Aller au contenu principal
Labourage nivernais ; le sombrage.

Labourage nivernais ; le sombrage.

Des glaneuses.

Des glaneuses.

Le rappel des glaneuses.

Le rappel des glaneuses.

Labourage nivernais ; le sombrage.

Labourage nivernais ; le sombrage.

Auteur : BONHEUR Rosa

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1849

Date représentée : 1849

H. : 134 cm

L. : 260 cm

Huile sur toile

© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot

http://www.photo.rmn.fr

87EE304 / RF 64

Le travail aux champs

Date de publication : Avril 2005

Auteur : Ivan JABLONKA

La représentation du labeur paysan par le biais de figures grandeur nature, autrefois réservées à la peinture d’histoire, est une des nouveautés du XIXe siècle. Les peintres donnent du monde rural une image plus réaliste, qui tranche avec celle de la paysannerie pittoresque d’un Watteau ou d’un Boucher. Mais, dans la France rurale du XIXe siècle, la représentation du paysan est tout autant un enjeu qu’un message. Les campagnes françaises vivent encore dans un certain archaïsme. Les paysans s’opposent à l’introduction de plantes nouvelles ; les surplus monétaires sont destinés à l’achat de parcelles et non à la modernisation de l’équipement. Pour cette raison, tout au long du siècle, la mécanisation demeure faible. Quelques progrès, néanmoins, sont réalisés à partir des années 1840. Le Second Empire, assurant à la fois la croissance de la production et celle des prix, constitue pour la paysannerie un véritable âge d’or. L’accroissement concerne d’abord les céréales panifiables, sur lesquelles repose l’alimentation humaine ; et ce n’est pas un hasard si les scènes peintes par Millet, Breton, Bastien-Lepage et Van Gogh entretiennent souvent un lien avec la culture céréalière.

Ces tableaux permettent de distinguer quelques étapes dans la culture de la terre :
– le labourage, que représente Rosa Bonheur ;
– le glanage, “ droit commun ” qui autorise les femmes, les enfants, les pauvres d’une communauté à ramasser après la moisson les épis oubliés.
Le travail tel que les peintres le représentent est rude et fatigant. Les glaneuses de Millet sont courbées, dans une position douloureuse où la tête est plus basse que les hanches. La dureté du labeur agricole n’est donc en rien épargné aux femmes, même si les semailles et la moisson sont plutôt réservées aux hommes. Les tableaux traduisent l’effort du corps, ployé, usé, meurtri. Le paysan est représenté immergé dans la nature nourricière, non encore dépendant des machines. Mais le travail agricole est dépeint de deux manières antagonistes, critique sociale chez Millet, glorification chez Breton. Chez le premier, les glaneuses, éléments menaçants d’un prolétariat des champs, “ épouvantails en haillons ”, personnifient la misère rurale par leur forme massive et leur attitude, d’autant plus qu’à l’arrière-plan, les meules du maître offrent en spectacle une abondance dont elles sont exclues. Même si les glaneuses de Breton sont pieds nus et pauvrement vêtues, elles apparaissent sinon dignes, avec une beauté de caryatides classiques, du moins socialement inoffensives, actrices d’une vie rurale apaisée, avec ses travaux, ses enfants et son garde champêtre.

Si les premiers tableaux de Millet firent scandale, celui de Jules Breton remporta un franc succès, puisqu’il fut acheté 8 000 francs pour la collection impériale et que son auteur reçut la Légion d’honneur en 1861. Le premier entend montrer sans fard la dureté du travail agricole et la misère rurale, tandis que le deuxième offre une vision idéalisée des rapports sociaux dans les campagnes ; et même si Breton professait qu’il fallait donner aux humbles “ la place autrefois réservée aux dieux et aux puissants ”, il n’en conforte pas moins le mythe bourgeois d’une vie rurale idyllique où, comme dans Le Peuple de Michelet, le paysan est investi d’une grandeur qui l’ennoblit. Quoi qu’il en soit, les tableaux présentent tous l’image d’une France traditionnelle, où l’essentiel du travail est manuel, comme si pour les chantres de la vie champêtre l’arriération économique était une forme de préservation. En ce sens, la campagne des peintres est archaïque, immuable, à une époque où les techniques nouvelles et les contrecoups du marché national et des évolutions de la ville transforment inéluctablement la vie des ruraux.

Caroline et Richard BRETTELLes Peintres et le Paysan au XIXe siècleGenève, Skira, 1983.Jean-Claude CHAMBOREDON" Peinture des rapports sociaux et invention de l’éternel paysan : les deux manières de Jean-François Millet "Actes de la recherche en sciences sociales, n° 17-18, novembre 1977.Georges DUBY et Armand WALLON (dir.)Histoire de la France rurale, Apogée et crise de la civilisation paysanne de 1789 à 1914tome 3, " Apogée et crise de la civilisation paysanne, 1789-1914 ", Seuil, 1976.Annie MOULINLes Paysans dans la société française de la Révolution à nos joursSeuil, coll.Points, 1988.

Ivan JABLONKA, « Le travail aux champs », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/travail-champs

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Un Goncourt en cache un autre

Un Goncourt en cache un autre

Au cœur du Paris artiste des années 1850 à 1880

Les frères Jules (1830-1870) et Edmond (1822-1896) de Goncourt, fameuses figures du milieu…

Un Goncourt en cache un autre
Un Goncourt en cache un autre
Un Goncourt en cache un autre
Une œuvre naturaliste

Une œuvre naturaliste

Lorsque l’artiste prend ses distances vis-à-vis du portrait officiel ou de commande, il peut élever comme ici un portrait anodin au rang d’icône…

Les paysans vus par la III<sup>e</sup> République

Les paysans vus par la IIIe République

Chaque région agricole française a ses cultures de prédilection, ses structures agraires propres et ses méthodes culturales.

Au XIX…

Regard sur l’alcoolisme

Regard sur l’alcoolisme

L’œuvre fut probablement montrée lors de la deuxième exposition impressionniste sous le titre Dans un café.

À partir de 1876, une…

Le monde rural

Le monde rural

Alors que le Second Empire est synonyme de prospérité pour l’agriculture française, les années 1875 à 1890 sont celles de la récession. Une…

Le monde rural
Le monde rural
Courbet, peintre réaliste de la société

Courbet, peintre réaliste de la société

« C’est le monde qui vient se faire peindre chez moi »

En 1854 ou 1855, Gustave Courbet peignit un grand tableau de 6 mètres sur 3 mètres, L’…

Fernand Pélez, peintre de la « misère » urbaine

Fernand Pélez, peintre de la « misère » urbaine

Les saltimbanques ou la grimace de la misère

Pélez montre admirablement l’existence miséreuse que ces saltimbanques mènent dès l’enfance et jusqu…

Fernand Pélez, peintre de la « misère » urbaine
Fernand Pélez, peintre de la « misère » urbaine
L'ouvrier artisan

L'ouvrier artisan

Gustave Caillebotte (1848-1894) montre des artisans au travail dans un appartement bourgeois peut-être situé dans la plaine Monceau, dans l’ouest…
Le travail aux champs

Le travail aux champs

La représentation du labeur paysan par le biais de figures grandeur nature, autrefois réservées à la peinture d’histoire, est une des nouveautés…

Le travail aux champs
Le travail aux champs
Le travail aux champs
Le commerce du livre au XIX<sup>e</sup> siècle

Le commerce du livre au XIXe siècle

Le triomphe de la production imprimée

Dans l'histoire du livre, le XIXe siècle représente l'âge du triomphe de la production imprimée…