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La Majorité de Louis XIII, le 20 octobre 1614

La Majorité de Louis XIII, le 20 octobre 1614

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : 1622

Date représentée : 20 octobre 1614

H. : 394 cm

L. : 295 cm

Domaine : Peintures

RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda / Thierry Le Mage

Agence photographique

00-010467 / INV1784

La majorité de Louis XIII

Date de publication : Octobre 2017

Auteur : Jean HUBAC

La fin de la régence

Afin de satisfaire aux ambitions de la reine mère Marie de Médicis, le peintre anversois Rubens, alors au faîte de sa gloire artistique, réalise une grande série de vingt-quatre toiles destinée à prendre place dans la galerie occidentale du tout nouveau palais du Luxembourg. Commandée en 1622, la série est installée en 1625. Véritable programme iconographique et politique, le cycle rubénien choisit – de manière concertée entre le peintre et l’entourage de la reine mère (Richelieu, l’abbé Maugis ou Fabri de Pereisc) – de célébrer des épisodes cruciaux de la vie de Marie de Médicis. Campée en héroïne, la princesse florentine devient reine de France (1600), mère du dauphin (1601), puis régente à la mort d’Henri IV (1610), avant d’être écartée du pouvoir par son fils Louis XIII en 1617 – ce que Rubens tait évidemment, comme il tait la prise d’armes contre le roi lors des deux « guerres de la mère et du fils ». La réconciliation en 1622 et le retour de Marie de Médicis au conseil du roi viennent clore la série sur un équilibre restauré qui paraît définitif.

La Majorité de Louis XIII marque la fin de la régence nominale de Marie de Médicis et partage symboliquement le mur droit de la galerie en deux parties distinctes. Rubens recourt au répertoire classique de la représentation du royaume comme une nef dont le roi assure un pilotage adroit et avisé. La force du peintre réside cependant dans l’adjonction en une composition savante de plusieurs figures allégoriques autour du couple royal pour lui donner une force symbolique nouvelle.

Le navire de l’État aux mains du roi

Juchée devant le mat du navire, la France, campée en femme fière et forte (et en cela parallèle évident de Marie de Médicis), tient le globe de la souveraineté – écho explicite au globe transmis par Henri IV à Marie de Médicis dans La Proclamation de la régence – et brandit l’épée de l’exercice de l’autorité. Casque à cimier sur la tête, elle surplombe avec une mâle assurance une scène où l’on distingue deux groupes.

Au premier plan, quatre femmes puissantes rament et assurent la marche du navire ; il s’agit de quatre vertus royales (dont l’accès au sens est permis par les boucliers rivés au navire) : la Force (bouclier au lion), la Religion (autel illuminé), la Justice (balance) et la Concorde (caducée). Joignant leur effort à celui de ces dernières, deux autres femmes incarnant la Tempérance baissent la voile. Pour compléter l’approche allégorique, deux Renommées claironnent l’événement dans un ciel céruléen et légitiment le maniement des affaires du royaume par la reine mère.

À la poupe du navire, le roi Louis XIII porte tous les attributs de la souveraineté (couronne fermée, manteau du sacre, épée, sceptre) et tient fermement le gouvernail. Il regarde sa mère, toujours en robe de deuil, qui lui indique de la main la bonne manière de diriger le navire. Le jeu de regard continue à placer Louis XIII sous la dépendance de sa mère, en dépit de la proclamation de sa majorité ; il agit volontairement et pare ainsi d’une nouvelle légitimité l’exercice de l’autorité par Marie de Médicis.

L’allégorie pour gommer le réel

Seule toile du cycle rubénien dans laquelle le jeune roi porte tous les attributs de la souveraineté, La Majorité de Louis XIII est aussi celle où la reine mère rend compte au roi de ses vertus et de ses qualités à gouverner. La subtilité de Rubens est bien de parvenir à signifier la gloire de Marie de Médicis dans la reddition de l’autorité souveraine dans les mains de son fils : la reine mère n’a jamais paru aussi puissante et proche du pouvoir qu’en le rendant à sa source légitime. Chaque allégorie peut alors renvoyer aux vertus politiques du roi comme à celle de sa mère, l’ensemble de ces vertus ayant permis au vaisseau de l’État d’avoir évité les écueils de la minorité royale, comme l’écrit au même moment le libelliste Fancan. La reine apparaît comme « l’agent de liaison » de la monarchie française (F. Cosandey) ; elle assure la continuité dynastique sans aucun autre truchement que celui du lien familial et du sang de France. C’est également une manière pour une reine d’origine italienne souvent accusée de favoriser des intérêts étrangers d’incarner la France. La toile participe donc à la présentation de la reine mère « en mère de la patrie, en mentor du roi et en médecin de l’État », et « l’invasion mythologique et allégorique y assume […] à la fois le rôle de voile dissimulant un message politique, et celui de clé d’accès pour le décrypter » (J.F. Dubost).

Une dyarchie symbolique et réelle semble naturellement s’imposer pour assurer l’assiette du globe souverain. Avec Rubens, ce dernier devient l’attribut officiel de la monarchie française, suffisant à lui-même pour dire la sphère parfaite sur laquelle s’exerce l’autorité du Roi Très-Chrétien.

La réalité est pourtant loin de cette vision idéalisée. Ainsi que dans L’Apothéose d’Henri IV et la proclamation de la régence, le rôle joué par le parlement de Paris dans la proclamation de la majorité (lit de justice le 2 octobre 1614) est escamoté, comme pour mieux souligner le caractère naturel de la remise des insignes du pouvoir au jeune roi désormais pleinement apte à gouverner.

Fanny COSANDEY, La reine de France. Symbole et pouvoir, Gallimard, Paris, 2000.

Id., « Représenter une reine de France. Marie de Médicis et le cycle de Rubens au palais du Luxembourg », in Clio. Femmes, Genre, Histoire [en ligne], 19 – 2004, mis en ligne le 27 novembre 2005, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://clio.revues.org/645

Jean-François DUBOST, Marie de Médicis. La reine dévoilée, Payot, Paris, 2009.

Marie-Anne LESCOURRET, Rubens, Flammarion, Paris, 1990.

Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, Somogy éditions d’art et Château de Blois, 2003 (catalogue d’exposition).

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Jean HUBAC, « La majorité de Louis XIII », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/majorite-louis-xiii

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