Aller au contenu principal
France!! ou l'Alsace et la Lorraine désespérées

France!! ou l'Alsace et la Lorraine désespérées

Lieu de conservation : Musée lorrain (Nancy)
site web

Date de création : 1906

Date représentée :

H. : 170 cm

L. : 230 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Musée Lorrain, Nancy - P. Mignot

L’Alsace, province perdue

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Sabine BOUCHY DU PALUT

Une peinture patriotique – Le thème des provinces perdues

L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua un choc émotionnel et intellectuel intense. Les années qui suivirent la défaite virent la prolifération d’une littérature romanesque, d’une imagerie et de chansons populaires s’attachant à évoquer le drame des provinces perdues. Jusque vers 1890, le thème fut inlassablement repris par les milieux nationalistes et notamment les boulangistes.

Après une accalmie de quelques années, il resurgit à partir de 1905, comme en témoigne Charles Péguy. L’Alsace et la Lorraine suscitent alors un sursaut patriotique nourri d’esprit de revanche et d’un violent antigermanisme.

Une allégorie dramatisée exaltant le sentiment patriotique

Peintre académique, Weerts fut l’élève de Cabanel à l’École des beaux-arts de Paris avant d’entamer une carrière de portraitiste et de peintre d’histoire. Plusieurs de ses peintures (Pour l’humanité, pour la patrie, 1895, et La France victorieuse, le châtiment, 1918, chapelle de la Sorbonne, dépôts de l’État) montrent combien le thème du sentiment patriotique le hantait. Tout en restant fidèle à sa formation académique, il peignit, avec le sens dramatique qui le caractérisait, des sujets ancrés dans la réalité de son temps.

Dans le paysage assombri d’une campagne dévastée par la guerre, le peintre a représenté deux belles jeunes femmes, allégories de l’Alsace et de la Lorraine. Tandis que l’une se voile la face d’un geste théâtral pour dissimuler ses larmes, l’autre, les yeux levés au ciel, semble implorer l’intervention de Dieu. Au sein d’une disposition d’ensemble en forme de frise, les deux figures sont inscrites dans une série de triangles d’où s’échappe un bras tendu en direction du panneau « France », qui symbolise la frontière. La main, située juste au-dessus de la cathédrale de Strasbourg, la désigne clairement.

De nombreux peintres ont évoqué l’image des provinces perdues, le plus souvent sous la forme de deux femmes individualisées, vêtues de leurs costumes régionaux respectifs. Weerts a choisi une représentation moins académique : rien de permet de distinguer l’Alsace de la Lorraine, et les deux provinces sont associées dans le même malheur et la même espérance. Il adopte ainsi la conception de la France vue comme assemblage d’entités différentes mais convergentes, qui fondait alors tout l’enseignement et le discours patriotique.

Une perte difficile à oublier

Jusqu’à la réunification en 1918, la question de la perte de l’Alsace et de la Lorraine est régulièrement débattue dans un climat passionnel exaltant la gloire et la grandeur nationale.

Peint en 1905, ce tableau témoigne d’un renouveau du patriotisme français et du « réveil » d’une fraction de l’opinion publique et intellectuelle. Ce sentiment national, exalté notamment par Charles Péguy dans Notre Patrie paru la même année, va bien au-delà des rangs de la droite antiparlementaire. Le discours de Guillaume II à Tanger en 1905, les péripéties de la première crise marocaine qui s’en est suivie et la nouvelle menace allemande de 1911 furent autant d’épisodes montrant combien les Français ne pouvaient accepter la pérennité de la frontière de 1871.

C. ACHERE, « “France !! ou l’Alsace et la Lorraine désespérées” Un tableau de J.-J. Weerts au musée Lorrain », Le Pays lorrain, no 3, juillet-septembre 1997.

Jean-Marie MAYEUR, « Une mémoire-frontière : l’Alsace », t. 2, in Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1988, réed. coll. « Quarto », 1997.

François ROTH, La Guerre de 70, Paris, Fayard, 1990.

COLLECTIF, Jean-Joseph Weerts : la peinture d’histoire et le portrait, catalogue de l’exposition au musée de Roubaix, Éditions du musée de Roubaix, 1989.

Sabine BOUCHY DU PALUT, « L’Alsace, province perdue », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/alsace-province-perdue

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Vermeer et la foi catholique

Vermeer et la foi catholique

Images et religions dans les Provinces-Unies

En août 1566, sous l’impulsion de prêcheurs protestants, une vague de destructions d’œuvres d’art…

Louis XIV protecteur des Arts et des Sciences

Louis XIV protecteur des Arts et des Sciences

Roi de guerre, roi-soleil, Louis XIV se veut aussi le protecteur des arts et des sciences. D’autant que le jeune monarque, né en 1638, de l’union…

Une représentation de Louis XIV

Une représentation de Louis XIV

Décidé peu après la paix de Nimègue (10 août 1678), le programme iconographique du plafond de la galerie des Glaces à Versailles constitue une…

Une représentation de Louis XIV
Une représentation de Louis XIV
Les emprunts nationaux de 1916 et 1917

Les emprunts nationaux de 1916 et 1917

La Grande Guerre, une mise à l’épreuve des nations et des populations

Dès les premières semaines de la guerre, à l’automne 1914, les réserves de…

Les emprunts nationaux de 1916 et 1917
Les emprunts nationaux de 1916 et 1917
La revue La Plume et le Salon des Cent

La revue La Plume et le Salon des Cent

La Plume (1889-1914) : une revue active

Parmi les petites revues littéraires et artistiques de la Belle Époque, La Plume, créée par Léon Deschamps…

Le mémorial du siège de Paris

Le mémorial du siège de Paris

Le siège de Paris

Décrété le 19 septembre 1870, le siège dure jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871. Le commandement allemand s’est installé à…

Marie Curie et la presse

Marie Curie et la presse

Marie Curie, femme de science

Marya Sklodowska est née à Varsovie, en 1867, en Pologne alors partie intégrante de l’Empire russe et décède en…

Marie Curie et la presse
Marie Curie et la presse
Le tombeau de Turenne

Le tombeau de Turenne

Le tombeau d’un maréchal de France

Le 17 avril 1676, le neveu de Turenne, cardinal de Bouillon, passa commande d’un mausolée en mémoire de son…

La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique

La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique

L’invention de la photographie en 1839 par Jacques Daguerre (1787-1851) eut, entre autres, des conséquences non négligeables sur la recherche…
La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
La courtisane, un monstre ?

La courtisane, un monstre ?

Un regard trouble entre misogynie et fascination

Le recours à l’allégorie pour dénoncer la prostitution est très fréquent au XIXe siècle…