre.

Gouache de Lesueur

L’échange d’assignats contre du numéraire a été autorisé par l’Assemblée constituante (17 mai 1791) et ne sera interdit que sous la Terreur (11 avril 1793). « Un habitant des campagnes » qui a vendu sa récolte contre des assignats vient échanger des coupures de 400 livres émises le 21 novembre 1792, les premières à porter la mention « République française », auprès d’un changeur en robe de chambre rayée, coiffé d’un bonnet de fourrure, qui les vérifie, car les faux sont nombreux. Ce robuste paysan semble mieux nourri que la population des villes à cette époque. Même s’il n’obtient pas l’équivalent de la valeur nominale des assignats en espèces, le numéraire reste stable, tandis que le papier-monnaie se déprécie constamment. De fait, la Révolution a connu deux monnaies en sept ans.

Cette petite scène appartient à une collection unique du musée Carnavalet : 64 gouaches dues à un témoin oculaire décrivent des événements et des scènes familières de la Révolution à Paris. L’artiste, Jean-Baptiste Lesueur (1748-1826), les a découpées pour les poser sur leur base, en vue de constituer sans doute un petit théâtre de rue. Le comptoir du changeur est sobrement meublé : un semainier dont les tiroirs semblent pleins de billets comme la boîte en bois posée dessus, une balance pour peser les pièces, un fauteuil de bureau, un tabouret et un paravent décoré d’un semis de petites fleurs derrière lequel se profile la silhouette omniprésente d’un garde national armé de la fameuse pique. Tous portent la cocarde, obligatoire depuis juillet 1792, et l’usurier et son client ont des mouchoirs de cou en cotonnade, dérivés des toiles indiennes en vogue.

Assignats de janvier 1792

L’assignat de 25 sols, voté le 4 janvier 1792, comporte deux cercles où sont apposés des timbres secs. Ces signes authentiques donnent au billet le caractère de monnaie mais deviennent illisibles dès que l’assignat est froissé par l’usage. Le graveur de l’assignat et des timbres, Jean-Pierre Droz (1746-1823), est aussi « mécanicien de l’art monétaire » : la réalisation de milliards d’assignats suscite une haute technicité.

De part et d’autre de l’œil central, symbole de la vigilance, s’affichent des mises en garde : « La loi punit le contrefacteur », « La nation récompense le dénonciateur ». Au-dessous, le coq gaulois tient la devise « la liberté ou la mort ». À cette époque où se prépare la « guerre aux tyrans », les émissions d’assignats se répètent, les coupures sont de plus en plus petites, jusqu’à 10 sous, et imprimées dans la hâte.

De forme carrée, l’assignat de 15 sols du 4 janvier 1792, orné des fleurs de lis de la monarchie et de la devise « La Nation, la Loi, le Roi », annonce en chiffres sa valeur. Au centre, deux allégories proclamant les droits de l’homme et des « faits historiques » célèbrent les acquis des grandes journées révolutionnaires. Nicolas-Marie Gatteaux (1751-1832), le plus industrieux des dessinateurs et graveurs d’assignats, est aussi l’auteur de pièces de monnaie et de timbres secs.

Assignat de 50 livres du 14 décembre 1792

Cet assignat réalisé par le procédé complexe du laminage, superposition de planches d’acier et de cuivre, a été dessiné par Gatteaux et gravé par Alexandre Tardieu. L’allégorie en taille-douce représente le nouveau pouvoir politique qui succède à la royauté abolie le 21 septembre 1792 : à la fois la « Nation française », titre qui figure en filigrane de part et d’autre du dessin, et la République, dont le nom apparaît dans les actes publics à partir du 22 septembre. Assise, elle tient de la main gauche, comme un signe de souveraineté, une sorte de gouvernail qu’on retrouve gravé sur des monnaies et, dans la main droite, trois couronnes de lauriers. Trônant sur un socle cubique décoré de deux faisceaux de licteurs et d’un bonnet phrygien, elle est entourée d’une sphère et du coq gaulois. Le décor de grecques développé dans les angles se retrouve en filigrane entre les lignes de texte. Imparfait dans sa réalisation, cet assignat fut contrefait à grande échelle.

Éventail aux assignats

Représentatif de l’abondante production de gravures sur le thème du papier-monnaie, cet éventail étale l’échec de la politique monétaire et financière de la Révolution. L’inflation sans précédent et les émissions torrentielles d’assignats perdant chaque jour de leur valeur ont marqué fortement les mentalités.

Les pièces de monnaie de l’an IV et les multiples types d’assignats, tous identifiables, révèlent que l’éventail est postérieur à la démonétisation de 1797. On y reconnaît aussi des « billets de confiance » émis à partir de mai 1790 pour pallier le manque de numéraire, un bon de caisse patriotique, un autre de la Maison de secours, un récépissé d’emprunt forcé, une carte de garde national sédentaire, attribuée à tout citoyen en âge de porter les armes d’après la Constitution de l’an III, une carte de sûreté, délivrée sous la responsabilité d’une section de Paris après les massacres de septembre 1792, une carte de rationnement de pain émise sous la Terreur, une patente spéciale. Cet univers de papiers obligatoires et d’assignats à cours forcé, dans l’angoisse de la faim et l’incertitude du lendemain, a fait le quotidien de la Terreur et des années suivantes.

Au verso éclate la différence entre les perdants – « Jean qui pleure », ruiné par la dépréciation des assignats – et les gagnants – « Jean qui rit » alors qu’il spécule sur le numéraire et les planches d’assignats empilées sur la table.

L’inflation permet à l’État révolutionnaire de vivre quasiment sans impôts. Mais la chute de valeur de l’assignat liée à la crise de l’approvisionnement suscite une grave misère sociale. Les municipalités doivent organiser la distribution de vivres aux pauvres, souvent avec des cartes de rationnement. Paris a des cartes de pain, de viande, de sucre. On ne compte plus les malheureux affamés ni les morts de faim. Aux victimes de l’échafaud s’ajoutent celles, plus nombreuses peut-être, du vertige de l’assignat.

Philippe de CARBONNIERES, Les Gouaches révolutionnaires de Lesueur, Paris, Paris-Musées-Nicolas Chaudun, 2005.Jean LAFAURIE, Les Assignats et les papiers-monnaies émis par l’État au XVIIIe siècle, Paris, Léopard d’or, 1981.René SEDILLOT, Histoire du franc, Paris, Éditions Sirey, 1979.Jeanne VEYRIN-FORRER et Alain MERCIER, « Contribution à l’étude iconographique des assignats » in Nouvelles de l’estampe, juillet-août 1989.

Luce-Marie ALBIGÈS, « De l'inflation à la Terreur monétaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/inflation-terreur-monetaire

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