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Chanteuse de café-concert en buste

Chanteuse de café-concert en buste

Polaire, artiste

Polaire, artiste

Chanteuse de café-concert en buste

Chanteuse de café-concert en buste

Auteur : DEGAS Edgar

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : vers 1878

H. : 47,3 cm

L. : 30,5 cm

fusain et rehauts de blanc sur papier gris, en dépôt au musée du Louvre (Paris)

Domaine : Dessins

© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Franck Raux

lien vers l'image

10-504509 / RF 4648, Recto

La traite des planches ou La prostitution au spectacle

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Catherine AUTHIER

La traite des planches ou la prostitution au spectacle.

Le dessin de Degas comme la photographie de la vedette Polaire attestent l’engouement prodigieux du public pour les nouveaux spectacles de café-concert dans la deuxième moitié du XIXe siècle. On découvre ici Polaire grâce à la fameuse collection de Félix Potin, cet entrepreneur précurseur qui offrait des images publicitaires des Célébrités contemporaines avec les tablettes de chocolat qu’il vendait dans son magasin. Celle qui s’appelait en réalité Emilie Marie Bouchaud est née à Alger en 1874. Arrivée à Paris à l’âge de quinze ans pour rejoindre son frère, le comique Dufleuve, elle lance, en 1893, à la Scala le fameux « Tha-ma-ra-Boum-di-hé », une chanson anglaise de Henri J. Sayers. Loin des archétypes féminins du café-concert, elle est dotée d’un physique très typé, des cheveux épais et noirs, une peau mate et un corps « maigre comme un clou. Dans ses mémoires, elle raconte alors la savante construction de son personnage de scène, une figure provocante et originale. Elle invente notamment le genre « épileptique » avec une danse secouée de tremblements continus. A cette époque, la plupart des artistes femmes étaient plutôt recrutées sur leur physique, les spectateurs se rendant davantage au café-concert pour admirer, voire profiter de la gorge et des jambes des prétendues artistes que pour écouter leur voix ou apprécier leurs dons expressifs. Sous la IIIe République, les lieux de plaisir se multiplient. Les cabarets fleurissent dans le quartier de Montmartre, avec l’Elysée-Montmartre, Les Folies Bergère, Le Moulin Rouge ou l’Olympia. Les spectacles évoluent alors fortement vers des shows où le corps des femmes est mis en scène avec un érotisme de plus en plus ostensible

Les gommeuses, coqueluches de Paris

Le dessin au fusain de Degas représente une chanteuse de café-concert vers 1878. Il s’agit d’un travail préparatoire pour une œuvre en couleur où l’artiste met en valeur la force et l’intensité expressive des chanteuses de cabaret. Elle a été saisie en plein chant, la bouche grande ouverte, le bras ganté relevé, vêtue d’une robe dont le col et la manche sont ornés d’une fourrure sombre qui contraste avec le visage en pleine lumière.

Au sein des artistes du café-concert, celles qu’on appelait les « gommeuses » n’avaient le plus souvent que leur physique et beaucoup de cran pour se faire remarquer.
Elles arboraient fréquemment un costume excentrique, une robe courte et sexy, un décolleté plongeant, un chapeau surchargé, des faux bijoux clinquants, des talons hauts et des accessoires, boas, gants ou éventails, tape à l’œil. Elles n’avaient le plus souvent aucun talent d’artiste, mais une certaine présence physique, un charme et une joliesse qui se révélaient sur scène à travers quelques mimiques voire des grimaces, un ton espiègle et coquin qui les rendaient charmantes aux yeux des spectateurs. ! Elles étaient spécialisées dans un répertoire de chansons grivoises qui célébraient les vertus de leurs amants avec des sous-entendus salaces très au goût de la clientèle.

Le modèle du genre fut incontestablement l’actrice Polaire. Elle s’est surtout faite connaître grâce à un tour de taille extraordinairement fin (33 cm), un « jeu épileptique » et des mœurs scandaleuses ! Dans ce plan rapproché, la chanteuse apparaît comme une jolie fille piquante qui nous fixe avec désinvolture, en robe du soir, un collier de perles ras du cou et un foulard en guise de bandeau dans ses cheveux. Notons que pour une fois le photographe n’a pas insisté sur son tour de taille, ce qui est rarissime!

La traite des planches

En avançant dans le XIXe, on voit apparaître en France une nouvelle forme de prostitution qui correspond à une attente différente de la part des clients, celle de préserver une forme d’illusion de séduction. Ces derniers sont désormais davantage troublés par les charmes d’une jeune artiste, pour médiocre qu’elle soit que par la prostituée professionnelle des maisons closes. Du côté des jeunes filles, l’univers du spectacle faisait rêver et constituait l’un des seuls domaines où il demeurait possible, pour une femme, de faire fortune, de devenir célèbre et de mener sa vie librement. Dans ce contexte, le monde du café-concert fournit un exemple particulièrement cru et violent de cet univers sordide de la prostitution au spectacle au XIXe siècle. Sans que l’on ne puisse rien affirmer concernant les amours de Polaire et son statut d’éventuelle prostituée, les artistes femmes qui participaient à ces spectacles de café-concert étaient le plus souvent terriblement exploitées par les directeurs de salles comme par ceux qui prétendaient les recruter avec le titre officiel d’ » agents lyriques ». Il s’agissait en réalité d’entremetteurs peu scrupuleux qui se transformaient facilement en proxénètes. A une époque où la société commence à s’élever contre le fléau de la traite des blanches, le monde du café-concert et du music-hall en offrait une version à peine déguisée. Ces filles étaient sous payées, souvent condamnées à mendier leur dîner grâce au rituel de la corbeille qu’elles présentaient aux clients qui se montraient alors plus ou moins généreux en fonction de leur « disponibilité » : des milliers de jeunes aspirantes chanteuses se trouvaient ainsi violemment et très rapidement plongées dans un univers de mendicité et de prostitution. Au début du XXe siècle, la situation des artistes du spectacle indigne les journalistes qui inventent pour la décrire l’expression de « Traite des planches » dans le journal L’Assiette au beurre publié le 27 juin 1903. Il faudra néanmoins attendre 1908 pour assister à la création de l’Union syndicale et mutuelle des artistes lyriques, des cafés-concerts et des music-halls, réclamant l’application de la juridiction prud’homale aux artistes de spectacle.

AUTHIER Catherine, Femmes d’exception, femmes d’influence : une histoire des courtisanes au XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2015.

CARADEC François, WEILL Alain, Le café-concert (1848-1914), Paris, Fayard, 2007.

CONDEMI Concetta, Les cafés-concerts : histoire d’un divertissement (1849-1914), Paris, Quai Voltaire, coll. « Quai Voltaire histoire », 1992.

MARTIN-FUGIER Anne, Comédienne : de Mlle Mars à Sarah Bernhardt, Paris, Le Seuil, 2001.

Catherine AUTHIER, « La traite des planches ou La prostitution au spectacle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/traite-planches-prostitution-spectacle

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